Plusieurs hivers qu’on en avait perdu la trace. L’homme est discret, ne court pas après la lumière et c’est certainement là l’une des raisons qui fera du succès tardif de « Histoire de Melody Nelson » (3000 ventes au moment de sa sortie) l’une des belles injustices de l’histoire de la pop française. Le disque, porté par une section rythmique et des arrangements de la taille du pif de Gainsbourg, est salué post-mortem pour ses comptines à la Nabokov avec une Birkin dans la fleur de l’âge (mais déjà enceinte au moment du shooting de la pochette), hélas pas assez pour le travail de l’ombre de l’homme qui nous occupe ici. D’ailleurs la dernière fois que Jean-Claude Vannier a fait parler de lui, c’était en 2008, là encore en refusant le premier plan puisque la réinterprétation de « Histoire de Melody Nelson » et « L’Enfant assassin des mouches » (son chef d’œuvre psyché de 1971) à la Cité de la musique fut assuré au micro par pléthore d’invités, de Chamfort à Brigitte Fontaine (pour qui il a composé Il pleut, titre à réécouter d’urgence pour les longs dimanches sans soleil). Si l’histoire de cette nymphette bousculée par une Rolls colle à la peau de Vannier, il est une seule constante dans sa longue carrière : le besoin de s’effacer devant sa propre musique.
Nous revoilà donc quatre décennies plus tard avec un projet atypique, en tout point. Alors que trois jeunes chanteuses (Ilya Bronchtein, Laetitia N’diaye et Alice Vannier) s’amusent à vocaliser innocemment dans son dos lors de soirées ou pendant des vacances estivales, Jean-Claude Vannier décide de capter ces voix à l’unisson pour des musiques de film, puis piégé par cette fascination des mélodies insouciantes qu’on ne chante que lorsqu’on a 20 ans, décide de leur écrire paroles et musiques d’un disque paru voilà quelques semaines, sous le nom de code – pas si cryptique que ça – de Salades de Filles. Parce que bien malin celui qui pourrait dépatouiller ce sac de cordes vocales.
Autant résumer le projet à ses trois jeunes chanteuses serait un mensonge, autant tirer la couverture au seul Jean-Claude Vannier s’avère un peu malhonnête. Qu’y entend-on précisément, sur ce disque ? Le chant de la jeunesse, parfois maladroit et touchant pour cette même raison, capté sur l’instant par celui qui, plus vieux d’un demi-siècle, semble s’amuser de cette légèreté de l’être. Il y a donc de très beaux moments (Ballade C33 et son air de saloon pour cowgirls, On est reparties et cette guitare tordue qui rappelle En Melody en trompe l’œil, le Heureusement qu’on était jolies et ses insultes de jeunes filles polies), d’autres qui laissent un peu sceptiques pour le côté blues de conservatoire parfois horripilant. Il y a d’autres titres où, encore une fois et à l’image d’une carrière où rock et chanson française sont indissociables, tout se mélange, comme sur Opus 2. Existe-t-il une morale à cette histoire, un jugement définitif ? Pas vraiment. Tout au plus, on notera la présence sur Salades de Filles de deux vieux compagnons de route de Vannier, d’un coté Herbie Flowers (entre autre auteur de la célèbre ligne de basse à 50 dollars sur Walk on the wild side de Lou Reed) et de l’autre Denys Lable (jadis responsable des guitares du… « Sarbacane » de Francis Cabrel). Un grand écart, entre plusieurs générations et divers registres musicaux, qui permet à l’homme à tête de salade d’éviter d’en raconter.
Salades de Filles // Sortie digitale le 24 Mars 2014 (IDOL)
http://www.jeanclaudevannier.fr/
5 commentaires
oui
génie
« qui va bien » : une balle entre les deux yeux