Le Marais. Le centre culturel suédois. Rencontrer un Suédois. EMI. Bibliothèque en bois. Canapé. Ceci n’est pas le nouveau programme d’entraînement du Docteur Kawashima mais un nouvel espace virtuel conçu afin de manifester ce que vous ressentez face à ces quelques mots:
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Very exciting n’est-il pas? Le cadre de cette interview enfin délimité, voilà le résumé de ma discussion avec Loney Dear et son album, Dear John, mélange de froideur pop-folk et de technologies mélodomorphantes dépéche-modiennes labellisé Inrock’s. Un objet qui m’a glissé trois fois dessus comme de l’eau sur les ailes d’un canard.
Emil Svanangen, pseudonyme Loney Dear, a pourtant pour lui une batterie d’instruments en tout genre, des chœurs, des sonorités électro, des claviers et synthés à tire-larigo. Il s’est même attaché les services d’Andrew Bird pour faire grincer quelques cordes… mais non, non, non. Définitivement non. Surtout quand le tout vire à de la mauvaise techno (le final de Under a silent sea, pourrait selon le dossier de presse, « cartonner sur les pistes de danse », woohoo !).
Reste tout de même l’étape de l’interview. Parcourant son journal (pas très) intime sur son site officiel, le gars a tout l’air d’un névrosé nordique névrotique égocentrique. Voyez : le genre de gars perfectionniste qui enregistre ses albums solo dans son studio réduit de Stockholm ou chez ses parents. Voyez…
Après les préliminaires de base pour lui faire sentir que « tout ira bien mon petit, viens sur mes genoux d’intervieweur » : « comment s’est passé votre concert ? », « t’es content de ce que t’as fait, mon cochon ? », j’essaie d’attaquer le côté ténébreux de mon hôte qui n’a pas l’air si darkside of the moon que ça. Un brin grassouillet, de bonnes joues de gros bébé. Comme si l’artiste avait définitivement chassé le cycliste pro qu’il fut naguère.
Mal à l’aise avec ma prononciation anglophone, je tâche de me concentrer sur mon accent difficilement saisissable (même pour un Français) et tente de creuser un petit peu ce qui se passe dans la caboche d’Emil.
Quelle est votre relation avec la musique, vous ne semblez jamais être satisfait de cette dernière, la considérant comme un constant « work in progress » ?
Je considère ça comme une chose spirituelle. Un peu comme vivre avec la religion. Je ne suis jamais sûr de la valeur de ce que je fais mais j’essaie juste de créer et de comprendre les choses.
Hmmm, soit. J’essaie alors de glisser sur le terrain du créateur tourmenté comme il semble aimer le vendre.
Vous n’avez pas peur de tourner fou comme Brian Wilson, qui considérait la musique comme une façon de se rapprocher de Dieu ?
Je ne me suis pas inquiété de savoir si la musique allait me rendre fou. Puis, je ne prends pas de drogues comme Brian Wilson ; c’est ce qui l’a rendu dingue, je crois. Ce n’est pas sain d’en arriver à ce point-là parce que tu ne peux pas être en accord avec toi-même. J’espère que je serais plus satisfait en faisant de la bonne musique.
Je rame. Il ne dit rien d’intéressant. Moi non plus. Le son se coupe progressivement. Mon regard se détourne. L’élément perturbateur est là sous mes pupilles. CET HOMME A DES POILS QUI SORTENT DE SON PULL ! Nom de … Comment est-ce… Je perds mes mots, je bafouille d’autant plus, obnubilé par cette mini-jungle qui se fait la malle par l’échancrure de son col. La capillarité de son torse me renvoie à son pull, fin comme une feuille de papier à cigarette. L’un de ces pulls à rayures horizontales infâmes, disponibles dans tous les magasins de fringues masculines. Pourquoi l’horizontalité ? Pourquoi ce pull ? Pourquoi les poils ? Je zappe un mot sur deux à me concentrer sur ces questions. Aux soldes, je n’ai vu que ça. Des pulls cols ouverts à rayures horizontales. Comment on fait si ça ne vous va pas ? Envoyez un commentaire ou un mail si vous comprenez ce trip horizontal complètement dément.
Décontenancé par sa touffe pectorale, mon interview se déroule en convenances : « position contre le téléchargement ? « J’ai pas de position mais c’est vrai qu’il faut agir », des envies littéraires puisque vous tenez régulièrement un journal intime sur votre site ? « Oui oui pourquoi pas, mais je me sens pas, comprenez, la musique est inséparable des paroles ».
L’homme se détend, ça se passe bien pour lui. Pas pour moi. Il met ses jambes sur le canapé. Nom de… IL EST EN CHAUSSETTES ! IL EST ALLONGE SUR UN CANAPE ! ET CES POILS ! Que fait l’attaché de presse ? Le dossier de presse m’a menti. On m’a menti. Introspectif Emil ? Mon œil ! Mon doigt ! La relaxation va-t-elle aboutir à une acmé inattendue ? Je l’imagine dans un sauna presque nu avec une simple serviette autour de la taille. D’infâmes préjugés dignes de Michel Leeb me rattrapent. Il est tant d’arrêter.
Loney Dear // Dear John // EMI
http://www.myspace.com/loneydear
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LIT CA CONNARD:
Sur l’histoire des rayures, Michel Pastoureau, L’étoffe du diable : Une histoire des rayures et des tissus rayés qui s’interroge sur la symbolique et la fonction des rayures depuis le XIIIème siècle jusqu’à aujourd’hui(le livre est paru en 1991).
Au moyen-âge, la rayure était perçue comme une marque péjorative, et était par exemple utilisée pour désigner en peinture les personnages maléfiques (d’où le titre de l’ouvrage). Si de nos jours une certaine rayure négative persiste dans l’imaginaire collectif (prisonniers, ‘mafieux’), une rayure positive s’est aussi imposée (loisirs de bord de mer, sport avec le logo Adidas, monde de l’enfance, mode,…).
L’historien tente donc de reconstituer le parcours de la rayure à travers le temps et de comprendre comment elle a pu passer d’un statut diabolique à un statut parfois extrêmement positif (elle est symbole de liberté pendant la révolution française).
PETIT RESUME SI TU NE VEUX PAS ACHTER LE LIVRE
De nombreux personnages, réels ou imaginaires, sont dotés de vêtements rayés dans l’Occident médiéval. Tous sont des exclus ou des réprouvés : juifs, hérétiques, jongleurs, lépreux, bourreaux, prostituées, etc.
Tous ont en commun de déranger ou de pervertir l’ordre établi et tous ont plus ou moins à voir avec le Diable.
A partir des XIIe -XIIIe siècles, de nombreux documents soulignent le caractère dévalorisant, péjoratif, diabolique de la rayure vestimentaire.
Mais la question de savoir pour quelle raison le vêtement rayé a été choisi pour mettre en valeur le statut négatif des ces personnages se pose.
Une explication peut être apportée par une phrase figurant dans le 19 e chapitre du Lévitique (verset 19) : « Tu ne porteras pas sur toi un vêtement qui soit fait de deux ».
Le texte est peu explicite : est-ce qu’il s’agit de deux matières textiles ? De deux couleurs ? Les deux interprétations sont possibles mais « les exégètes et les prélats médiévaux ont parfois préféré la seconde et glosé sur une interdiction de décor et de couleur là où il n’était question que de fibres et de tissu ».
Il y a peut-être aussi une raison visuelle. Pour l’homme médiéval, l’image est faite d’une superposition de plans successifs et pour la lire, il faut partir du plan du fond pour terminer par celui du devant. Une telle lecture n’est pas possible avec les rayures qui forment un plan bichrome et non pas un plan du fond et un plan de la figure. Ainsi, avec les rayures, « la structure est la figure ».
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L’uni est peu documenté car il relève de l’ordinaire, du quotidien, il représente la « norme ». Ce n’est pas le cas du rayé, abondamment documenté, car il est cause de désordre, de transgression.
A la fin de l’été 1254 éclate le scandale du Carmel . Saint Louis rentre de croisade avec, entre autres, les frères de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, or ils portent des vêtements rayés. Selon la légende, ce manteau serait la copie de celui du prophète Elie, fondateur mythique du Carmel. Toujours est-il que ce manteau rayé fait écart par rapport à celui des autres ordres, un écart si fortement marqué qu’il débouche sur la transgression.
De nombreux papes successifs exigeront l’abandon par les Carmes de ce manteau. Ces derniers accepteront finalement pour adopter à la place une chape blanche, mais pas avant 1287 et encore, en certains endroits, les Carmes porteront le vêtement rayé jusqu’au début du XIVe siècle.
La rayure fait écart ou scandale, quelle que soit la personne qui la porte : religieux, jongleur, prince, courtisane, etc.
Depuis la fin de l’époque carolingienne, de nombreux témoignages soulignent « le caractère discriminatoire des rayures ». Le port en est déshonorant dans l’Occident médiéval.
De nombreux décrets interdisent aux clercs de porter des vêtements bichromes (qu’ils soient mi-partis, rayés, à damiers.). Mais les rappels continuels de ces interdictions sont le signe qu’elles n’étaient pas respectées. La guerre est faite aux rayures dans toute la société ecclésiastique, en particulier à celles faisant alterner des couleurs vives (rouge, jaune, vert) suscitant ainsi une impression de bariolé, de diversitas .
Dans la société laïque, les coutumes, les lois et les décrets prescrivent à certaines catégories de réprouvés ou d’exclus le port de vêtements bichromes ou rayés. Par exemple dans le droit coutumier germanique du haut Moyen-Âge, pour les bâtards, les serfs, les condamnés.
A la fin du Moyen-Âge, les lois somptuaires et les décrets vestimentaires prolifèrent dans les villes d’Europe méridionale ; le port de ces vêtements est ainsi notamment prescrit aux prostituées, aux jongleurs, aux bouffons. Ce signe visuel imposé marque un écart qui distingue ces personnages des « honnêtes citoyens ». Autre exemple, le vêtement rayé est imposé aux lépreux, infirmes, « bohémiens » et parfois, mais plus rarement, aux juifs et à tous ceux qui ne sont pas chrétiens.
La fonction de ces lois somptuaires et vestimentaires est éthique et économique mais elle est surtout idéologique et sociale ; « il s’agit d’instaurer une ségrégation par le vêtement, chacun devant porter celui de son sexe, de son état ou de son rang ». La rayure n’est pas une forme comme l’étoile ou la rouelle, c’est une structure. Dans la sensibilité et les systèmes symboliques médiévaux, il y a presque toujours priorité de la structure sur la forme et les couleurs. Le rayé est plus fortement marqué, il est un signe particulièrement visible de la transgression de l’ordre social.
Les textes littéraires apportent aussi des témoignages. Les personnages présentés comme mauvais ou négatifs sont souvent dotés d’emblèmes ou de vêtements rayés. C’était déjà le cas dans la littérature latine de l’époque carolingienne, et le procédé se développera dans les textes en langue vulgaire des XIIe et XIIIe siècles, notamment dans les chansons de geste et les romans courtois : chevaliers félons, femmes adultères, serviteurs cupides, etc. Ce sont des êtres « barrés » et cette seule mention suffit à faire savoir au lecteur à qui il a affaire.
Un statut péjoratif de la rayure du vêtement a été réservé par l’image occidentale dès avant l’an mille. Les premiers personnages à en être pourvus sont des figures bibliques comme Caïn, Dalila ou Judas. A partir du milieu du XIIIe siècle, cette liste de personnages bibliques « mauvais » s’allonge, augmentée de ceux des textes narratifs et littéraires, comme Ganelon ( La Chanson de Roland ) et des exclus et réprouvés : criminels, infirmes de toute sorte, personnes exerçant une activité inférieure (comme les bourreaux, les jongleurs, les prostituées, etc.), non chrétiens. »Tous ces individus transgressent l’ordre social, comme la rayure transgresse l’ordre chromatique et vestimentaire ».
La rayure n’est jamais seule, elle est associée ou opposée à d’autres structures de surface (l’uni, le semé, le parti, le damier, le tacheté, le losangé, etc.), constituant ainsi une différence, un écart mettant l’accent sur celui qui en est vêtu. Cet accent est souvent négatif mais il peut parfois connoter l’ambivalence, voire l’ambiguïté. C’est par exemple le cas avec l’iconographie de saint Joseph. Il a pendant longtemps été un personnage dévalorisé en Occident. Aux XVe – début XVIe siècles, il est moins déconsidéré mais n’est pas encore vénéré. Il a un statut particulier dont les images rendent compte par différents procédés, et notamment par celui des chausses rayées . Elles soulignent le caractère spécifique de ce personnage alors qu’un vêtement entièrement rayé aurait été nettement dégradant.
Au XVe siècle, la rayure peut non seulement signifier la transgression de l’ordre social ou de l’ordre moral, « mais elle peut aussi faire sentir plus subtilement certaines nuances et certains paliers au sein de systèmes de valeurs moins tranchés ».
Toute surface, qu’elle soit naturelle ou fabriquée, constitue pour les hommes du Moyen-Âge un support de signes classificatoires. On peut distinguer trois grandes catégories de signes : l’uni, le semé et le rayé.
L’uni véritable est rare. D’abord parce que d’un point de vue technique, il est difficile d’obtenir des surfaces parfaitement unies, lisses, monochromes (par exemple pour les étoffes). D’autre part parce que les artistes hésitent à laisser vides des étendues trop grandes qu’ils remplissent de diaprures, de hachures, etc. L’uni véritable est donc rare dans les images peintes. Il et neutre en soi, permettant la mise en valeur de tel ou tel élément de l’image quand il est opposé au tacheté, au rayé.
Le semé est un uni densifié et valorisé. Il s’agit d’une surface monochrome où de petites figures (géométriques ou empruntées au répertoire du blason comme les points, étoiles, trèfles, fleurs de lis, etc.) sont posées à intervalles réguliers. Leur couleur est souvent plus claire que le fond. « Le semé exprime presque toujours quelque chose de solennel, de majestueux, voire de sacré ».
Le tacheté est un semé irrégulier, les petites figures étant disposées de manière désordonnée et leur forme étant irrégulière : les motifs pouvant être difformes ou de simples tâches.
Le tacheté traduit une idée de désordre, de confusion, de transgression. La frontière qui le sépare du semé n’est pas toujours nette d’un point de vue visuel, mais symboliquement ce sont deux mondes à l’opposé l’un de l’autre, ayant à voir l’un avec le sacré, l’autre avec le diabolique.
Le rayé est le contraire de l’uni et du tacheté, auxquels il s’oppose souvent. Mais il est aussi une surface rythmée, dynamique, qui indique une action, le passage d’un état à un autre. Il est également un accent dans la mesure où, dans toute image, l’élément rayé est celui qui se voit en premier.
Au Moyen-Âge, un lien unit la rayure et l’idée de diversité, de varietas . « Rayé » et « varié » sont d’ailleurs parfois synonymes, ce qui attire d’emblée la rayure vers le péjoratif car pour la culture médiévale, la notion de varius exprime toujours quelque chose d’impur, d’agressif, d’immoral ou de trompeur. Le mot varietas lui-même sert souvent à désigner la tromperie, la méchanceté, la lèpre. La varietas a à voir avec le péché et l’enfer.
Ce système de valeur est également valable pour les animaux, pour ceux dont le pelage tacheté (hyène) ou rayé (tigre) en font des créatures à redouter. De même, les chevaux dont la robe n’est pas uniformément monochrome (vairé, pommelé, tigré, bai, pie, rouan, etc.) sont des montures qui dévalorisent leur cavalier. « Pour la société animale comme pour celle des hommes, être roux, rayé ou tacheté est à peu près équivalent ».
Pour l’homme du Moyen-Âge, il y a d’un côté l’uni, le « plain » et de l’autre tout ce qui n’est pas uni : tacheté, rayé, compartimenté. On retrouve cette équivalence dans le domaine des couleurs où les notions de bichromie et de polychromie ne sont guère différentes. Deux couleurs valent ainsi pour dix couleurs, comme deux raies valent pour dix carreaux, ou pour cent losanges. Le rayé, le tacheté, le varié, le bariolé diffèrent peut-être du point de vue visuel mais pas conceptuellement ou socialement, « ils traduisent seulement les divers degrés d’un même état : celui de la transgression ».
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Le blason est l’ensemble des règles, des termes et des figures qui servent à représenter les armoiries. « Apparues au XIIe siècle pour des raisons à la fois militaires (reconnaître les combattants sur les champs de bataille et de tournoi) et sociales (donner des signes d’identité aux classes supérieures de la société féodale), les armoiries peuvent se définir comme des emblèmes en couleurs, propres à un individu ou à un groupe d’individus et soumis dans leur composition à quelques règles ».
A partir du XIIe siècle, la diffusion des armoiries est extrêmement rapide, autant du point de vue géographique que du point de vue social. Vers 1300, l’ensemble de la société occidentale peut les utiliser à la seule condition de ne pas usurper celles d’un autres. Le système héraldique est alors à son apogée et les armoiries prennent place sur des supports de toutes natures : vêtements, meubles, monnaies, etc.
Les armoiries comportant des rayures sont innombrables et recouvrent des réalités diverses. Le vocabulaire du blason ignore les mots « rayure » et « rayé », il ne possède même pas un terme générique pour désigner l’ensemble des figures et structures rayées. Il distingue cependant les rayures résultant du découpage d’un plan en un certain nombre de raies ou de bandes (les » partitions « ) de celles qui sont simplement posées sur un plan uni (les » pièces « ).
Pour le blason, mais aussi pour l’oil médiéval d’une manière générale, les partitions sont les véritables rayures, elles font fusionner en un seul plan la figure et le fond, on ne peut pas dire quelle couleur est celle de la figure et quelle couleur est celle du fond ; il n’y a qu’un plan dont la surface n’est pourtant pas unie. « La structure « en feuilleté », à laquelle est si sensible et si accoutumé le regard médiéval, a disparu, et l’oil ne sait plus où commencer sa lecture, où chercher le fond de l’image. Par là même, toute surface rayée apparaît comme perverse, presque diabolique.
Quatre structures de surfaces différentes apparaissent dans le lexique du blason pour qualifier et différencier les armoiries formées de rayures :
– horizontales : fascé
– verticales : palé
– obliques de gauche à droite : bandé
– obliques de droite à gauche : barré
La quatrième est rare et possède une certaine connotation péjorative. L’héraldique littéraire a parfois réservé à ces armoiries barrées aux chevaliers félons et aux bâtards notamment.
A partir de ces quatre structures rayées de base se construit un grand nombre de variantes jouant à la fois sur le nombre et l’épaisseur des raies ainsi que sur la forme des lignes délimitant ces raies : courbes, ondulées, garnies de créneaux, de dents, etc.
Le système héraldique européen, dès ses débuts et jusqu’à l’époque moderne, attribue également des armoiries à des personnages imaginaires (héros littéraires, figures bibliques, vices et vertus personnifiés, etc.).
On y retrouve, en ce qui concerne les rayures, les aspects péjoratifs qu’on a pu voir à propos des vêtements et de l’iconographie, et la plupart des armoiries comportant des rayures sont ainsi des armoiries mauvaises ou négatives. Elles sont données à des chevaliers félons, des bâtards, des rois païens et des créatures diaboliques.
Mais avec les modifications des lignes de bordures, si les rayures sont toutes dévalorisantes, elles ne le sont pas toutes au même degré ni de la même façon. On peut se demander comment, est reçu et vécu un tel code. Si dans l’héraldique imaginaire les armoiries rayées sont presque toutes négatives, dans la réalité elles sont innombrables et certaines sont prestigieuses, comme celles du royaume d’Aragon qui depuis la fin du XIIe siècle a pour armoiries un palé d’or et de gueules (rayures verticales jaunes et rouges). On peut donc se demander comment le public perçoit ces écarts entre armoiries véritables et imaginaires, comment tel haut personnage peut supporter des armoiries rayées alors qu’elles sont attribuées à des personnages mauvais dans de nombreux textes littéraires et ouvres d’art. « Le code du blason en tout cas apparaît ici comme des plus performants puisqu’il est capable de greffer sur la même structure d’image deux systèmes de valeurs différents (sinon opposés) ».
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Les rayures verticales n’étaient utilisées qu’avec parcimonie au Moyen-Âge.
A partir de la fin du Moyen-Âge et au début de l’âge moderne, le statut du vêtement rayé passe assez rapidement du diabolique au domestique. Les rayures deviennent alors le signe d’une condition servile ou d’une fonction subalterne et leur usage se développe.
On peut noter que ce type de rayures s’est mis en place à l’époque féodale, au cours du XI e siècle, précisément au moment où la société Occidentale se dotait de plus en plus de marques taxinomiques et que le vêtement devenait un support privilégié de ces marques. Les « formes, couleurs, textures, motifs servent désormais à classer les individus et les groupes, et parfois à exprimer les liens de parenté, de dépendance ou de relation qui les unissent ».
Le système vestimentaire avait déjà une fonction fortement emblématique. Par ailleurs il usait largement des rayures. Les premiers vêtements rayés (soulignant une condition inférieure mais pas nécessairement péjorative ou diabolique) étaient apparemment portés par la domesticité des seigneurs, comme les serfs, valets de cuisine et d’écurie, etc. Le port de ce type de vêtement s’est ensuite étendu aux hommes d’armes, valets de chasse, sergents.et au cours du XIIe siècle, l’emploi des rayures pour les habits s’est étendu à tous ceux qui exerçaient une charge ou vivaient des libéralités seigneuriales tels que les échansons, hérauts d’armes, musiciens, bouffons.
Vers le milieu du XIIe siècle, il arrive que les rayures vestimentaires et le code du blason se rejoignent. Par exemple, le personnel au service d’un seigneur pourra voir les rayures bichromes de son vêtement prendre les couleurs héraldiques du seigneur. On peut dater de là la naissance de ce qui sera nommé plus tard la « livrée ».
D’autre part, il s’instaure peu à peu une équivalence – qui durera jusqu’à la fin du Moyen-Âge – entre le vêtement héraldique mi-parti et le vêtement rayé. Ce fait souligne l’identité, pour les hommes du Moyen-Âge, entre la bichromie simple (le mi-parti) et la bichromie répétée en séquences alternées (les rayures). Il peut n’y avoir qu’une pièce ou une zone de vêtement qui soit rayée ou mi-partie (par exemple les chausses, les manches, etc.), cela suffit pour mettre en valeur un traît négatif, moral ou social ; « dans la culture médiévale, la partie vaut toujours pour le tout ».
L’apogée de la mode des rayures domestiques se situe entre le début du XVe siècle et le milieu du XVI e siècle, pour les hommes comme pour les femmes.
Une autre catégorie de rayure, valorisante celle-là, triomphe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais elle était déjà en gestation dans plusieurs villes d’Italie du Nord dès la fin du Moyen Age. Au milieu du XIVe siècle, dans les grandes villes italiennes, les jeunes nobles et les riches patriciens allèrent vers des excès vestimentaires variés, dont le port d’habits partiellement rayés, essentiellement sur les manches et sur les chausses. » Disposition nouvelle – elles ne sont pas horizontales, comme celles que l’on impose alors aux exclus et aux réprouvés, mais verticales ». Cependant cette inversion ne fait qu’atténuer le scandale du port de vêtements rayés et la transgression reste forte. Cette nouvelle mode se fera plus discrète après 1380, sans disparaître complètement. Au XVe siècle elle restera dans l’ombre, la sévère cour de Bourgogne imposant à l’Europe ses valeurs et ses codes.
Elle connaîtra un nouvel essor dans le tournant des années 1500. La rayure verticale devient alors aristocratique tandis que la rayure horizontale est le plus souvent servile.
Du point de vue architectural, on voit parfois des rayures horizontales peintes sur les murs des châteaux féodaux. Servaient-elles à diminuer la hauteur du plafond et à donner l’illusion d’un espace plus tassé ? Le regard des hommes du Moyen-Âge était peut-être culturellement formé à percevoir les rayures verticales comme allongeant les surfaces sur lesquelles elles étaient posées et les rayures horizontales comme produisant l’effet contraire.
Du point de vue des étoffes et des vêtements en contact direct avec le corps nu (chemises, braies, etc.), pendant très longtemps (de l’époque féodale à la seconde révolution industrielle) la sensibilité occidentale a refusé qu’ils soient d’une couleur différente du blanc ou de l’écru. Il était même parfois demandé, comme par exemple dans certaines règles monastiques, que les vêtements ne soient pas teints. Ce « non-teint » représentant alors un « degré zéro » de la couleur, encore plus que le blanc. La couleur passait en effet, entre autre, pour plus ou moins impure, en particulier celle obtenue à partir de matières animales. Pour la période médiévale on peut constater cela notamment chez les ordres cistercien ou franciscain aux XIIe et XIIIe siècles ou dans les lois somptuaires de la fin du Moyen-Âge.
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Même si, au Moyen-Âge, le costume rayé attribué au fou et à l’insensé constitue une marque infamante et un signe d’exclusion, il peut aussi être une « barrière » qui les protègerait des mauvais esprits et des créatures du diable. Cette rayure « obstacle » permettrait de ne pas faire d’un fou un possédé, une proie du démon.
L’homme occidental, au fil des siècles, a marqué de rayures tout ce qui se rapportait au désordre. S’il s’agissait de signaler ce désordre, d’avertir, c’était aussi pour le remettre en ordre, de le purifier, de le reconstruire. « La rayure n’est pas désordre ; elle est signe de désordre et moyen de remise en ordre. La rayure n’est pas exclusion ; elle est marque d’exclusion et tentative de réintégration. Dans la société médiévale, les exclus jugés irrécupérables (les païens par exemple) sont très rarement obligés de porter des vêtements rayés. En revanche, tous ceux dont on espère la conversion, comme les hérétiques et parfois les juifs ou les musulmans, peuvent en être dotés ».
Mais on ne peut plier la nature et le fonctionnement propre de la rayure aux codes que la société voudrait lui faire exprimer ; « il y a toujours dans la rayure quelque chose qui résiste à l’instauration de systèmes, quelque chose qui porte le trouble et la confusion, quelque chose qui fait désordre ».
Romain, tu as un savoir que je trouve ma foi, assez touffu…
Un débat sur la significations des rayures ?? J’adoooore
Il est donc grand temps d’évoquer ici le diabolique (si je vous suis bien) Parallel Lines de Blondie.
J’imagine même que Hanging on the telephone peut être considéré comme une allégorie du phoner (NDR interview par téléphone) dans notre situation.
Par contre on m’a dit beaucoup de choses sur la pilosité de Deborah, leur chanteuse que d’aucuns surnommaient sans vergogne Debbie « Hairy »…
Même si je partage l’avis d’anonyme 1 sur l’interview, je l’invite à reconnaître qu’elle a au moins le mérite d’annoncer clairement la couleur dès le départ, clément n’hésitant pas à nous dépeindre honnêtement son état d’esprit :
– je suis bourré de préjugés
– je ne connais rien à la suède et ce qui peut teindre la musique de ce pays
– je n’aime pas le disque, donc je vais me foutre de la gueule du type en laissant croire au lecteur et surtout à moi-même que je suis fin et rigolo et capable de tellement de distance sur la vie
tout dans ce texte, son introduction, la vision sublimée de l’acte d’interviewer, la manière de se défendre transpire la suffisance, et sans doute (ce n’est pas sûr) l’incompétence totale en matière de critique musicale. ce qui ne serait pas un problème si l’on se contentait, à ce niveau, de chroniquer les disques que l’on apprécie, ou au moins que l’on comprend.
bien sûr, il pourrait être rassurant que le talent de loney dear soit incompris dans de telles conditions. simplement, quitte à brasser du vide pour tâcher d’oublier le sien, pourquoi s’en prendre à quelqu’un dont on ne comprend rien ? je ne veux pas dire qu’en aimant le disque, on comprend plus, mais c’est juste désolant, en cherchant à se renseigner sur un artiste qui nous a ému, de tomber sur un texte comme celui-là, qui, ne sachant pas critiquer pour de bonnes raisons, se fait mousser d’une manière finalement assez triste. en fait voilà, je suis passé de « positivement ému » à « triste », c’est ce qui motive ma réaction d’anonyme malheureux. n’y voyez aucune animosité anonyme.