L'homme a composé pour Marvin Gaye, produit Maxwell, ou écrit pour Bobby Womack et pendant près de 15 ans, personne ne l'a su. Parce qu'un violon, c'est une tension et de l'émotion, Eric Sintès retrace la carrière en images de ce professionel des massages bien tarifés.

Parlons musique de chambre. Il y a ceux pour qui les violons évoquent toujours des perruques poudrées et des musiques baroques. Graves, solennels et rigides, ces violons dessinent les lignes blanches d’une conduite à tenir pour prétendre au royaume des emplumés. Et puis il y a les autres, ceux pour qui ils évoquent la grâce de la pop 60s, celle qui emprunte sa douceur à la musique noire américaine. Soul, funk puis disco ont tiré sur ces cordes plus qu’à leur tour et s’ils servirent souvent à arrondir les coins d’un funk inflexible à la basse anguleuse, les violons doublent depuis toujours dans la soul à papa les voix diaboliquement enivrantes qui susurrent les pires horreurs. Ces mots qu’on glisse dans votre bouche comme une langue intrépide faisant fi de votre pudeur et de votre orientation sexuelle, cette basse qui déplace vos hanches à chaque coup de reins donné et, donc, ces violons cyprine courant au ralenti entre vos cuisses ; tous trois réunis forment le corpus christi de la discographie de Leon Ware.

Cette intro est un peu abusée, tant il est absurde de vouloir résumer Leon Ware à du crincrin. Pourtant je persiste, c’est l’utilisation des cordes, et notamment vocales, qui fait la singularité lascive de ses tubes et, quintessence de son art, le carburant de Musical massage, délice alangui plus sincère que l’intégrale de Barry White. Car c’est un fait, l’homme au sourire de Joconde, tantôt enrobé de fine moustache, tantôt dissimulé par un chapeau ou des lunettes, a pour lui un talent, une voix taillée dans la soie de chine et une humilité à toute épreuve. Son talent a subit l’épreuve du temps, on lui passera ça : la batterie s’est asséchée avant de devenir sample quand est venu le règne de l’électronicité ; l’onde basse fréquence s’est changera en boomer une fois le compteur passé la ligne 2000. Ça ronronne et l’on baille en 2.0 tant le lounge est – c’est bien connu – trop moelleux pour être sensuel. Oui mais il reste l’organe. Une voix délicate mais chaude qui ne tombe jamais dans l’ennui doucereux ni la performance. Une voix  qui vibre comme une hanche; un colophane qui enduit les grooves les plus racés. Reste enfin que voir Leon Ware s’acoquiner sur scène avec les Brand New Heavies ou Incognito, modestement, alors qu’ils lui doivent toute leur carrière, fait du bien à une époque à la gloriole dégueule de tous les selfies. Eric Sintès enlève la chemise et tente de déshabiller le mystère Leon Ware, l’homem sans nom mais pas sans voix.

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5 commentaires

  1. Nous avons pas attendu les bellâtres hipsters de gonzain pour Decouvrir l’oeuvre Leon Ware,grâce à gilles perterson et Manu boubli en France nous avons découvert son œuvre il y a deja 25 ans

    1. A notre décharge, vous noterez que nulle part nous n’avons écrit : « Encore un chanteur qu’Anita ne connait pas. » 😉 Blague à part, cette chronique vise à présenter Leon Ware aux novices (il en existe encore) et à permettre aux initiés comme vous d’un peu mieux le connaître. 😉

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