Derrière son lap-top mais les yeux rivés sur son écran loin devant le batteur qui l'accompagne, Kel MacKeown pourrait être n'importe qui. Il semble avoir autour des trente ans,

Derrière son lap-top mais les yeux rivés sur son écran loin devant le batteur qui l’accompagne, Kel MacKeown pourrait être n’importe qui. Il semble avoir autour des trente ans, est britannique, porte des t-shirts sérigraphiés et une montre en plastique que recouvre parfois la manche gauche de son hoodie. Mis à part ça, on n’en sait pas beaucoup plus. Si on doit le rapprocher de quelque chose, c’est surtout des types qui s’esquintent le dos autant que lui à l’écouter durant un set entier chatouiller un touch pad.

Comme eux, et même s’il a parfois presque une décennie de plus au compteur, il a grandi avec le hip-hop sur orbite, dans le casque du disc-man ou dans les baffles du voisin de palier en rêvant d’être un Beastie Boys. L’autre station spatiale de son adolescence : l’electronica explosée comme MIR au début du siècle pour le retour du divertissement dans les clubs et la diminution des défoncés aux Special K en New Balance ; des gens à la vision un peu trop globale pour se souvenir de ce qu’ils foutaient là en premier lieu, courbant l’échine sur un ordi comme J.G. Ballard imaginait cueillir ses plantes chantantes dans Vermilion Sands.

Kelpe vient donc de là et écrase en deux, trois clics le mythe des deux, trois accords de circonstance comme d’autres avant lui. Dans le combat chef d’œuvre versus progrès, Cambio Weschel n’est peut être pas le disque que les classements commémoratifs de fin d’année retiendront, mais une balise à la couleur étrange quelque part entre orange et mauve qui fait l’intéressant sans transpirer. C’est Boards Of Canada, encore eux, jouant du hip hop (nb : écouter ‘Death Before Distemper 4’ pour s’en convaincre) en tunique de latex bleu turquoise, parce qu’évidemment aquatique et cérébral. Peut-on au moins parler de disque de l’époque quand certains brandiront la bannière du post-modernisme dès lors que quelqu’un se planque derrière un ordi comme pour clore le débat sur un bon mot? Ce disque est une goutte d’eau colorée au milieu des profondeurs dans laquelle quelque chose ressemble encore à une guitare (Eye Candy Bath), lorgnant vers l’Afrique peuplée de robot peints à la gouache (After Gold) mais visant surtout le cosmos.

Ce que j’y vois, en fait, c’est une sorte de pierre angulaire au milieu d’un monde étrange pour une génération dont le seul contact avec une guitare se fait désormais en jouant à Guitar Hero. Parce que Kelpe ressemble à tout le monde, il doit aussi essayer de passer une vieillerie en mode expert le samedi soir. Et comme les gens de son âge, il n’a pas fait la différence entre s’extasier sur un manche quand on peut s’entourer d’ordinateurs. Finalement, Kelpe, c’est surtout quelqu’un qui a vu apparaître la Nu Rave d’assez loin, déjà assez haut perché pour éviter de retomber les pieds sur une piste de danse suintant la disco millésimé 1987 et permettre encore d’écouter un disque en apesanteur quarante ans après Apollo 11.  

KELPE // CAMBIO WESCHEL // DC RECORDINGS

http://www.myspace.com/kelpemusic

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