« Polychrome sounds from the underground« , c’est le titre de la récente compilation de ce label toulousain. Et c’est un peu comme la radioscopie musicale des transes sonores qui font swinguer les locataires singuliers d’un astéroïde hors-balises, baptisé Linoleum Records.

Est-ce un label, un collectif ou l’oeuvre d’un seul homme ? Peu importe, ça swingue, car le groove est bien la source originelle qui irrigue, entre autres liquides féconds, le circuit veineux de ces aliens…  D’ailleurs, il n’y a pas que le groove qui infuse la matéria prima chez Linoleum: Coltrane, Kirk, évidemment… Boris Vian, le surréalisme, l’Asie, Texier, le space et le free-jazz 70’s… l’art des boucles évolutives, hérité du krautrock, et des musiques minimalistes… Sans parler du fait que, dans le reflet de la globalité du catalogue, apparaît comme la trace diffuse d’une vapeur à forte dominante Dada.

Une vision, partagée, travaillée au corps par une vingtaine d’artistes, en solo ou en collaboration, versus des featurings hors-pair, (Mike Ladd, John Greaves, Kirilola, etc). On en parle avec Laurent Rochelle, le boss du label.

En préambule : qui es-tu, Laurent ROCHELLE ?

Je suis musicien, producteur et surtout compositeur mais un peu par accident car après avoir emprunté dans ma jeunesse les voies de la biologie et éculé plusieurs années les couloirs hospitaliers comme interne (j’ai un Bac + 9 mais aucun diplôme en musique !) je suis revenu vers la musique vers l’âge de 28 ans en faisant mes armes dans le milieu underground du jazz toulousain.
Aujourd’hui je vis au pied des Pyrénées, loin de la ville qui a tendance à sérieusement m’ennuyer lorsque j’y reviens. Je n’aime pas le chaos des villes bétonnées et bruyantes. Je répare ma maison, j’entretiens mon jardin pour que tout soit beau autour de moi et me fasse du bien. C’est aussi dans la culture asiatique (le wabi sabi par exemple) que je retrouve des valeurs qui me parlent et qui m’inspirent, le sens de la beauté, de l’équilibre, du dépouillement.

Les disques Linoleum, la Genèse ?

Les disques Linoleum ont été créé en 2003 à l’occasion de la parution de mon premier album solo qui s’intitule « Conversations à voix basse », album qui est dédié à mon père disparu cette année là et qui est aussi celle de la naissance de ma fille. Cet album a été aussi l’occasion de collaborer avec l’écrivain poète Mathias De Breyne qui pour l’occasion écrivit un très beau texte pour le livret du CD. La pochette fut réalisée par mes soins, à la main, numéroté en 500 exemplaires, j’ai toujours aimé le travail manuel. A l’époque cet album a été enregistré dans une cave-studio à Toulouse par un ami, Jean-Louis Pagnon sur un des premiers enregistreur numérique multipiste, un vrai défi. Jean-Louis m’a alors soutenu dans la création et la bonne marche administrative de ce label pendant une bonne dizaine d’années.

Je pense que le déclic et l’envie d’enregistrer pour soi puis de monter un label a été la découverte de l’album de Michel Portal, « Dejarme solo », album inclassable, intemporel, une musique unique et très personnelle d’un grand musicien, clarinettiste basse de surcroit (mon instrument fétiche). Non seulement la musique est sublime mais aussi la pochette de l’album car elle est signée Pierre Alechinsky que j’ai découvert à cette occasion.

Le nom du label est celui d’une composition personnelle, qui d’ailleurs n’a jamais été enregistré, faudra y rémédier un jour… Les premiers disques produits ont été ceux des formations avec lesquelles je jouais à l’époque, Le Lilliput Orkestra, jazz underground à tendance libertaire mais aussi celui du compositeur post exotique Denis Frajerman (quatuor pour cordes et bruitages animaliers) rencontré grâce à Marc Sarrazy avec qui je travaille étroitement maintenant au sein du label.

Le but de label c’est la défense et la production de musiques de traverses, souvent inclassables, car empruntant au jazz, au rock, à la musique contemporaine, aux musiques répétitives, ce que à l’époque je définissais comme des « musiques nouvelles et improbables ». C’est également avoir son indépendance de création et bien sur défendre ces musiques auprès du public et de la presse.

Les disques Linoleum aujourd’hui ?

Le label reste un micro label avec une trentaine d’albums au catalogue et ces derniers temps de nouvelles collaborations se font jour avec des artistes comme Mike Ladd, John Greaves, Catherine Le Forestier, Kirilola, Anja Kowalski, Alima Hamel… toujours en gardant cet esprit libertaire de départ qui permet de proposer des musiques très originales et hors normes. Dans les dernières productions, la voix et l’écriture poétique sont mis en avant, notamment dans les derniers enregistrements du quartet Okidoki, qui explore l’univers de l’écrivain Haruki Murakami ou dans les prochaines parutions avec Marc Sarrazy : 2 disques à venir en 2020 avec de nombreux invités polyglottes.

Les disques Linoleum , le futur ?

Le futur s’annonce radieux sans aucun doute, on va dégommer Spotify et faire exploser les ventes ! « Small is beautiful » pourrait être notre devise : pour moi l’essentiel c’est d’être encore là dans 20 ans et que les disques soient toujours disponibles. Donner la chance à de jeunes talents, essayer de developper des collaborations avec des artistes étrangers, internet ayant cet avantage de pouvoir travailler à distance, se faire toujours mieux connaitre puis aller jouer un jour Japon ou fin fond des Karpates.

D’autre part Marc Sarrazy est en train de préparer pour le label une gamme de disques historiques, une « série analogique » en vinyl exclusivement et ce à partir d’enregistrements des années 70 du pianiste allemand Joachim Kühn. Premières parutions en 2021 : une nouvelle aventure commence.

https://www.linoleum-records.com/

2 commentaires

Répondre à antone Garcia w8000 Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages