A la première écoute, il chante faux. A la deuxième, pas vraiment juste. Vers la cinquième chanson, y’a comme un malaise en Malaisie. A la fin du disque, on le retourne : l’amour façon recto-verso c’est possible, suffit de remplacer les messies par des lanternes.
A l’inverse des compagnies d’assurance, la chanson peut parfois aimer les accidents, les voix un peu bosselées qui hoquètent sur des musiques en dos d’ânes, des mélodies écrites au stylo Bic puis tapotées sur deux octaves d’un Yamaha cuvée 1981. Ce beau laïus, c’est l’histoire de Guillaume Fédou, déchanteur de charme que je pensais condamner à timbrer ses cartes postales avec le bout de la langue.
Premier album aux baisers dessalés, Action ou Vérité ne ressemble pas vraiment pas tant à la concurrence qu’aux affres de l’adolescence boutonneuse, cheveux gras collés sur le front, passée le cul sur un banc de boom à quémander pour un slow. Frank Sinatra des disco-dancing, Etienne Daho des stations désertées, Guillaume Fédou pratique une anti-music éprise de modernité (le son des claviers) et de sentiments aléatoires (l’introspection des trentenaires, la désillusion du corps qui se désagrège) à contre-courant des crooners du quotidien. Le talent et l’honnêteté pour seuls artifices, le bordelais reconverti parisien par nécessité offre ici un album singulièrement français, réconciliant les textes signifiants (Le cri de la liberté) et les chansons faussement insignifiantes (Open Bar), de quoi faire danser les filles et railler les garçons modernes sur un bout de jerk synthétique. Comme au bon vieux temps, pas si lointain, où passer la main sous les T-shirts pouvait encore être considéré comme un exploit. Chantre des années SIDA, épouvantail des champs-son d’ingénieur, Fédou peut également s’écouter comme le recto des chansons engagées à la française, version lonely lover en manque de caresses :
Après l’amour souvent tout seul / J’allume une cigarette / Je tire une tronche d’épagneul / Qui remue plus sous la serviette / La solitude c’est un sport / Qui vous choisit / Dans son équipe le plus fort / C’est moi la nuit (Après l’amour)
Après avoir vu passer tant de trains à l’horizon, l’amour vache de Fédou prend sa revanche, la notre peut-être, incarnant à lui seul la somme de tout nos échecs. Garçon moderne ou trentenaire, ne reste qu’à choisir son camp très justement, entre l’Action et la Vérité.
Guillaume Fédou // Action ou Vérité // June Sex
http://www.myspace.com/guillaumefedou
3 commentaires
Great post! Thanks for sharing!
etonamment ça fait presque envie. i’ll check.
Je me trompe ou ca a l’air moins chiant/plus drole que d’hab (cf Arnaud Fleurent-Didier, Thomas Dutronc etc)
Une sorte de Katerine post-etudiant depressif?