Aujourd'hui sort le cinquième album d'H-Burns « Night Moves » et c'est un peu comme si tout recommençait: de la promo, des articles, des télés, de la radio. C'est étrange, je ne sais pas ce qu'il arrive ce soir mais on le regarde comme pour la première fois. Revenu des collines de L.A, Renaud Brustlein, un bout de mon Amérique à moi, a répondu à mes mails pendant une petite semaine: on a parlé de « Night Moves », Radio buzzing, Paris, Valence, Los Angeles.

« Hello Blandine, merci pour ton mail ! Bien sûr on peut échanger ici même au fil de ton papier, avec plaisir. A très bientôt. Renaud »

Au début je ne savais pas exactement ce que je voulais lui demander mais je savais depuis un moment que je voulais écrire quelque chose sur H-Burns. Je l’avais vu la première fois ouvrir pour Damien Jurado, je lui avais acheté un disque et l’avais trouvé super sympa avec son air de boy next door. Après ça j’ai du bassiner tout le monde avec « We Go Way back » pendant longtemps. C’était en 2009.

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Fin 2014: ces trois derniers mois, on parle pas mal du nouvel album d’H-Burns, enregistré à Los Angeles, qui sort en janvier. Partout le même copié-collé ‘produit par Rob Schnapf, producteur entre autres d’Elliot Smith, Guided by Voices, Beck‘. Ok. Mais moi je ne connais pas Rob Schnapf, alors en quoi c’était important de travailler avec lui? Et en quoi ça fait la différence?

« Oui Rob Schnapf a produit les plus beaux disques d’Elliott Smith notamment ( « Xo », « Either or », « Figure 8″) puis pleins de chouettes disques. C’est vraiment un producteur qui prend le temps d’aller au fin fond de la chanson. Je n’avais jamais été aussi loin dans l’exploration et l’approche. On a eu un rapport très proche pour travailler sur le disque, rentrer dans les tréfonds des chansons, on retournait les mots jusqu’à la formulation parfaite. Il se met vraiment au service des chansons et des histoires que je raconte, et ensemble on cherchait ensuite les atmosphères et les arrangements pour surligner ça . Tout tourne autour de la narration. Bref il a une vraie empreinte sur le disque ».

Sur l’album précédent « Off the Maps », Renaud avait travaillé avec Steve Albini et enregistré son album à Chicago. Alors d’un producteur à l’autre, what difference does it make?

« Albini est le roi pour capturer un groupe en live. Saisir son énergie ses nuances. Le disque précédent avait été composé dans cette optique là, pour qu’il se passe quelque chose, et que tout soit capté en live sur bande, à l’énergie. Schnapf a une approche opposée, qui correspondait à ce disque plus personnel. J’ai passé un mois dans son studio, contre douze jours chez Albini. On a travaillé chanson par chanson jusqu’à être allé au bout de toutes les pistes possibles, toujours à la recherche d’un meilleur « storytelling« .

Ne m’en parle pas Renaud, le storytelling je connais, c’est ce que j’essaie de faire pour que les lecteurs aient envie de te connaître, de finir cet article et d’écouter ta musique. Mais j’ai l’impression que je ne suis pas la seule ces derniers temps, vu que ton album est assez attendu et bénéficie déjà d’une bonne critique. Je me demandais d’ailleurs si tu avais l’impression d’avoir plus travaillé pour ça sur « Night Moves »? Et si c’était une sorte de reconnaissance que tu attendais depuis un moment?

« C’est vrai que j’ai beaucoup travaillé ( et longtemps ) pour faire ce disque depuis les maquettes jusqu’au résultat final. Après je sais aussi que le travail est loin d’être la seule clef dans ce genre de choses. Des fois c’est juste une question de timing, d’époque. Peut être aussi que le fait d’être toujours dans le « paysage » après 5 albums amène quelque chose. Dur a dire en tout cas tant mieux si le disque est bien reçu ».

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Je commence à comprendre que Renaud Brustlein est plutôt un mec du genre super posé, calme et modeste. Avec son air de Benicio del Toro version Losse-en-Gelaisse drômoise. Mais quand même Renaud, tu en parles dans tes chansons de la recherche du succès ! ‘going back home is failing’ dans Radio Buzzing; à l’image d’un Springsteen et de The River, Thunder Road… ou plus près de nous du « Rio Baril » de Florent Marchet. C’est quelque chose qui a du te tourmenter et peut-être te taraude encore, le besoin de reconnaissance, non?

« Oui c’est un thème très « Springsteenien » en effet. Je partage avec lui le fait de venir d’une petite ville qui ne propose pas d’avenir radieux à sa jeunesse, et je parle souvent de ça. Au delà de la recherche du succès, même si oui c’est dans le thème , il y a aussi la notion de vouloir quitter sa petite bourgade plein d’espoir de viser un avenir meilleur. En l’occurrence ici, je parle de beaucoup de mes amis que j’ai vu partir pour Paris ou Londres avec l’envie de faire des choses, des velléités artistiques ou pécuniaires. Ou encore d’une anecdote que j’ai vécu a New York me retrouvant a une fête sur un toit entouré d’écrivains ou artistes en devenir et il m’apparaissait clair que leur vie artistique tenait plus dans le fait de se montrer à ces soirées et a être de toutes les mondanités que de se concentrer sur le travail artistique lui même. J’observe aussi ça dans les milieux musicaux un peu « pointus » à Paris notamment. C’est un thème qui m’intéresse, la limite entre vide et superficialité et espoirs d’une vie meilleure »

Tu penses que c’est nécessaire de partir de chez soi pour ‘réussir’?

« Pas forcément non, je ne sais pas. Il est de coutume en France, de dire que quand on veut percer dans un domaine artistique cinéma, musique, art en général, il est mieux d’aller à Paris. Il en va de même pour Berlin, Londres ou New york. L’effervescence, les gens du milieu, le networking, l’endroit ou les choses se font, tout ça semble être les conditions qu’on a en tête. Je pense justement qu’à trop parler de création, à trop fréquenter des gens du même milieu, on crée moins de choses. Je ne suis pas non plus fait pour la vie isolée, mais la vie en ville moyenne me permet je crois de me concentrer plus sur les chansons que si je passais des disques toutes les semaines dans un bar du 11eme arrondissement, ou si j’allais trois soirs par semaine voir des concerts parce qu’un ami d’une connexion joue dans un groupe. Il y’a une notion de perte d’énergie dans le networking à mes yeux.

Attention je ne suis pas non plus pour le discours, je reste dans ma montagne, à la ville c’est tous des cons superficiels. Pour en revenir à mon parcours personnel, je pense qu’on doit à un moment quitter sa ville si on s’y sent trop à l’étroit, comme on doit impérativement essayer de se réinventer à chaque disque, si on se sent trop à l’étroit dans quelque chose, ce fut mon cas pour la folk music de singer songwriter

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Tu parles des milieux musicaux ‘un peu pointus’ à Paris, du genre Gonzaï quoi? Moi c’est ce que j’aime bien chez toi Renaud: ton côté ‘accessible’ et provincial justement (NDLR: je fais partie des milieux musicaux pointus mais rouennais alors c’est pas pareil) Bref tout ça pour dire que j’aime bien le pont que tu fais entre une musique exigeante, poétique et populaire quand même. Qu’est ce qui t’a emballé musicalement récemment?

« Loin de moi l’idée de me fixer dans une posture anti parisianiste. J’aime aller à Paris parler du disque dans les médias. Je suis moins fan du coté petite scène qui s’auto-congratule et qui fonctionne en circuit fermé. Souvent d’ailleurs cette scène a du mal à s’exporter hors de Paris, ai-je pu noter. 

L’année dernière j’ai fait un disque avec les deux auteurs compositeurs dont j’apprécie le plus le travail dans ce pays, à savoir Jonathan Morali (NDLR= <3) et Bertrand Belin. Avec Jonathan nous sommes amis et collaborateurs de longue date, avec Belin nous le sommes devenus en faisant pleins de concerts ensemble. Il est à mes oreilles parmi les ‘chanteurs Français’ dans les hautes sphères, sa chanson Ruine qui figure sur son dernier album, résume je crois à elle tout seule tout le talent de cet homme. Hors France, je ne suis pas forcément dans l’actualité, je fais une obsession sur Bedhead dont l’intégrale vient de ressurgir de partout, et le groupe qu’ils ont formé après The New Year. J’ai également fait une fixette sur le dernier AA Bondy, disque d’ailleurs produit par Schnapf qui m’a décidé à aller chez lui. Au final, Bondy s’est retrouvé à jouer sur deux morceaux du disque, dont Radio Buzzing justement. Son album « Believers » sorti en 2011 est une merveille ».

C’est là que je pourrais lui demander pourquoi il n’écrit pas en français blabla mais finalement je ne pense pas que ce soit intéressant. Je réfléchis encore vachement, et je me dis alors que je pourrais lui demander dans quel état il est quand il écrit, justement; ambiance ‘création = souffrance’ tout ça…

« Je ne décide pas de composer parce que je suis dans un état. Je dirais que je compose tout simplement le plus possible, et que depuis 7 ans forcément les états ont été différents. Je ne pense pas qu’il faille être triste pour écrire, ou heureux pour écrire des chansons tristes. Dans un état triste on écrit souvent des trucs un peu urgents, un peu multipliés, parfois être plus serein permet plus de hauteur. Dans tous les cas, je me ‘sers’ si je puis dire, des choses de la vie et donc des différents états que j’ai pu traverser, des rencontres que j’ai faites pour nourrir le fait d’écrire quotidiennement. Jason Molina de son vivant m’a dit  » keep writing Music as much as you can » je m’exécute »

Ok bon Jason Molina y’a pire comme référence… On en revient aux Etats-Unis d’ailleurs tiens: aller là-bas c’est pour écrire mieux? Etre plus inspiré?

« Je n’écris pas aux USA. J’écris presque tout en France, à part les fignolages de paroles sur place qu’on trouvait dans l’échange du moment, ou un arrangement ça et là. Ce qui me semble important, c’est d’aller chercher un savoir faire, une culture sonore, et même s’il y a pleins de possibilités de faire des bons disques en France, mon approche personnelle a tendance à m’emmener là bas. Ceci dit, j’ai très envie d’aller en Ecosse faire un disque, pays avec une vraie scène et une vraie culture du son à soi ».

Ah ouais l’Écosse, Belle and Sebastian… (NDLR: je ne pense pas que ça va faire mouche)

« Je pensais [plutôt] à Mogwai, Arab strap, il y a un son une identité, et un côté hors des modes et de l’agitation londonienne qui me parle ».

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Décidément j’aime Renaud Brustlein et son côté définitivement provincial. Ça ne m’étonne pas qu’on se soit rencontrés à Rouen. J’ai encore pas mal de questions à poser à Renaud mais il me faudrait des pages… on n’a finalement pas parlé tant que ça du nouveau disque; de sa genèse oui, mais pas de son impact. Sur moi il est évidemment sans appel: ça fait 45 fois que je l’écoute et comme dit Renaud quand je lui demande s’il a une culture de l’album (par opposition aux singles), lui me répond qu’il est « plutôt homme d’album à tiroir, qu’il aime les disques ou on change de chanson préférée dix fois ».

Sur ton disque Renaud, ma chanson préférée ça a longtemps été Radio Buzzing. Et depuis deux semaines c’est Holding Back, celle qui clôture le disque. Le disque avec une photo où il y a des palmiers qui se courbent sous la violence d’une tempête. J’ai d’ailleurs oublié de te parler de ça Renaud: des éléments. Tu en parles beaucoup dans tes chansons j’ai l’impression: d’un typhon, de secousses sismiques. C’est peut-être ton côté montagnard, man versus wild. Il faudra qu’on en reparle.

En tous cas du massif des Écrins de tes montagnes natales à la faille de San Andreas de l’album californien, the Big One, on pourrait oser une belle allégorie. Ou faire un jeu de mots pourris, c’est selon. Je vais éviter les deux et te laisser le mot de la fin.

Le 23 janv. 2015 à 14:26, Blandinew a écrit :

Salut Renaud,

J’ai juste oublié de te demander comment tu te sentais à l’approche de la sortie du disque; est-ce que tu dirais que cette sortie là, ce disque là marque une espèce de tournant dans ta ‘carrière’? bref est-ce que tu es plus excité que d’habitude? (de loin j’ai l’impression que oui)

« Salut Blandine

Tournant je ne sais pas, mais disons qu’il y a un petit souffle fédérateur pas déplaisant qui se dégage à l’aube de la sortie ».

H-Burns // Night Moves // Vietnam (Because)
http://www.h-burns.com

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