A part Oppenheimer, qui a-t-il de plus mortel que de parler batterie avec un batteur ? Histoire de ne pas mourir idiot, nous avons décidé de vérifier ce postulat stupide avec Stéphane Misseghers, batteur de dEUS et producteur de renom.

Gamin, pourquoi as-tu choisi de jouer de la batterie ? C’est pas vraiment l’instrument le plus pratique.

Stéphane Misseghers : J’ai toujours été dedans. A partir de mes deux ans, en gros. Quand j’étais chez ma tante ou chez mes grand-parents, le premier truc que je faisais, c’était ouvrir les armoires, prendre les casseroles et taper dessus avec des fourchettes. Ca a toujours été là, en moi, et ça s’est développé un peu plus tard. A 6 ans, j’ai commencé à prendre des cours mais j’avais aucune inspiration. La batterie, c’est vraiment un truc qui fait parti de moi. Même aujourd’hui, quand je ne joue pas pendant un certain temps, ça me rend nerveux. Je peux même devenir agressif. Ma seule façon de canaliser cette nervosité, c’est la batterie.

« Beaucoup de choses sont passés dans mes doigts. J’ai fini par vouloir développer mon propre matériel »

Tu viens de jouer récemment, j’espère ?

Stéphane Misseghers : Tout va bien. Pas encore d’agressivité de ma part ! Sinon donne moi une batterie de suite et tu devrais t’en sortir sans dommages, aha.

Tu as commencé ta carrière de batteur en jouant avec Soulwax vers 1997, puis avec Vive La Fête, et enfin dEUS. Entre tes débuts et aujourd’hui, l’instrument batterie a-t-il beaucoup changé ?

Stéphane Misseghers : ça a beaucoup changé, mais ils ont fini par revenir aux origines. Dans les années 90, certaines marques comme Sonor ont monté des trucs trop compliqués ou trop difficiles pour être utilisés dans le monde réel. Ils ont fini par revenir à la façon artisanale. On pourrait presque dire du temps jadis. Les fondamentaux des années 60 ou 70, la base. Je peux vraiment témoigner car ça fait une trentaine d’années maintenant que je joue de la batterie pour des groupes. J’ai vu passer beaucoup de marques, beaucoup d’innovations techniques. Et ça m’a permis de remarquer ce qui ne marche pas, surtout. Beaucoup de choses sont passés dans mes doigts. J’ai fini par vouloir développer mon propre matériel, avec un autre gars, Frank Cox. C’est un artisan qui fait ses propres batteries. Je l’ai rejoint pour développer des techniques, des mécaniques. Ca a fini par devenir une marque de batteries, Taran Custom drums, dont je suis le premier utilisateur officiel. C’est une marque que j’ai quasiment développé seul avec lui. Il fabrique les pièces, je les teste. Je suis là pour améliorer les produits, grâce à mon expérience. C’est encore un travail en cours de développement, mais la batterie sur laquelle je joue sur scène, c’est une Taran. Plus globalement, j’ai développé une sorte d’allergie contre les « chops », ces sortes de « tricks » qu’on trouve partout sur Instagram. Ca n’a vraiment rien à voir avec jouer un instrument. Ca ressemble plus à un exercice militaire, sans âme. Et sans âme, pas de musique.

 « A very good band with a bad drummer is a mediocre band, and a mediocre band with a good drummer is a great band. »

Notre lecteurs suivent assidûment Guitares et claviers, mais aussi Drummer’s review. J’en profite donc pour poser une question technique. Quel setup utilises-tu sur scène ?

Stéphane Misseghers : Une Taran 24-16, Black Beauty. Et des trucs en métal aussi ! C’est un kit hybride. Ce qui est important, c’est d’utiliser les nouveautés avec un certain goût. Il ne faut pas se laisser dépasser par toutes les possibilités techniques qu’elles offrent. Comme on dit chez moi « You don’t kill a mouse with an elephant ». Ce qui est vraiment important, c’est d’utiliser uniquement les choses dont tu as besoin dans un morceau. Pas d’en rajouter encore et encore. Si tu as besoin d’en mettre des tonnes, alors fais-le. Mais si c’est pas le cas, abstiens toi. Ne te laisse pas déborder par les possibilités qu’offre la technique. Pense d’abord au morceau. L’histoire de Taran ne fait que commencer. Nous cherchons des investisseurs bien sûr, mais aussi des musiciens pour jouer avec notre matériel, l’utiliser et nous donner des conseils pour l’améliorer. C’est super important. Le son de ces batteries est incroyable, car on utilise uniquement du bois tropical. Des bâtons qui sont assemblés. C’est une technique différente des autres. Une technique de fabrication qui est beaucoup utilisée dans la fabrication de congas et de percussions, mais quasiment pas dans les batteries.

Tu parlais tout à l’heure de complexité. Quel est le riff de batterie le plus compliqué que tu ai jamais eu à exécuter sur scène ?

Stéphane Misseghers : Oh…Ce qui a été compliqué, c’est vraiment dans notre nouvel album, « How To Replace It », car j’ai commencé à chanter de plus en plus. Je n’arrivais pas à tout faire en même temps. J’ai dû répéter, répéter,… Et développer ma mémoire. Chanter et jouer de la batterie, c’est vraiment pas évident, anti naturel pour moi. Je trouve même qu’il y a un côté extra-terrestre là-dedans.Ce qui est étonnant, c’est que je n’y arrivais pas du tout. Et à un moment, il y a eu un déclic que je ne saurais pas expliquer, mais j’y arrivais. Très étrange.

« Quand j’étais plus jeune, j’étais un vulgaire copieur. Je piquais les plans de Soundgarden, des Pixies, de Sepultura. »

Tu produis également des groupes. Y-a-t-il un batteur avec qui tu aimerais bien bosser ?

Stéphane Misseghers : Il y en a plusieurs bien sûr. A commencer par Yoni Madar, un Israélien. Un style incroyable. Un Brésilien également, dont le nom m’échappe. Ce qui est dingue aujourd’hui, c’est que la proximité avec tes idoles est si simple. Et ça, c’est génial. Pour apprendre des trucs de quelqu’un c’est devenu très simple. Bien sûr, impossible en une vie d’apprendre tout. Mais avant, c’était tellement plus compliqué, plus austère, plus long. On avait uniquement des livres et des exercices écrits. Maintenant, quelqu’un te décrit les étapes et en même temps, tu vois le mec qui réalise l’exercice. Dans le métal, il y a énormément d’activité sismique qui se développe. Je citerai par exemple Eloy Casagrande, le batteur de Sepultura. Un fou. Le batteur de Gojira, Mario Duplantier, idem. Il est incroyable. Mais aussi Danny Carey, de Tool. Ce qui est important, c’est d’arriver à allier expérience, technique et goût. Le goût, c’est plus important que tout. Tu peux t’inspirer de tes idoles, les voler, mais le résultat, ce que tu vas produire à la fin, ça doit rester personnel. C’est ça qui distingue les musiciens talentueux des excellents techniciens. Quand j’étais plus jeune, j’étais un vulgaire copieur. Je piquais les plans de Soundgarden, des Pixies, de Sepultura. J’ai essoré leur album « Arise ». J’arrivais à le rejouer intégralement.

 

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A quel moment tu as trouvé ta propre personnalité musicale ?

Stéphane Misseghers : Il y a seulement une dizaine d’années. Avant ça, j’étais un faiseur. Chez moi, c’est venu avec l’âge. Je peux apparaître comme quelqu’un de déconnecté, un peu étrange, en dehors des choses. Mais j’ai entendu et j’ai vu beaucoup de choses. On pourrait presque penser que j’ai le syndrome d’Asperger mais ne l’avons-nous pas tous un peu ? Tout ça, ça a surtout à voir avec ta capacité à canaliser des influences, des impressions,… Il y a 5 ans, j’ai arrêté de boire. Ca a complètement changé ma vie.

Y compris dans ta manière de jouer ?

Stéphane Misseghers : Oui, complètement.

GONZAI : La batterie a-t-elle une place spéciale dans un groupe ?

Stéphane Misseghers : C’est un très vieux truc. « A very good band with a bad drummer is a mediocre band, and a mediocre band with a good drummer is a great band  ».

Avant de te quitter, un mot sur « How To Replace It », le dernier album de DEUS ?

Stéphane Misseghers : Bien sûr. On a mis beaucoup de temps à le sortir. On a tous eu des difficultés dans nos vies privées. C’était pas l’album le plus simple à faire, mais pas non plus le plus difficile. Le plus compliqué, c’était les facteurs externes. L’âge est là, et la vie nous oblige parfois à rendre des comptes. On a aussi des activités à côté. Moi je produis, Klaas (NDLR : Violoniste du groupe) a un restaurant, etc. On a du aussi changer de guitariste. On a mis un an à en trouver un, puis on l’a perdu car il avait une hémorragie cérébrale. J’aime beaucoup ce disque, je crois qu’on propose de nouvelles choses par rapport à nos précédents. Il y a par exemple des morceaux plus dansables, plus rebondissants. Tout ça tout en gardant l’ADN de dEUS dans notre manière d’écrire les chansons. Et ça, c’est le plus important.

DEUS // How to replace it // PIAS

 

 

 

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