Les femmes représentent-elle l’arrière cuisine du rock ? Patti Smith est-elle à la guitare ce que Tatayet fut aux années 80 ? Ont-elles toutes des choses à dire, sur ce mouvement musical qui les vit plus souvent briller backstage que derrière un micro ?
Si toutes les réponses à ces questions ne se trouvent pas dans le livre de Jean-Eric Perrin (ancienne plume de Rock & Folk et Best), du moins y trouve-t-on quelques indices, des physiques de stentor, du maquillage et puis beaucoup d’ongles cassés. Parce qu’il faut bien payer les factures au propriétaire (sa conscience, ses souvenirs et son magnétophone), Perrin se souvient des longs entretiens accordés par les divas sur les dernières décennies, plus ambiance Garde à vue que Le divan d’Henri Chapier. Cela donne Portraits de filles électriques, un livre à l’image des groupies 70′ : un truc qui se lit vite et dans n’importe quelle position.
Parce qu’il revisite le passé, Portraits de filles électriques reste tout de même un livre d’anthologies, où les WonderBra cavalent très vite et les témoignages avec la crème des chanteuses de tubes s’accumulent: Madonna, Tori Amos, The Bangles, Chrissie Hynde, Annie Lennox, j’en passe et des meilleures. Preuves d’une époque révolue (des interviews dans de grands hôtels de luxe avec des icones inatteignables), ces face à face entre un journaliste souvent en retrait et les MILF du micro (lire à ce titre l’entretien entre Perrin et Mariah Carey, short jean et décolletté ras du nombril) apportent quelques éléments de réponses à l’heure où toutes les stars féminines suscitées ont remplacé le fast-forward par la ménopause : Une rencontre décevante avec la -déjà- chancelante Debbie Harry en 1986, les retrouvailles avec une Faithfull -déjà- sur le retour dans les années 80, quelques heures avec Hardy -déjà- plus très sûre d’être commerciale en 1988. Pendant ce temps, Lady Gaga, La Roux, Ting tings et Ebony Bones lancent leur carrière, entre deux pilules dures à avaler. Qui, dans 20 ans, souhaitera publier une série d’entretiens avec elles ?
« J’ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson »
Un livre d’entretiens sur les femmes, qui plus est lorsque la plupart n’ont jamais su enchainer trois accords, c’est surtout surligner la partie d’éphémère qui justement les touche toutes, une fois passé la trentaine. Cette lente déchéance qui parfois annonce un retour en grâce (Hardy, Birkin) après les premiers succès. De la Marilou Gainsbourienne aux stars déchues, belle série de portraits éclectiques où se croisent vieilles et jeunes générations du rock (Sharleen Spiteri, Kim Wilde), de la soul (Erikah Badu, Tina Turner, TLC ?!). Souvent dans de grands palaces, sous le regard suspicieux d’attachés de presse acquis à la cause des madones, Perrin suit son chemin d’hôtel en hôtel, prend des notes, égrène et déroule le tapis. C’est déjà bien suffisant pour donner envie d’en savoir plus sur ces petits bouts de comète.
Que dire de plus, finalement ? L’éditeur ne sera surement content parce que les ventes sont pas jojo’, les jeunes générations se lamenteront de ne pouvoir télécharger le livre et les puristes trouveront surement à redire sur la sélection des femmes esquissées. Il n’empêche, Portraits de filles électriques reste un livre parfait pour l'(avoir) été, ce temps où le rouge à lèvres était moins important qu’un accord bien senti.
Jean-Eric Perrin // Portraits de filles électriques // Tournon