Coup d’chaud au petit pays de l’intelligentsia indie. Il aura suffit d’un seul clip pour foutre le feu aux poudres et donner l’envie à quelques fans de Koudlam, comme aux fans de l’UMP, de déchirer leur carte du parti. Le clip en question, publiée en avril dernier, donnait à voir plus qu’à entendre ; on y découvrait notre héros immaculé dérivant dans Benidorm, cité dortoir encerclée par un soleil de plomb le jour et par des armées de clubber la nuit, pour ce qui s’annonçait comme un prémisse régressif d’été indien, du jean déchiré des nineties à cet insupportable parfum de machina espagnole cristallisant – si l’on suit bien l’envie du musicien – le sentiment de perdition qui se diffuse actuellement sur le vieux continent. L’Apocalypse de Saint Jean version Assassins de Mathieu Kassovitz ; le morceau – si tant est qu’on puisse appeler ça un morceau – se prénommait Ouverture. Ambiance soleil vert fluo qui contrastait salement avec les oripeaux incas jusque là tenus à bout de bras.
S’agit-il d’une musique gourde pour bois sans soif ou d’une bonbonne de gaz ? Sommes-nous face à un reniement esthétique, à une tentation de conquête de plus grands territoires nommés MAINSTREAM et PUTASSERIE, le Koudlam de l’an 2014 aurait-il passé trop de temps sur la plage arrière d’une bagnole plantée en plein cagnard ? Toutes ces questions, l’auditeur qui a découvert l’autiste avec « Live At Teotihuacan » (2008) est en droit de se les poser, il a de même le droit de penser que c’était mieux avant et de jeter son dévolu sur un nouvel artiste confidentiel connu de lui seul ; encore une fois c’est son droit et c’est somme toute un raccourci qui permet d’éviter de réfléchir au véritablement dérangeant dans l’affaire qui nous amène à faire des digressions sur l’EP qui paraît cette semaine, lui-même préambule à un disque qui paraitra en octobre et qu’on n’écoutera certainement pas plus de trois fois sans avoir envie de vomir la bière tiède qu’on s’est enfilé la veille avec la bande des culs-serrés qui compose aujourd’hui le petit monde du prêt-à-penser parisien.
Quand d’autres retournent leurs vestes, Koudlam retourne sa casquette et se la joue donc smurfy hédoniste en dilapidant son malaise existentiel sur ce petit bout de terre aride où les retraités espagnols côtoient la dégénérescence européenne qui n’a plus que la techno hardcore pour oublier qu’elle n’a pas de boulot, pas d’avenir, rien. Okay on a compris. Face à l’EP « The Lands Apes » – on va pas tartiner trois pages sur le jeu de mots – il y a donc les pros et les antis ; les médias qui relaient la nouvelle avec une excitation tellement forcée qu’elle en devient risible tellement on comprend qu’ils ont découvert l’artiste avec la synchro de See You All pour L’Oreal, il y a aussi ceux qui veulent rester dans le coup et préfèrent éviter d’en dire du mal plutôt que de passer pour des cons – leur bêtise crasse leur évitera cela dit de se reconnaître – et ceux qui crachent bêtement sans chercher à comprendre la démarche, puisque ici, plus que de musique, il est question pour Koudlam de posture, au sens : prise de position face à des mouvements musicaux qui paradoxalement font du surplace, pastichent des disques vieux de 60 ans et continuent, titre après titre, de servir la même soupe infâme à base d’ingrédients aussi indigestes que l’amour, le bonheur et la sécurité d’une retraite à 62 ans dans un monde qui file inexorablement vers sa perte. En prenant la contre-allée de la musique divertissante qui n’amuse plus personne, Koudlam, tel un Nelson Mandela biberonné à Alan Vega, Cobain et Nabila, tente aujourd’hui la grande réconciliation entre des peuples cloisonnés, d’un coté les Lads contemporains que sont devenus les clubbers, à la fois fils du tourisme de masse et des programmes NRJ12, et de l’autre les esthètes de première classe que le mauvais gout ne rebute pas.
Sur la planète des singes, heureux est l’aztèque qui sait faire danser les corps sans réfléchir. Faire descendre la perception du rythme du cortex à la voute plantaire, tel est donc l’objectif pour Koudlam ; vaste chantier de conscientisation des masses, vain par avance, où Xavier Veilhan saurait croiser Benny Benassi sans changer de trottoir, et où les discours de Jacques Attali seraient remixés par Skrillex afin d’être diffusés dans les centres commerciaux climatisés.
Il faut du courage pour démolir sa musique au burin. Comme chez The Soft Moon, l’enjeu n’est plus de savoir si le virage de Koudlam est mélodique ou pas, écoutable ou non, bon ou mauvais. Sans dire qu’il s’inscrive dans la lignée des Bob Dylan (son passage à l’électrique en 66 au « Royal Albert Hall concert »), Lou Reed (la destruction du mythe rock avec « Metal Machine Music ») ou de Radiohead (la trahison électronique de « Kid A »), il y a là la volonté de ne pas se répéter, voire de brusquer l’intimité violée des journalistes sainte-nitouche et autres fans du premier instant, dont on ne dira jamais à quel point ils peuvent s’avérer être un boulet pour celui qui désire éviter le bis repetita. En imposant son discours – il n’y en a pas – sa musique – il n’y en a plus – et les clips de Jamie Harley comme mode d’expression singulier, Koudlam capte sans même le savoir l’esprit du temps. La musique populaire sera visuelle ou ne sera pas. Et l’avis des dicteurs de conduite, sous le soleil de Benidorm, s’éclipse durablement.
Koudlam // EP Lands Apes // Pan European (Sony)
http://koudlam.com/
13 commentaires
C’est marrant, je vois le truc tout à fait autrement. Le Koudlam nouveau est pour moi très cohérent, très raccord avec le précédent. Toujours à la frontière du goût (l’eurodance, la flûte de pan coquinent tjs avec les envolées sublimes, une certaine idée de la transe), et toujours hanté par la fin des civilisations : celle de l’Europe qui s’achève à Benidorm et celle plus exote que l’on croisait à Cancun tout en rêvant de Tenochtitlan. Herzog, Aztèques, Vodka, Baston… un vieux monde qui n’en finit pas de s’épuiser.
C’est une bonne contre-analyse, je suis aussi d’accord avec vous.
A croire que vous n avez pas » écouter » le disque.
Ou que vous n avez écouter que negative creep….
Mais vous devez bien essayer de vous démarquer d une manière ou d une autre….
On parle du 4 titres (écouté) ou de l’album (pas écouté) ?
Le gars vient des free party en forêt, un retour au bourrin très cohérent je trouve.
Dommage qu’il soit si creux dans la forme, il pourrait précipiter l’extinction des feux,
mais y tient-il vraiment ?
Joli !
« Ce qui dérange, ce sont les réactions épidermiques d’une partie de la presse et des fans qui voit dans ce retournement un virage à la Grace Kelly…. »
C’est ça qui vous dérange?? C’était pas la peine de nous en parler.
Il y a beaucoup de prose pour pas grande critique. Bien imagée, drôle, ficelée, longuement écrite, mais peu profonde…. Une algue en surface. Stérile. Miaulante.
»C’était mieux avant » mais vous êtes aussi d’accord de dire qu’il y a une « continuité et une cohérence »….. en fait vous n’avez pas d’avis mais vous êtes dérangé… vous avez envie de vous démarquer parce que vous le suivez depuis longtemps. (et je l’ai découvert grâce à vous, merci.)
Il y a toujours les « puristes » qui refusent le moindre changement et qui auraient aimé voir un Koudlam avec des musiciens de flûte de pan, des aigles d’Afrique et des bambou (un os planté dans les cheveux peut être?)
Je trouve qu’il y a une vraie révolte en lui, une vraie bataille, une vraie pureté, une vérité en ce Koudlam qui vient des astres. Je refuse de lire de telles stupidités sans me manifester. Car votre article est insultant.
Il y a une telle justesse dans NEGATIVE CREEP, une telle cohérence avec ce clip dégénéré, rabatteur , et quels songes délicieux et envoutants dans le morceau The Landsc Aps. Je l’écoute en boucle avec All for Nothing. Bien mieux que See you all.
Je suis fasciné par ces 4 morceaux si différents et pourtant si soudés.
Sa musique ne s’arrête effectivement pas aux sons. C’est un presque un artiste plasticien ce Koudlam. C’est un Poète , une prophétie. Et elle continue de s’abattre, encore plus violemment.
Dommage pour ceux qui croyaient que Koudlam était un groupe de péruvien pour L’Oréal.
Bien à vous.
Fanta,
mettez un glaçon dans le verre et relisez le papier; on dit exactement la même chose.
Bisou.
c’est « The LandsC Apes »
Fanta, avec un nom pareil je vous conseille de mettre un glaçon dans votre commentaire, on dit peu ou prou la même chose.
Fanta, je pense que tu dois lire au-delà des dix premières lignes…
Ce nouvel album ne serait-il pas son « Starship Troopers » ?
Il me fait penser à sebastiAn dans sa démarche…
Pour avoir écouter un peu l’album je trouve qu’effectivement il y a un hic là-dedans. Quand l’insignifiance ne rencontre pas une certaine crétinerie philosophique, ça peut vite devenir gènant. Comme dirait l’autre, la subversion de la subversion ben ce n’est pas de la subversion.