Disons le tout net, avec Goodbye Unknown, Lou Barlow signe un album solo d’une très grande classe entre envolées électriques et introspection acoustique. Un retour aux sources en forme de road movie écolo romantique pour cet intello à tête d’ours en lévitation constante. Bien au dessus d’un monde qu’il se refuse encore à comprendre.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu envie de gratter quelques accords sur ma vieille Applause. Les rayons tiédasses du soleil d’hiver qui traversent la baie vitrée pour s’écraser sur les arêtes dépolies de mon manche transforment mon salon bourgeois en chambre d’étudiant boutonneux. Putin j’y suis quoi, too much freedom here, too much freedom… Avoir 40 piges et donc forcément avoir traversé les années 80 ça laisse des marques. Je me souviens du temps où les bœufs se tapaient à l’université. Passer ses études à boire et fumer faisait oublier l’acné et les déboires sentimentaux. Dégueuler ses tripes et son whisky près des falaises d’un bord de mer déchaîné donnait à nos petites vies la dimension rock’n roll absolue. Sur le campus de Westfield, l’étudiant Barlow écrit déjà des balades romantiques torturées, à l’image de sa silhouette d’intello mal dans sa peau. Quelques détours en bus par la bibliothèque de Springfields lui donnent certainement des envies de se tirer loin, très loin. La route 66 étire son asphalte à l’infini comme un appel à l’entame d’un road trip enivrant.
De résonances en images stéréotypées, ce sont toutes les bonnes vibrations des states qui me traversent le corps.
Comme une envie irrésistible d’enfourcher la Harley, cheveux au vent, tétons en érection sous la Marlboro à carreaux, bien serré dans des jeans Lewis dont les pattes d’ef’ s’effilochent sur le cuir usé de mes santiags. Les pneus gonflés d’une liberté retrouvée râpent le goudron de la Mother Road. Je quitte Chicago pour me faire un trip en flashback façon Easy rider, traverse les montagnes de l’Arizona, avale les grands espaces à plus de 130 Mph. J’aurais pu aussi choisir le bon vieux combi Volkswagen avec déco florale hippisante et la marijuana, tout est bon là maintenant … Laissez moi rêver ! Je sens déjà les embruns, l’arrivée à Santa Monica, la plage, sur les traces de Jim Morrison. Lou Barlow est aussi et surtout un poète, un intello sensible et inspiré par des amours impossibles. Too much freedom, je gratte avec Lou Barlow, deux guitares en mélodies synchrones dégoulinant d’arpèges enfiévrés en picking sucrés. Je l’aime bien le transfuge de Dinosaur Jr, il a bien fait de se faire virer par Mister Mascis.
Après Sebadoh et The Folk Implosion le « winning loser » a largement gagné le droit à son album solo.
On pourra dire tout ce qu’on veut et surtout déballer des conneries faciles du genre «encore un vieux con qui se cherche une nouvelle jeunesse», l’atmosphère qui se dégage de ce Goodbye Unknown m’a mis dans une transe jubilatoire. Faut dire que son Sharing tape dur dès l’entame et laisse déjà entrevoir la maîtrise du style lo-fi, des mélodies en suspend assénées par des guitares usés sur fond de caisse claire surexcitée. Une pop décalée servie par une voix toujours à la limite, avec un grain un peu érodé se confinant dans un voile de satin, craintive mais finalement toujours rassurante. Too Much Freedom et Gravitate s’imposent magistralement assurant à l’album une continuité de style proche de la perfection.
Lou Barlow // Goodbye unknown // PIAS
http://www.myspace.com/loubarlow