Ce n’est pourtant pas autour d’une lampe d’Aladin que Ruth Rosenthal et Xavier Klaine se sont rencontrés. C’était en 2004 à Jaffa, en Israël. Elle venait du théâtre, avec un bagage plutôt punk. Lui avait étudié la géographie politique et le piano au conservatoire, avant de triturer la basse dans la scène hardcore. En couple à la ville comme à la scène, ils ont rapidement écrit les premières pages de leur histoire musicale en bourlinguant entre Paris et Tel-Aviv, inventant une sorte de folk mystique et postmoderne, dans laquelle les genres et les sons (qu’ils viennent d’instruments ou du monde) se brouillent pour faire éclore des mélodies bringuebalantes, fragiles et belles. Une musique si indéfinissable qu’il a fallu inventer de nouvelles étiquettes pour la décrire : ‘doom swing’, ‘funeral pop’ ou même ‘weird wave’. Eux s’en foutent probablement. Ils revendiquent l’approche punk : là où ils décident de poser leurs valises, ils sortent leurs vieux orgues et se nourrissent de l’environnement. L’art au niveau de la vie. Et inversement.
Comme un ouragan
« South From Here » n’échappe pas à la règle. Ce disque-monde a pris corps à divers endroits du globe, au gré des tribulations et des péripéties de la family, de Brooklyn à Tel Aviv en passant par Paris, Tokyo ou la Suisse. Fin 2012, à New York, l’ouragan Sandy bousille tout leur matos ? Qu’à cela ne tienne : ils achètent une vieille boîte à rythme et un vieux synthé. Leurs sonorités inattendues donneront la tonalité à ce troisième album, par ailleurs beaucoup plus pop et synthétique que le précédent. Des bribes de leur quotidien s’invitent également sur certains morceaux, comme les hélicoptères survolant leur quartier en ouverture de No World. Gaza évoque quant à lui leur retour à Tel Aviv en 2014, entre les roquettes du Hamas et les raids meurtriers de Tsahal dans la bande.
Résultat de ces trois années tourbillonnantes autour d’un monde qui s’enfonce dans l’impasse, South From Here plonge, sur fond de bricolages kitsh et d’esthétique sonore de « récup’ », dans une ambiance de fête foraine post-apocalyptique. La musique qui s’en échappe est celle d’un carrousel fantôme qui continue de tourner cahin-caha au milieu des ruines de la foire du Trône. C’est à la fois flippant et réconfortant, triste et joyeux. C’est hypnotique et il n’y a rien de plus beau.
Winter Family // South From Here // Ici d’Ailleurs
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