Welcome to the jungle !
2024. Les myspaces fossilisés, une équipe de chercheurs a retrouvé les restes d’une partie de la tribu de Dan intégrée secrètement à la civilisation européenne. Non loin du lieu où un MacBook actuellement en cours de transfert vers un laboratoire spécialisé a été retrouvé, entre Chimay et Viroinval, un disque: FACIAL. Ainsi que quelques bribes de ce qui apparaît comme une notice explicative. Les archéologues estiment son âge à 15 ans. Ce qui fait peu, et remet en cause la théorie selon laquelle toute la mièvrerie de l’époque a fondu sous l’effet de la nullité radioactive, vers 2012.
Il semblerait que trois individus aient muté et vomit ce disque après leur dernier dürüm sauce à l’ail ; la faute au vaccin anti-pandémique périmé qui circulait alors. La seule chose dont nous sommes sûrs est que ce disque est le dernier témoin de la civilisation post industrielle toujours intact. Des bébés à seins transpirant dans une combinaison latex courent dans le décor de la comédie Cyborg avec Jean-Claude Van Damme, alias Gibson Rickenbacker, décédé il y a maintenant 6 ans. A côté, des Falashas jouent du tambour en criant des insanités que nous sommes à l’heure actuelle incapables de discerner. Le chef de clan cul de jatte bruxiste, lui, tend le bras pour atteindre une sirène qu’il pitche avec son sexe. C’est de cette manière qu’il appelle ses élus pour une dernière transe au bord de l’autoroute.
A ce jeu là, des images en veux-tu en voilà, K-Branding s’en tire avec les honneurs. Pour un groupe inconnu qui préfère les tournées en Suisse dans les caves ou les bars bruxellois parce que c’est leur élément, sortir un disque comme Facial relève du sabordage si vous rêvez web-radio et succès. Succès d’estime, seulement, après quelques démos (tirage à 100 copies max) et sûrement autant de concerts en quatre ans avec Intelligence ou Crippled Black Phoenix. Signé sur Humpty Dumpty Rec., il s’agissait peut être là du ticket d’entrée pour les Nuits Botanique. Programmés à 20h, sous un chapiteau vidé de moitié à la fin du concert. Table ronde après celui-ci, quelques bières et un dessert au citron.
Si je vous dis que votre musique m’évoque Sepultura, Ash Ra Tempel et Albert Ayler dans une navette spatiale avec Bokassa au volant qui se dirige vers un astéroïde, ça vous parle ?
On est au milieu mais loin des trois. K-Branding, c’est la même bête à trois bras avec un couteau dans la gorge. Bon c’est des styles musicaux qu’on a tous écouté, que ce soit le free-jazz, le krautrock ou le métal, mais on essaie de trouver quelque chose de personnel. Après c’est sûr on va pas jouer un truc qu’on a jamais entendu de notre vie, on est influencé par ce qu’on est. On ne se limite pas à un style musical et j’crois que ça transpire dans notre groupe, l’album est fort diversifié au niveau des ambiances.
Je trouve que votre album quand même, y’a un côté malsain d’un bout à l’autre, assez agressif…
Sombre, un peu tendu tu veux dire? Bah écoute ça vient spontanément, ça sort comme ça. Après bon, oui c’est toujours tendu en général, on improvise en répet’ à trois, et on aime bien la véhémence.
Ca fait parti de votre esthétique aussi, avec la pochette, le masque, etc.
Bah oui, le côté tribal on a toujours aimé, on a toujours joué des percussions tous les trois on aime bien ça. La pochette fait référence à ce côté, une civilisation ethnique mais aussi urbaine, comme un compromis entre les deux. On peut faire un mix entre quelque chose de vachement ethnique et une autre noise indus. Quelque part, Throbbing Gristle, Genesis P-Orridge a écouté du free-jazz, tout se rejoint. Le truc industriel, c’est eux qui ont commencé à propager cette idée, on est tous le produit de l’industrie, d’une société et leurs influences, ils les puisaient dans le free-jazz, y’a quelque chose je pense de très logique là dedans. On est des européens, de par ce côté tribal et mécanique, si on peut se rapprocher de quelque chose d’ethnique, on essaie, sans arrogance ni prétention.
Et le futurisme, l’Art des Bruits ?
Y’a quand même une dimension ancrée dans le rock dans ce qu’on fait. On veut se démarquer mais on en vient, on le revendique. Y’a des racines pour nous trois qui viennent du métal ou de la musique indé américaine. On le nie pas. On fait un grand brassage. On écoute beaucoup de choses, on s’est jamais dit on va faire ça, je le dis souvent, on joue ce qui ressort, on s’est jamais dit on va faire de l’indus. Personne n’apporte une idée, et finalement après quatre ans ça marche toujours.
Ca vous fait plaisir si ça choque ou surprend les gens ?
C’est agréable, si on peut bousculer les habitudes nous on est content. Le but c’est pas de faire peur. Tu sais on a beaucoup de respect pour la musique pop, on aime aussi les choses assez classiques. Tous les trois on adore les Beach Boys, Pet Sounds on s’y retrouve par exemple. Même les Smiths. Mais nous musicalement, la combinaison des trois a fait que ce qui ressort est comme ça. On veut pas entrer dans un schéma. On nous a souvent reproché ce collage à 90% dans les morceaux, on se casse pas la tête pour faire des beaux arrangements. Y’en a qui pense qu’un concert c’est la même chanson, avec plusieurs parties mais nous on s’y retrouve. Y’a une certaine cohérence qui s’est installée. Par contre, on se contraint d’éliminer certaines choses, parce que pour nous la contrainte est constructive.
Et dans un festival comme les Nuits Botanique, où les gens ne viennent pas forcément voir un groupe mais faire un tour, découvrir…
On se sentait pas forcément à notre aise, c’est clair. Le bénéfice, c’est qu’on était un groupe à part par rapport à ce que les gens ont vu, peut être que ça n’a concerné que quinze, vingt, cinquante personnes, on savait à la base que c’était pas forcément notre place d’être là. Par rapport au son, l’ingénieur, on le connaît pas, d’habitude c’est nous qui faisons le son. On est dans un format qui n’est pas archétypal, l’ingénieur a eu beaucoup de difficultés à nous sonoriser. Il comprend pas bien, on adore jouer dans des petites salles même pas sonorisés. Et ça nous correspond mieux. Sonoriser DAAN ou Sharko, ça nous semble plus évident que nous. Déjà pendant le soundcheck il était perdu, y’a pas de basse, un moment tout le monde change de place. Viens nous voir au Café Dada, on y gagne toujours. C’est plus simple, ici t’es à 1,50 mètre des gens.
Pour ce qui est des textes chez K-Branding, on comprends rien, ça raconte quoi ?
C’est souvent très lié à la musique, on l’écrit après. On chante en allemand, en italien, en anglais. On voit ça comme un instrument, moi j’aime bien la sonorité des mots qui se suivent, y’a pas du tout de message. C’est plus un enchaînement, en anglais et en allemand, c’est des langues que je maîtrise pas bien. J’ai appris un peu mais voilà. On peut pas être connoté, ça fait aussi parti de la démarche par rapport à nos racines, lui il est italien. La guitare a plein d’effet, et changer de langue c’est aussi un effet. La voix switche, c’est un instrument comme un autre. On a voulu incorporer du chant parce que ça rajoute une dimension à la musique, y’a aucun but de faire passer quoique ce soit. On est un groupe instrumental. Les voix c’est plus incantatoire.
Au Dada, il y avait le sosie de Emmett « Doc » Brown qui hurlait derrière. Au bout de cette interview, je me suis rendu compte que K-Branding n’est probablement pas le groupe du futur, mais celui qui le prédit. Ne cherchez pas le paradoxe. Parce qu’ici, le choc des civilisations n’existe pas.
K-Branding // Facial // Humpty Dumpty rec.