Avec son premier album intelligemment nommé « La fin », le duo français derrière Hanami pense sa musique comme une guerre sans armes contre la pop insipide et l’électronique carriériste à la The Blaze. A l’horizon, comme un gros médicament : des compositions premier degré chantant le vertige de la collapsologie et l’urgence d’un nouveau projet de société à s’injecter trois fois par jour dans les oreilles.

Sur le papier, c’était un projet destiné à une poubelle sans tri sélectif. Ou pire encore : un disque qui aurait suivi la même trajectoire qu’un mauvais album folk de Taylor Swift financé par EDF.

Un nom (Hanami) inspiré par la tradition japonaise consistant à admirer la floraison des cerisiers au printemps, quelques titres envoyés en ballon sonde avec des touches d’autotune, des métaphores sur l’écologie et le monde qui s’écoule et cette impression désarçonnante d’entendre le Christophe dernière période produit par Nk.F, l’homme derrière une partie du succès de PNL. Les Anglais appellent ça la musique middle of the road, soit la tentation du songwriting au carrefour des influences. Avec, comme le stipule la Sécurité routière, un gros risque d’accident.

Et pourtant, « La Fin » d’Hanami est un drôle d’Ovni. Une pièce lumineuse dans laquelle on entre et on sort, parfois les deux en même temps, en se demandant si quelqu’un vient d’allumer un spot 10 000W et si cette absence volontaire de second degré ne risque pas d’aveugler une partie du public internet trop habitué à la rigolade en GIF et aux commentaires sarcastiques. Le combat d’Hanami, sans dire son nom, c’est donc cette troisième voie que peu ont encore le courage d’emprunter, et qui fait de titres comme Tout disparaitra ou Tous à la Calanque des moments d’accalmie dans un quotidien boulimique, sans réflexion.

Avant la fin

Au départ, il y a Joachim et Maxime. Le premier est psychiatre à mi-temps, le second musicien professionnel. La rencontre entre les deux hommes portés par l’innocence et la science du refrain bien produit ? Un premier groupe de rock indé (In The Canopy), un groupe de rock indé monté par Joachim et dans lequel Maxime embarquera à rebours. Rapidement, les lointaines influences de l’un (du hip-hop et de l’électro) et de l’autre (le metal) forment un nouveau terreau, une matière inconciliable avec le groupe qui, justement, est en train de s’éteindre. « Comme In The Canopy était en train de mourir gentiment, on a simplement eu envie de provoquer une renaissance en repartant d’une autre envie esthétique » m’explique le groupe. L’envie esthétique dont il est ici question, c’est une pop profondément premier degré qui entremêlerait ses racines dans un drôle de tronc commun où l’on trouverait autant Léo Ferré que James Blake, Bon Iver que Nils Frahm. Et le tout chanté, donc dans la langue du dernier des Bevilacqua.

Aucune description de photo disponible.

La comparaison marketing entre Christophe et PNL, soufflé dans l’un des premiers mailings à propos d’Hanami ? Ils n’étaient pas au courant, mais Joachim et Maxime ne nient pas le rapprochement. « Pour aimer quelque chose de nouveau, les gens ont souvent besoin de se raccrocher à des figures plus anciennes, c’est normal, tempère Max, « mais on n’a aucune de ces images en tête au moment de l’écriture », rajoute Joachim.
Ce qu’il ressort des nombreuses écoutes de cet album stoppé par le Covid, avec ces chansons obligées de repasser sur la table d’opération, façon chirurgie du cœur, c’est cette troublante impression d’écouter un groupe avec de gros moyens signé sur un « petit » label ; étant entendu que l’expression, dans le monde d’après, est presque devenu un pléonasme. Ce qui n’empêche pas le duo d’avoir « des ambitions herculéennes » sur l’envie de retourner la table, et d’inverser le rapport de force entre les envies d’un public de moins en moins captif et le besoin artistique d’exprimer de nouvelles choses, à la manière du peintre choisissant une couleur inutilisée jusque-là.

Pop humaniste

Fan de Ry X comme de Thom Yorke, le duo avance donc ses pions sans aucun calcul marketing, et avec ce plaisir de la première fois qui confère à « La fin » un doux parfum pourvu qu’on arrive à laisser l’esprit LOL et l’angoisse de la fonte de la banquise au placard. Un parfait antidote aux productions mécaniques de The Blaze ? Oui, sans doute.
Le fait d’être psychiatre à quasi plein temps a certainement aidé Joachim, derrière les paroles, à humaniser un propos souvent vide de sens quand il est question de pop transparente comme une porte vitrée. « Sur ce premier album, le premier titre s’appelle La fin, et ce n’est pas un hasard ». Entre les lignes, des idées sur l’écologie, le réchauffement climatique, mais sans overstatement comme c’est souvent le cas avec les rares artistes français s’étant frotté à l’exercice (« A coup de Glock je tue la peine / Epoque de fin de cycle / Politique de fin de siècle / Le bruit des bottines, on marche vite sur la tête » sur Mina).

Ici, c’est la mélodie et qui le beat priment, en prenant le parti de systématiquement refuser la simplification. « Si on veut faire un morceau étrange sur 7 minutes, on le fait. Et l’inverse est aussi vrai » explique Maxime. Et Joachim de rajouter « C’est la même différence qu’entre le NPA et le Parti Socialiste, ou entre Hugo Clément et Pablo Servigne quand on parle d’effondrement, ce serait comme demander aux gens de choisir entre fermer leur robinet parce que la planète va mal ou bien leur demander de faire exploser le capitalisme ». Et tant pis si les années 70 resteront peut-être comme une décennie symbolique pour l’engagement, que l’époque actuelle est peut-être moins à cela et que c’est certainement moins vendeur pour un label de parler de collapsologie à des auditeurs qui préfèrent fermer les yeux. Sic.

La fin justifie leurs moyens

On en revient au titre de ce premier album, à clefs multiples. Les fins ? Elles sont pour le groupe nombreuses. Il y a la fin d’un monde qui périclite, « tant pour la dose de souffrances individuelles qui explose partout que pour les révolutions de droite extrême partout sur la planète ». La fin d’un monde tel qu’on l’a connu, pour citer REM, avec l’effondrement de la biodiversité. « Mais la fin, c’est aussi la fin des problèmes conclue Joachim, il faut regarder le monde avec des propositions d’apaisement. C’est ce qui m’anime autant dans mon métier de médecin que lorsque j’écris pour Hanami ». Alors, ce disque sorti de nulle part peut-il devenir l’hymne de la sixième extinction de masse ? Pour l’Humanité, c’est peut-être le début de la fin. Mais pour ce duo prometteur, c’est surtout la fin du début.

Hanami // La Fin // 460 Music, Maiò Music

 

3 commentaires

  1. « Sur le papier, c’était un projet destiné à une poubelle sans tri sélectif ».
    Pas mieux
    Sinon un tri c’est forcément sélectif.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages