Parce qu’avec un nom pareil on se doute bien qu’on n’aura pas affaire à un groupe de reprises synthpop d’Herbert Léonard, le nouveau projet de ces deux septuagénaires teutons mérite un peu plus d’attention que prévu.

« Les Allemands sont de grands inventeurs : ils nous ont donné l’automobile en 1886, Adidas dans les années 1920, et le Krautrock dans les années 1970 ». La bio qui accompagne le premier album de Harald Grosskopf et Eberhard Kranemann est assez rigolote, et surtout un brin amnésique. C’est oublié que l’Allemagne c’est aussi la création du nazisme, les tailleurs d’Angela Merkel, des coupes de cheveux à la Dolph Lundgren à perte de vue, des tongues qui claquent en été sur les terrasses du monde entier et surtout le hard FM de Scorpions. Mais passons et admettons ce révisionnisme : l’Allemagne a crée le krautrock, soit. Un genre qu’Harald et Eberhard connaissent bien et pour cause ; ils ont contribué à façonner ce son motorique. Le premier derrière la batterie de Klaus Schulze puis avec Ashra, avant de livrer deux fantastiques albums synthétiques parfaits pour le jogging numérique (« Synthesist » et « Ocean Heart »). Le second pour avoir « co-fondé » Kraftwerk et Neu !, puis avoir publié des morceaux que personne n’a jamais écouté sérieusement sous le nom de Fritz Müller. Comme on n’avait jusque là pas entendu parler de Kranemann dans la fondation des deux groupes pré-cités, et qu’on ne veut fâcher personne, nous allons maintenant passer au paragraphe suivant.

Crotterock

Si on était d’humeur à faire les fines bouches, il suffirait de s’arrêter à la pochette de « Krautwerk » comme on s’arrête à une fête de la saucisse en Bavière : vite fait. A priori, les vieux musiciens sur le retour, ça ne donne jamais rien de bon, surtout quand les deux cumulent à eux n’ont rien fait de notable depuis plus de 30 ans, et que ladite pochette ressemble davantage à un mauvais plagiat de Warhol réalisé sous Paint qu’à une toile de maitre. Passé cette première impression répulsive : eh bien il faut quand même écouter les morceaux. Et là, Krautwerk s’avère être une bonne surprise, beaucoup moins datée que n’aurait pu le laisser supposer les 150 ans cumulés de ces deux papis qui se sont rencontrés, pour la première fois, en 2016.

« Krautwerk » ne sonne pas comme le bruit d’un déambulateur s’élançant sur les autoroutes allemandes, c’est plutôt un éloge du rythme lent, presque parfois immobile ; un disque d’ambiances étranges transposant l’esprit de Goa à Berlin, ou la froideur de Berlin au rayon surgelés d’un Franprix ; en bref et parce que décrire une musique instrumentale est souvent aussi pénible qu’un album de Michael Oldfield, on pourrait dire que Grosskopf et Kranemann s’en sortent pas si mal que ça avec la modernité et, sans livrer un travail vraiment neuf, ne trahissent pas la cause initiale. La résistance ici, est surtout électronique. En bons vieux combattants, ils ne cèdent pas à l’envie de faire de la bouillie d’EDM pour kids pas dupes, et les longues plages font simplement entendre deux vieux qui s’emmerdaient trop chez eux pour ne pas avoir envie, une dernière fois, de faire mumuse sur leurs machines.

Hasard ou coïncidence, Krautwerk est aussi le nom d’un autre projet monté par un illustre inconnu rendant hommage, comme on s’en doute, à Herbert Léonard. Nan, je déconne. Là encore, il est hautement question de Kraftwerk et de Neu !, et le gus en question, Nico Seel, plagie par hommage tout ce qu’on a aimé de cette période métronomique. Maintenant que la nostalgie est le nouveau futur, on attend avec impatience que tous les flutistes de Cologne sortent du bois pour livrer leurs versions des faits sous le même nom, et on devrait, peut-être en avoir fini avec ce refus de voir enfin crever cette musique qu’on a tant aimé.

Krautwerk // Bureau B
https://shop.tapeterecords.com/grosskopf-kranemann-krautwerk.html

6 commentaires

  1. J’en ‘neymar’ c’est bored samedi, a dealer zaï sur quai de Seine, viens depenssez ton pognon ne t’achete pas un enieme ballon.

  2. Merci (von die mutter von Mitt Homann ) pour ce retour en arrière et malgré tout d’actualité..Je ne me déplace pas encore en déambulateur (il me reste une vingtaine d’année encore !), mais j’aimais beaucoup le Krautrock de la deuxième moitié des années 70 ( 75/80), du coup à écouter cette nouveauté je me suis baladée sur le net hier soir à la réécoute de Kraftwerk, ash ra temple, tangerine dream etc….(beaucoup de mes vinyles ont disparus !) J’ai bien reconnu dans ce nouvel extrait quelques « séquences » des anciens .Euh sinon, Berlin ce n’est pas triste, en tous cas plus aujourd’hui ! On a changé de siècle….

  3. Je crois que c’est rien que du jargon de journaleux . Lorsque l’on connais et que l’on s’intéresse à cette musique , on peut en parler d’une manière passionnée .

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