Une année après avoir été relancée par Luc Broussy, voilà "Magic", la revue pop moderne, confrontée à de nouvelles difficultés financières. Au point de devoir faire une pause pour mieux repartir au printemps prochain. Ou pas.

Si culture et économie ne font pas toujours bon ménage, presse musicale et bénéfices ne se parlent plus depuis l’apparition de réseaux sociaux ultra-gloutons et d’autres sites dominateurs genre Pitchfork. Chez Gonzaï on sait de quoi on parle quand on cause bénéfices puisqu’on en fait pas. On devrait quand même continuer à sortir le magazine en 2018 grâce à notre nouvelle campagne d’abonnement savamment brainstormée. Voilà pour l’instant placement de produits.

Chez Magic, revue pop moderne, l’argent ne rentre pas mieux mais c’est encore plus tendu. Au point, après 5 numéros, de devoir faire une pause dans la publication du magazine histoire de le « redimensionner » pour mieux repartir dans quelques mois. Une bouée jetée à la mer avant le naufrage ? Autant rencontrer Luc Broussy, propriétaire des lieux, pour en savoir plus et ne pas se perdre dans les hypothèses habituelles du café du commerce.

Un peu d’histoire quand même avant de lui laisser la parole. Le 9 mai 2016, la revue annonce la fin de la publication après 21 ans d’existence et plus de 200 numéros. Un lecteur historique au profil atypique tente quelques semaines plus tard de la sauver. Atypique, car même si les fans de pop vieillissent de plus en plus (il n’y a qu’à se déplacer en concert pour prendre peur), ils n’avaient pas forcément pensé que le repreneur idéal serait un spécialiste de la silver economy. Ajoutez à cela que Luc Broussy est ami avec François Hollande, membre du PS, ex-député suppléant du Val d’Oise et créateur d’un « Executive Master de Politiques Gérontologiques » à Sciences Po Paris et vous conviendrez qu’à côté Mathieu Pigasse, c’est Lemmy. Ceux qui parviennent à faire abstraction de ces considérations réductrices reconnaîtront sans mal que Magic lui doit beaucoup. Et que, comme le montre notre discussion, faire vivre un magazine de niche, c’est pas si simple. 

Bonjour Luc. On ne se connaît pas. Au vu de votre parcours, je suppose que vous êtes rompu à l’entretien politique ou médiatique. Essayons donc d’éviter toute langue de bois. Voilà un an vous repreniez Magic. Où en est la revue aujourd’hui ? 

Luc Broussy : Franchement, elle correspond à ce qu’avec Vincent Théval (NDLR : ex rédacteur en chef) et Johanna Seban (NDLR : ex rédactrice en chef adjointe), nous voulions en faire. Il s’agissait bien évidemment de conserver l’ADN historique du magazine tout en renouvelant une formule dont l’efficacité s’était émoussée avec le temps. Nous avons d’abord voulu élargir le journal à d’autres styles musicaux que la pop et à d’autres modes d’expression artistique comme la photo ou la BD. Ça nous a permis de parler de Charles Berberian, Jim Jarmusch, Luz, Nine Antico ou Rhona Bitner. On peut adorer l’indie pop et être fan de Thelonious Monk, aimer Teenage Fanclub et Sun Ra, aimer The National et la musique contemporaine avec Steve Reich et Bryce Dessner, ce que nous a invité à faire Vincent Théval dès notre premier numéro de janvier.

La deuxième nouveauté, ça a été le séquençage pour une lecture plus claire avec trois parties distinctes. Les actualités avec l’indispensable cahier de chroniques, le plus complet de la presse rock en France. Un deuxième cahier consacré aux rencontres avec les artistes. Puis, un dernier cahier plus historique où on parle de rééditions, d’artistes méconnus des années 60-70 ou de styles musicaux particuliers.

La troisième évolution a été esthétique. David Guibaud, notre graphiste historique, a totalement repensé une maquette qui, de l’avis général, est magnifique. Sans parler des photos du talentueux Julien Bourgeois. Une belle maquette, un papier plus luxueux, une augmentation conséquente de la pagination : cette démarche était indispensable pour faire en sorte que tenir un journal dans les mains soit une expérience plus riche que « scroller » sur un écran numérique.

« Si vous apprenez que je suis venu ici pour gagner de l’argent, rendez-moi service : foutez-moi une camisole ! »

Quand vous êtes arrivé, certains vous ont vu comme le messie sauvant la pop moderne. Quelles étaient vos motivations pour reprendre cette revue ? Gagner de l’argent ?

Si vous apprenez que je suis venu ici pour gagner de l’argent, rendez-moi service : foutez-moi une camisole ! Je n’ai jamais été suffisamment dingue pour penser que cette activité serait lucrative mais j’ai en revanche été suffisamment fou pour perdre beaucoup d’argent en un an… On ne peut pas comprendre la logique qui m’anime si on ne comprend pas que je ne suis qu’un lecteur parmi les milliers de lecteurs de Magic. Depuis 1995, le 1er de chaque mois, je me précipitais dans mon kiosque pour acheter mon numéro. J’ai répété ce geste 201 fois jusqu’en avril 2016. Ma démarche, c’est avant tout celle d’un fan de pop qui s’est senti perdu quand sa revue préférée a décidé de mettre les clefs sous la porte. Sauf que, chef d’une entreprise de presse – dans le secteur médico-social – je savais à peu près en quoi consistait la rédaction, la fabrication, l’impression d’un journal. J’ai donc décidé de racheter les actifs du magazine.

En gros, vous vous êtes offert un jouet ?

Ni un jouet, ni une « danseuse » ! Disons plutôt un rêve d’ado. À 50 ans, je me suis dit que j’avais là la possibilité d’assouvir ma passion pour la pop tout en redonnant vie à un journal que des gens attendaient. Ce n’était pas seulement un plaisir solitaire. Rappelez-vous les centaines de messages de tristesse à l’annonce de la fin de Magic.

Avant que vous n’arriviez, qui avait été sollicité par l’ancien propriétaire pour reprendre le mag’ ?

L’ancien propriétaire avait sollicité trois figures bien connues. Franck Annese de So Press qui a décliné l’offre. Mathieu Pigasse qui a déjà suffisamment à faire avec tous ses projets. Et Tsugi des amis Bardot et Bernier qui, eux aussi comme nous, sont concentrés sur la réussite de leur propre projet. Ces refus successifs ont rendu inéluctable la liquidation. Moi, je ne suis arrivé qu’après. À un moment où c’était moi ou rien. Ce fut donc moi.

C’est purement factuel mais quelle était la situation du magazine quand vous arrivez ? Le déficit, le nombre d’abonnés ?

À mon arrivée en juillet 2016, je suis d’abord confronté à la vérité des chiffres. Pas fameux… Un très faible nombre d’abonnés et des ventes en kiosque poussives. Avec un paradoxe transformé en objectif : « Ah si seulement tous ceux qui connaissent et disent aimer Magic se mettaient… à le lire ! » Dès le 1er trimestre, nous avons doublé le nombre d’abonnés grâce à une souscription sous forme de pré-abonnement menée en novembre et décembre 2016. Puis rapidement, nous avons plus que doublé la vente au numéro en kiosque.

La visibilité du magazine s’est aussi améliorée. Pour la première fois dans son histoire, Magic s’est retrouvé à plusieurs reprises affiché sur les kiosques. C’est aussi dans cet esprit que nous avons organisé les Magic Number#, des concerts à la cadence bimestrielle avec Mark Eitzel, Vashti Bunyan, Ryler Walker ou JP Nataf, dans des endroits décalés comme le Carreau du Temple ou le Mona Bismarck American Center. Enfin, nous avons donné un vrai coup de boost à nos réseaux sociaux, Facebook et Twitter.

 « On a fini par donner l’impression, biaisée, que tout allait effectivement bien et que, grâce à un généreux mécène, la revue était sortie d’affaire. Il n’en est rien évidemment. »

 Tout va bien aujourd’hui alors ?

Eh bien non, justement… Le paradoxe, c’est qu’à force d’avoir produit un bon journal, d’avoir revivifié la communauté de ses lecteurs, d’avoir attiré vers nous de belles plumes, d’avoir réussi l’opération de crowdfunding de la fin 2016 et d’avoir été visible en kiosque et dans les médias, on a fini par donner l’impression, biaisée, que tout allait effectivement bien et que, grâce à un généreux mécène, la revue était sortie d’affaire. Il n’en est rien évidemment. Je dois humblement avouer que pour l’heure, je n’ai pas fait la preuve que j’étais plus malin que mes prédécesseurs…

La revue ne va donc pas si bien que ça financièrement parlant ?

Non, elle reste très déficitaire. Si j’étais convaincu que ce déficit était insoluble, je fermerais boutique de suite. Or, je continue à croire que le « delta » qui reste à combler pour trouver l’équilibre est atteignable. Malheureusement, je ne suis qu’un petit artisan, qu’un individu qui a repris Magic sans avoir de réserves personnelles, j’arrive au bout de l’effort financier que j’étais en capacité de produire. J’ai donc cherché des investisseurs et j’en ai trouvés. J’en recherche encore d’autres afin de récupérer les fonds qui nous permettraient de passer le cap entre aujourd’hui et la période où nous pourrions devenir équilibrés. Mais si ces investisseurs ne sont pas là pour gagner de l’argent, ils ne sont pas là non plus pour en perdre… Je dois donc leur proposer un scénario viable à moyen terme et pour cela je dois impérativement redimensionner le projet. C’est ce qui explique la « pause technique » que nous allons devoir faire cet hiver. Nous reparaîtrons en mars-avril en ayant redéfini un projet qui soit économiquement viable.

« Les maisons de disques ne peuvent pas pleurer quand le journal disparaît puis mégoter leur soutien quand le journal reparaît. »

Comment se traduirait concrètement ce redimensionnement, cette nouvelle « nouvelle formule » ? Plus de mainstream ? Moins de pages ?

La grande différence avec la situation de 2016 c’est que nous avons désormais un an de recul et donc un an d’enseignements à tirer. Nous allons reprendre un à un tous les curseurs. Peut-on réduire la pagination sans rien enlever à la densité du magazine ? Peut-on jouer sur la qualité du papier, le nombre d’impressions, la régularité de sortie, sur l’équilibre entre abonnements et ventes en kiosque ? Nous devons aussi à l’évidence être plus présents encore sur les réseaux sociaux. Enfin, nous allons repenser nos relations avec les maisons de disques, les salles de concerts, les festivals… Ils ne peuvent pas pleurer quand le journal disparaît puis mégoter leur soutien quand le journal reparaît. Nous allons leur proposer un vrai deal sur le long terme.

Enfin, il nous faut impérativement toucher un public plus large sans décevoir le premier cercle de nos lecteurs historiques. La recette consisterait-elle à devenir « mainstream » ? Je récuse évidemment ce terme qui a un côté péjoratif chez les fans de pop. Cela sous-entendrait que nous serions prêts à sacrifier nos véritables goûts musicaux pour aller évoquer des artistes qui ne sont pas notre tasse de thé avec le secret espoir que les ventes décollent. Non. Nous sommes là pour faire aimer la musique qu’on défend. C’est l’objectif de toute la rédaction. Se casser le tronc pour essayer d’équilibrer une revue qui traite de sujets et d’artistes qui ne nous intéressent pas ? Non vraiment, on a autre chose à faire dans la vie.

« Magic ne vivra que si son public fait bloc et est solidaire de nos efforts. »

Que doivent donc attendre vos lecteurs pour la suite ?

Nous sommes tous fans d’un type de musique dont on sait bien – justement parce que ce n’est pas «mainstream » – qu’elle n’intéresse qu’une petite partie de la population. Il faut donc convaincre tous les passionnés que des efforts restent à faire et qu’ils peuvent y participer. Je demande donc plus que jamais à nos lecteurs de nous soutenir quand bien même il y aurait un petit décalage de quelques mois dans la livraison de leur numéro. Magic ne vivra que si son public fait bloc et est solidaire de nos efforts.

Vincent Théval

Il y en a deux que vous n’avez pas réussi à convaincre, c’est Vincent Théval qui a récemment annoncé qu’il quittait le magazine. Pourquoi ?

Si Vincent Théval est convaincu d’une chose, c’est bien de la très haute qualité d’un journal qu’il a contribué plus qu’aucun autre à façonner depuis janvier dernier. Je veux d’abord dire et redire l’amitié et l’admiration que j’ai pour lui qui est un type d’une intégrité, d’une gentillesse, d’une culture et d’une finesse rares. Chaque lecteur doit être conscient que sans lui il m’aurait été impossible d’orchestrer la renaissance du journal. Son départ et celui de Johanna Seban sont d’abord dus à quelques considérations personnelles qui, à ce stade, ne regardent qu’eux et moi. Il s’est fait – je tiens à le préciser – sans heurts, sans acrimonie et au bout d’une réflexion menée ensemble. Mais disons-le clairement : il y a pu y avoir entre Vincent et moi quelques divergences d’appréciation sur la meilleure façon d’élargir notre lectorat. Vincent Théval a une grande exigence avec lui-même et n’a pas souhaité assumer une ligne qui n’était pas tout à fait la sienne. Il n’en reste pas moins que je lui suis éternellement reconnaissant d’avoir participé au retour de Magic et qu’aux dernières nouvelles il n’est pas question qu’il ne continue pas d’une manière ou d’une autre l’aventure avec nous. Tout comme Johanna qui a apporté elle aussi une foule d’idées nouvelles.

« Je ne suis pas là pour sortir mon carnet de chèques pour que d’autres fassent le journal qu’ils ont envie de faire. »

Ce qui vous distingue d’ailleurs probablement des propriétaires d’autres titres de presse, c’est que vous êtes aussi partie prenante sur la ligne éditoriale. C’est pas compliqué du coup pour votre rédacteur en chef de fonctionner avec un propriétaire omniprésent ?

Vous avez parfaitement raison et je veux bien considérer que cela a pu jouer aussi dans le départ des rédacteurs en chef. Moi, je ne suis ni un mécène, ni un « financier ». Je suis depuis le début un fan qui a une idée assez précise de ce qu’il veut faire de cette revue. Au fond, je veux faire le journal que j’ai envie de lire. Je ne suis pas là pour sortir mon carnet de chèques pour que d’autres fassent le journal qu’ils ont envie de faire. Je me suis investi personnellement, j’ai pour l’heure perdu beaucoup d’argent. Alors, je veux bien mourir… Mais pour mes idées. De ce point de vue, notre nouveau numéro fait un pas de plus dans la direction que je souhaite.

Quelle est l’identité du nouveau rédacteur en chef ?

J’ai longtemps refusé de répondre à cette question lorsqu’on m’interrogeait ces derniers temps sur les réseaux sociaux et ce pour une raison que je souhaite expliquer ici : dans l’histoire de Magic, on a toujours été dans une culture où le rédac chef imprimait très fortement sa marque sur l’ensemble des numéros. Basterra et Vergeade avaient de fortes personnalités avec des goûts et des préférences affirmés qui transparaissaient évidemment dans le journal dont ils avaient la responsabilité. Et leur patte respective a beaucoup fait pour le succès de Magic. Vincent se situait d’une certaine manière aussi dans cette logique puisqu’il apportait avec lui sa « touch » LabelPop.

Je trouve pour autant que ce modèle a des limites. À un moment donné, un journal comme le nôtre doit pouvoir s’incarner dans un collectif plutôt que dans un seul homme. À la fois pour incarner des tendances différentes mais aussi pour créer une diversité et une émulation plus fécondes. Nous allons donc mettre en place une formule où un directeur éditorial, en l’occurrence Cédric Rouquette, coordonnera le travail d’une rédaction en chef plus collective. Je veux aussi donner désormais des responsabilités au sein de la rédaction à une nouvelle génération de journalistes. Nous avons au sein de Magic des jeunes trentenaires qui sont là depuis longtemps : à eux aussi maintenant de prendre en main la destinée du journal.

J’en viens à ce nouveau numéro. Vous n’avez pas peur de perdre le lectorat historique du magazine quand vous faites une interview de Rebecca Manzoni par exemple ? Les « ayatollahs du bon goût » pop ne vont pas forcément apprécier.

Si on a bon goût, on ne peut pas être un ayatollah ! Notre but est par essence d’être curieux et ouvert. Comme Rebecca Manzoni justement ! Voilà une journaliste qui tous les matins tente en quelques minutes d’intéresser la ménagère de moins de 50 ans à King Krule, Beck ou The Shaggs. Elle sert bien plus la cause de la pop que la plupart des branchés autoproclamés. Dans le même genre, sur Facebook l’autre jour, un crétin, après l’interview d’Antoine de Caunes dans le Magic de cet été, s’est interrogé : « Et demain, pourquoi pas Nagui ? » On parlait d’Antoine de Caunes là : le type qui en France a passé à la télé les premiers concerts des Clash, des Pretenders, de Costello !

Moi, gamin, je suis né à la musique avec Bernard Lenoir, un homme qui aimait partager. Quelqu’un qui a réussi à former le goût de toute une génération. Avec lui, j’ai connu aussi bien Bauhaus que JJ Cale, New Order que Bruce Springsteen. On doit faire la même chose : transmettre le virus pop à ceux qui ne sont pas tombés dedans quand ils étaient petits…

Le numéro 207 qui vient de sortir est à cette image : des valeurs sûres (Daho, Charlotte Gainsbourg), des nouveautés (Calypso Valois, Rone), des classiques revisités (Michael Head, REM, The Queen is dead…), et des « non-musiciens » (Manzoni, Bordier). Et si à la lecture du #207, des gamins de moins de 30 ans pourront faire la connaissance de The Apartments ou du Krautrock, alors on aura fait œuvre utile.

« C’est quoi ce socialiste ? C’est quoi ce mec spécialisé dans les vieux qui débarque pour prendre Magic »

Tu viens de la politique, un milieu très viril où les rapports sont souvent tendus, voire violents. Tu découvres le milieu de la musique depuis plus d’un an. Qu’en penses-tu?

Viril, le milieu de la politique ? Je ne sais pas. Violent, c’est certain… Dès mon arrivée à Magic, j’ai été frappé par la bienveillance que j’ai rencontrée dans le secteur de la musique. Vraiment. Une bienveillance d’abord vis-à-vis de notre résurrection : les Inrocks, Grazia, Télérama, Tsugi et d’autres ont fait immédiatement des papiers sympas sur nous.

Pourtant quand je suis arrivé, c’était très facile de dire : « C’est quoi ce socialiste ? C’est quoi ce mec spécialisé dans les vieux qui débarque là pour prendre Magic ? » Ma carte d’identité aurait aisément pu être la cible de toutes les moqueries. Mais j’ai de suite sympathisé avec Christophe Conte, un type que je trouve drôlissime. Avec Bernier et Bardot de Tsugi avec lesquels nous avons partagé nos défis communs. Ou encore avec Frank Annese, un gars aussi brillant que bienveillant que je remercie encore de tous les conseils qu’il a pu me délivrer.

Les journalistes qui s’intéressent à la musique pop sont des gens qui aiment débattre, s’opposer, qui pensent et aiment exprimer ce qu’ils pensent, ce qui d’une certaine manière peut les rapprocher des politiques… J’ai trouvé aussi parmi les journalistes et contributeurs de Magic, des gens cultivés, passionnés, avec de vraies valeurs. C’est sacrément agréable quand on sort de 15 ans de politique locale…

« Ce qui me gave dans le milieu de la musique, ce sont les codes et l’entre-soi. Ça me fait parfois un peu penser au milieu de la mode. »

Ce milieu a bien un ou deux points négatifs à vos yeux, non ?

Ce qui me gave, ce sont les codes et l’entre-soi. Ça me fait parfois un peu penser au milieu de la mode. Comme si il y avait quelques caractéristiques à respecter si on veut rester un « critique-rock-branché » assumé. Ça passe par le look vestimentaire, la dégaine comme par quelques gimmicks.

https://www.facebook.com/magicrpm/photos/a.106010974057.84168.17042479057/10154546660149058/?type=3

Par exemple, l’autre jour un journaliste me parlant d’un de ses confrères me dit : « Il a un avantage : il connaît très bien Lawrence … de Felt. » Là, oui, avec ce genre d’arguments, on est dans l’entre-soi absolu. Le problème c’est qu’à un moment donné, la survie d’une revue est un peu conditionnée par le fait qu’en face il y ait quelques lecteurs. Si vous voulez faire un fanzine, mettez-vous à trois, prenez une ronéo et distribuez le résultat à vos amis. Pour faire un magazine, il faut parvenir à mixer la pureté du rock critique avec quelques autres contraintes économiques. La mienne, c’est qu’à terme, je dois être lu par 10 000 personnes au lieu de 5 000. Comment fait-on pour y arriver ? Pas en faisant une couverture avec « Lawrence-de-Felt »… Quand nous avons publié notre dernière « une » avec Daho, nous avons eu sur Facebook un nombre de likes jamais vu pour une « couv ». Mais un gars nous a quand même interpellé pour regretter que nous ayons choisi Daho au lieu de… Capire Il Mistero chez Specific Recordings.

« Pour faire un magazine, il faut parvenir à mixer la pureté du rock critique avec quelques autres contraintes économiques. La mienne, c’est qu’à terme, je dois être lu par 10 000 personnes au lieu de 5 000. »

On fait comment pour passer de 5000 lecteurs à 10000 ? On met Benzema en couverture ?

Non. Mais il faut parvenir à donner envie à un public un peu plus large de s’intéresser à notre musique. Il y a deux postures possibles. Soit on reste entre branchés dans notre réserve de branchés et, le passé l’a montré, on coule, soit on partage notre passion pour la pop en donnant envie à d’autres ne nous rejoindre et on y arrivera. Je veux que nos journalistes n’aient pas peur d’être lus par le plus grand nombre de personnes.

Aujourd’hui, Magic va donc faire une nouvelle pause.

Oui et non. Oui, parce que notre prochain numéro ne sortira qu’au printemps pour nous donner le temps de cette reconfiguration. Au fond, cela ne se traduit que par le fait de « sauter » le numéro de janvier. Et non parce que nous allons intensifier nos concerts, notre activité sur les réseaux sociaux, nos partenariats et que, début décembre, sortira une nouvelle newsletter hebdomadaire.

L’équipe de journalistes Magic va-t-elle aussi changer avec ces nouvelles orientations ?

Certainement pas ! À de rares exceptions près, tous les journalistes « historiques » de Magic sont là et bien là. Mais depuis un an, nous n’avons eu de cesse avec Vincent comme avec Cédric d’intégrer de nouvelles plumes : des talents confirmés comme Sophian Fanen ou les frères Pottier, des plus jeunes – car je veux vraiment que Magic soit un creuset pour une nouvelle génération. Notre benjamine, Zoe Pinet, a 20 ans : elle est encore à l’école de journalisme mais elle a un talent évident. Et à côté, nos lecteurs peuvent lire chaque bimestre la prose de Pierre Evil, énarque, ancienne « plume » du président de la République et puits de science en matière de hip-hop.

« Si vous me chopez un lecteur qui pense que la ligne rédactionnelle depuis un an a été largement influencée par les goûts de François Hollande, ramenez-le moi, il serait bon que la science l’examine. »

J’aime l’idée aussi que Magic puisse accueillir des pigistes qui dans leurs journaux respectifs n’ont pas toujours l’espace pour se livrer complètement et font l’école buissonnière chez nous. Comme Charline Lecarpentier de Libération, sûrement la meilleure de sa génération, Philippe Richard et Philippe Mathé de Ouest France, Robin Korda du Parisien, Anastasia Lévy de Télérama, Katia Touré de Jeune Afrique ou Elvire Von Bardeleben du Monde. Après une discussion avec elle, nous allons même intégrer prochainement dans notre rédaction – et j’en suis très fier – Valérie Leulliot d’Autour de Lucie. Et puis il y a toute une génération de trentenaires au sein de la rédaction qui ont vocation à devenir les piliers de demain. Mon souci n’est pas de continuer exactement comme depuis 20 ans, mais de construire le Magic des 20 prochaines années. Je ne suis pas dans le « c’était mieux avant » mais dans le « ce sera encore mieux demain ».

Avoir une étiquette politique, ce n’est pas forcément un atout dans le milieu musical, non ? Quand vous faites venir François Hollande lors de la soirée de lancement du premier Magic et que vous communiquez là-dessus ensuite sur les réseaux sociaux, pensez-vous par exemple rendre service à l’image du magazine ? La musique a toujours essayé de rester indépendante du politique.

Ah ah ah… C’est marrant comme question ! D’abord si vous me chopez un lecteur qui pense que la ligne rédactionnelle depuis un an a été largement influencée par les goûts de François Hollande, ramenez-le moi, il serait bon que la science l’examine… Plus sérieusement, la réalité de cette soirée de lancement est toute autre. Le samedi, un invité nous avait indiqué qu’il acceptait d’en être l’invité d’honneur. Puis, cet invité qui n’était autre que Benjamin Biolay, n’a ensuite plus jamais répondu au téléphone… Alors le matin même j’ai mis à tout hasard un petit SMS à Hollande et sur le coup de 15h Gaspard Gantzer m’appelle pour me dire que le Président, auquel une longue complicité me lie, passera un moment entre deux rendez-vous. La vérité, c’est que chaque convive s’en rappelle encore aujourd’hui et j’aimerais que le premier des 150 invités qui n’a pas souhaité son selfie avec le Président se dénonce… Et puis, qu’on aime ou pas Hollande, il y avait un symbole fort à ce qu’un Président de la République vienne dire le soutien qu’il porte à la renaissance d’une revue culturelle, lui qui aime tant la presse écrite.

Au-delà du symbole, ça a permis de faire le buzz. Je ne vais quand même pas me plaindre que le lendemain, veille de la relance en kiosque de Magic, Yann Barthès montre la « une » de Magic avec The xx  à un million de téléspectateurs, non ?

Magic, aventure (peut-être) à suivre en 2018 : magicrpm.com

27 commentaires

  1. Je suis heureux d’apprendre qu’il y a de nouveaux lecteurs à la nouvelle formule de Magic
    En ce qui me concerne, fidèle lecteur depuis le n°1 et adorateur de l’ancienne formule, je ne me retrouve pas dans la nouvelle et ne l’achète plus. Je n’achète pas Magic pour lire autre chose que des articles sur la musique. Il y a bien d’autres magazines pour ça. Je n’aime pas non plus l’organisation en 3 parties et je trouve le format du journal est trop grand. Ok il y a toujours autant de chroniques mais plus aucunes découvertes. Je ne compte pas les disques achetés après avoir lu une chronique dans l’ancienne formule.
    Je vais jeter un oeil au nouveau numéro (au moins cette fois la couverture est réussie) mais pas sur de l’acheter.

    1. D’accord avec toi,la nouvelle formule ne me va pas.
      Une chose principalement:les chroniques sans note.
      C’est le seul magazine que je connaisse qui ne donne pas de note.
      Et ce n’est pas parce qu’un album se fait descendre que je ne vais pas l’acheter !!!!!
      Please remettez les notes. Vous avez doublé le nombre d’abonnes sur un ressenti qui datait de l’ancienne formule,pas sur la nouvelle !!!!!! Ils se sont abonné pour sauver un magazine qu’ils appreciaient,donc pourquoi changer ???

  2. Magic porte si bien son nom. Ce titre resonne comme le mot pop, avec plein d’etoiles argentées qui brillent . . La pop que j’aime est si redevable à Magic . Je souhaite de tout coeur à ce magazine genial de revenir vite. Ce qu’a realisé Luc Broussy , à savoir faire renaitre Magic merite vraiment le respect tant la presse est sinistrée. Sans compter qu ‘ a l’inverse des Inrocks, il n’a pas « perdu » son ame en devenant un news , traitant de politique ( moins dans la nouvelle formule tout de meme,) et ne presentant plus aucun interet sur le plan musical , sauf naturellemt si vous aimez Booba ou dizzy la peste ! Donc , reviens vite MAGIC !!

  3. « Depuis 1995, le 1er de chaque mois, je me précipitais dans mon kiosque pour acheter mon numéro. J’ai répété ce geste 201 fois jusqu’en avril 2016 » : personne ne vous a suggéré de vous abonner ? Vous auriez économisé de l’argent !

  4. j’ai acheté Magic pendant de longues années j’ai été abonné, puis j’ai laissé tomber, Tsugi étant vraiment plus proche de mes sensibilités musicales actuelles….et je pense que Magic devrait plus se tourner vers l’electro que vers le rap ou le jazz !!

  5. Luc Broussy ou le Syndrome Matthieu Pigasse!
    Sa sent le sapin pour Magic rmp,Voila ce qu’il en coûte de faire confiance a un sbire Du PS et ami personnel de François Hollande. Personnellement j’ai sentie venir le désastre des la 1er couve de la nouvelle formule et quand je lis les propos de luc Broussy  » il nous faut impérativement toucher un public plus large sans décevoir le premier cercle de nos lecteurs historiques. »je crains le pire ils vont devenir aussi mainstream et mauvais que les inrocks.Mon sentiment c’est qu’ils doivent renoncé a être en kiosque et revenir à leur origine et redevenir un fanzine.La france n’est pas un grand pays de culture musicale et le public pour un magazine papier pointu n’existe plus depuis le début des années 2000.Je crois bien que la dématérialisation des médias et de la musique et hélas devenu la norme.

  6. CHER LUC BROUSSY Je ne me suis jamais sentie un branché,mais un passionné de musique je déteste la branchouille et j’ai tjrs vomis les réseaux qui sclérose e milieu de la musique et des medias.Quand a Capire Il Mistero je n’ai jamais parlé de couve,mais de le mettre au sommaire ,c’est pas tout a fait pareille

  7. Quand nous avons publié notre dernière « une » avec Daho, nous avons eu sur Facebook un nombre de likes jamais vu pour une « couv ». Mais un gars nous a quand même interpellé pour regretter que nous ayons choisi Daho au lieu de… Capire Il Mistero chez Specific Recordings.MDR mais tu est a coté de la plaque mon cher Luc Broussy ,Les likes ne feront pas vendres beaucoup plus du nouveau Magic Rmp ,Sinon vu le nombre de like que j’ai eu sur facebook depuis 2009 je serais devenu millionnaire lol .

  8. les likes sur facebook et sur tweeter etc c’est du vent ,combien fois j’ai vu un événement (expo ou concert etc ) avoir enormement de like et le jours du concert ou se retrouve a 50 spectateurs alors que l’evenement facebook a fais 5000 likes.

  9. Restons optimistes non? Voyons ce que nous amène le printemps…

    Pour info et pour l’anecdocte, j’ai acheté le dernier à la gare d’ Aulnoyes Aymeries, superbe noeud ferroviaire du Nord de la France. Donc pendant le changement entre Hirson et Paris (oui j’ai ramené ma Ford Escort cab de 85 au garage…) ayant oublié de l’acheter en capitale, je me mets en quête de trouver ce fameux Magic en sursis. A la caisse devant moi, un homme en fauteuil roulant fait scandale avec ses jeux à gratter traitant la pauvre caissière de voleuse etc. Pendant ce temps un homme asiatique visiblement dérangé hurlait dans sa langue (pas specialiste hein donc le pays, je ne sais pas). Cet arrêt devenait très spécial. En même temps je me doutais bien qu’il y aurait ce genre d’ambiance…Aaaah Aulnoye….

    Quai 2 j’embarque dans le train Corail, je dégaine le magazine, maquette sympa….Pis y’a Daho, The Apartments. Content.

    Je sors une feuille, le train m’arrangeait en fait malgré tout. J’avais à faire. à écrire. le « dernier » Magic m’a « supporté » durant l’écriture de cette chanson que j’avais en moi depuis longtemps. Pas toujours facile, c’est moelleux le train Corail, mais y’a du chaos quand même. Blague à part, je trouvais ça assez symbolique d’écrire une chanson en français ( adaptée d’une chanson en anglais j’avoue) sur un magazine qui pour le coup évoque la chanson française spécialement et en détail dans tout un dossier. J’ai senti le poids et le soutien en fait. Alors si ce projet aboutit, projet fou et magic à mon sens évidemment, toi qui me lit, toi seul qui lit (ou pas). Tu te diras peut être un jour… »Putain le mec qui avait écrit ce commentaire sur Gonzai, et bien il l’a fait son truc sur … »-non je ne dirai rien!

    Pour finir et pour ouvrir…

    Prenons le vinyl, et ses beaux projets, du type Microcultures, si quelques uns n’y croyaient pas au moins autant que des gens chez Magic, il n’y aurait jamais eu de rééditions des Apartments dans de superbes livrées, avec des mastering geniaux…

    Winter is coming, Magic is leaving …Is it the Fall?

    Wait and see.

    Et au printemps il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert (Madame de Sévigné)

  10. gonz_aïl faites passer la pilliule, le buvard, magicmushroom @ leur debut, & ils ne prennent pas de ‘drogues’ ou tombent malades en n’en prenant,

  11. . Actuellement en France nous avons des groupes et des artistes formidables mais nous avons une presse musicale papier qui n’est pas à la hauteur.Je vomis tous ces petits réseaux très parisien en vase clos que sont Gonzai,la souterraine et consorts.Avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux etc ,la musique et partout et nulle part ,nous avons besoin de marqueur fort ,d’une presse musicale plus audacieuse en clair nous avons besoin d’un magazine ou revue musicale qui rassemble toutes les niches mais au lieu de cela nous assistons à des positionnement mainstream et commerciale de la part de magic rpm (couve avec daho),idem pour les inrocks et consort

  12. avant je correspondais avec d johnson, je m’en battait lesc**** de qui s’etaient je vous juste un copain diffferent de l’autre côté, pas un chiard qui denicher tout @ des prix fous.

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