Imaginez qu'on greffe une batterie au supplicié de la chaise électrique, qu'on accole à sa sentence un rythme martial et lourd comme le bruit de menottes à quatre temps. Ca pique, ça

Imaginez qu’on greffe une batterie au supplicié de la chaise électrique, qu’on accole à sa sentence un rythme martial et lourd comme le bruit de menottes à quatre temps. Ca pique, ça fait mal, ça swingue contre-nature, ça claque des jambes contre le métal froid avec la chaire vivifiée par 220V qui tape contre les barreaux, ça crie même plus tellement ça fait mal, mais détendez-vous les gars… c’est juste un disque. Attachez vos ceintures, comme le condamné à mort.

Ces quatre là, on n’aurait pas parié un séjour aux baumettes que leur troisième disque serait une partie de plaisir. Latin, avec un nom pareil… quand on connaît leurs fans (l’équipe comptable de Pitchfork, prête à déchirer ses chemises à carreaux pour la moindre prophétie apocalyptique) et que les deux premiers albums sonnaient jusque là comme une farce pour les nostalgiques du post-rock en pantashort kaki (MOGWAI), autant dire que le nouveau album d’Holy Fuck s’avérait aussi excitant qu’une rencontre entre Aldo Maccione et Charles Manson. Au pire aurait-on espéré une bonne chanson, un truc à se réciter comme une prière avant de passer à la casserole. Et puis on serait passé à autre chose, on serait retourné au manuel du krautrock pour les nuls en tripotant ses verrues.

Mais plantons le décor de Latin, si vous le voulez bien. Extérieur nuit. Quatre étudiants canadiens sont prêts à torturer votre petite soeur pour sortir un bon riff digne des meilleurs Neu!. Dehors dans la plaine, les oiseaux gazouillent comme des Tamagotchis pour siffler l’hallali digitale.
Histoire d’un lent carambolage entre le post-rock et l’électronica, Latin débute donc sur un air de faux-semblant et 1MD s’écoute comme une plage, un tsunami de deux gigas, un quelque chose d’électronique qui monte, une vague, une tour qui s’effondre, un ballon-sonde vers l’au-delà. Pas de quoi torturer un chat, mais tout de même. Suspense. Certains albums du plus mauvais genre musical jamais inventé (le post-rock, bordel, vous suivez pas?) ont commencé comme ça, on connaît la suite. Baillement. Puis vient l’écume du cymbales, la chanson qui change tout sur une ligne de basse, donne envie de fabriquer des bombes en dodelinant de la tête, Red lights, un format pop (3.51′) contenant tout ce que les pantins du genre (allez, jetez moi des tomates: Godspeed You black Emperor!) n’ont jamais su exprimer: Du rythme, des organes qui se trémoussent, de la disco fin de monde pour les tétraplégiques. C’est bien connu, de la chaise électrique à la chaise roulante… il n’y a qu’un pas.

Puis tout s’enchaîne. A un rythme de schizophrènes même, chansons jouées pied au plancher, sans un mot, mise en image de l’avancée des tanks sur la mer. Ou vice versa. Batteries qui montent comme un afflux sanguin, album de nerds habités qui entremêle basse chamanique, synthés en oscillations et batteries mathématiques, Latin frôle parfois l’exercice de style (Latin America et son ode « gloire à dieu, nous sommes plus fort que Boards of Canada »), mais Latin est souvent un disque génial, vallonné comme un Krafwerk (le Tour de France, les mecs!), droit comme un Neu!, pince sans rire comme un disque de The Horrors et finalement bon successeurs à tout ce que les estropiés du genre tricotent depuis quinze ans sans arriver à le formuler. Sur Stilettos, on entend des guitares accélérées qui font presque penser au cri des mouettes sous Valium, SHT MTN annonce le règne des calculatrices, partout on sent l’angoisse et malgré tout l’envie de danser. Le sentiment d’une peine maximum, mais jouée avec beaucoup d’entrain.

Que dire, lorsque le bulldozer Latin est passé de tout son poids sur ce qu’il reste de l’auditeur? Rien, absolument rien. C’est beau violent, gris clair comme un soir de tempête, le disque ressemble à du U2 passé sous Peyotl (Lucky), l’auditeur à un clown démaquillé et ta soeur ne regardera plus jamais Holy Fuck de la même façon. Ne reste plus qu’à fermer sa gueule en attendant la prochaine éclaircie, parce que les meilleurs matons ne sont pas forcément ceux qu’on croit.

Holy Fuck // Latin // Beggars
http://www.myspace.com/holyfuck

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