A quoi ressemblerait la France si des forcenés s’étaient décidés à remonter toutes les briques de l’Hacienda de Manchester dans une ville aussi déprimante que Mulhouse et avaient décidé d’organiser un défilé de tanks avec des cracheurs de feu sponsorisés par une marque locale de barbecue ? C’est la question à laquelle le trio derrière Foncedalle tente de répondre sur un premier album offensif comme un pitbull anglais.

Vous vous êtes déjà demandé pourquoi certains groupes décidaient de donner leur nom à leurs albums ? Moi, oui. La liste est trop longue pour être énumérée, et tout le monde possède au moins un disque de ce genre dans sa bibliothèque. J’avoue m’être toujours demandé ce qui pouvait passer par la tête de musiciens refusant de donner un prénom à leur gosse, et j’en ai tiré plusieurs théories :

1. Un manque cruel d’inspiration dans la dernière ligne droite ; le bassiste ayant grillé ses derniers neurones en poussant le matériel au fond du van.

2. Une économie de moyens consistant à limiter l’encrage sur la pochette avec le moins de mots possible.

3. Une prétention démesurée des membres du groupe, persuadés que leur œuvre n’a nul besoin d’un sous-titre pour leur disque. C’est évidemment valable quand on s’appelle Black Sabbath ou Iron Maiden (les deux groupes ont des albums éponymes), mais clairement la certitude d’un casse-tête au moment de classer ledit disque dans ses étagères.

Foncedalle « Foncedalle » (Exag' Records, 8 mars 2024) - MUZZART

Dans le cas de Foncedalle, avec son premier album « Foncedalle », on peine à savoir dans quel case les poser, mais ce qu’on sait, c’est que les krautrockers de Lyon ont grandi avec l’Angleterre dans le viseur. Pas celle des Libertines et autres drogués en carence de vitamine D des années 2000, mais plutôt de l’époque crack dans les dents et nuit blanches des années 80, quand les Happy Mondays régnaient sur la planète défonce & chaussures dansantes. On ne cherchera pas plus loin l’origine du nom de Foncedalle, un terme bien connu des fumeurs de cannabis qui pourraient manger un frigidaire après avoir tiré une latte, et on préfèrera s’étonner d’entendre un véritable album de rock en 2024 ; un truc qui ne soit ni trop connoté ni trop calme, mais assez mélodique pour laisser passer un peu d’air entre les couches successive de bordel amplifié.

On dit rock, mais il s’agit plutôt de bidouille rock, de bricolo-rock, de rock-castorama en somme, le genre façonné le dimanche à la masse dans le jardin en mélangeant Metz, Aphex Twin et les Stones Roses, pour citer trois influences du groupe. Plus loin, on entend les harmonies de shoegaze médiéval propre à Ride, sur le titre W.A.N.E., mais avec tous les vieux gros fans du groupe recalé à l’entrée et sans cette impression désagréable d’avoir été invité à une soirée pour abonnés grabataires des Inrockuptibles.

Ce qu’on retient de ce disque sans nom ? Que dans un monde idéal, ce serait la bande-son parfaite pour un cours de Zumba entre cocaïnomanes, qu’il s’en dégage une impression de travelling en voiture sur les routes de campagnes anglaises avec une canette de bière dans la main, et que l’omniprésence des guitares n’empêche pas le vaisseau de décoller à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. En clair : un disque aussi bien écoutable en open space pour faire chier vos voisins moches qu’en rave party pluvieuse pour exciter les insoumis du rythme.

Avec tout ça, ce premier album aurait pu s’appeler Joie divisée pour lundi joyeux qu’on n’aurait pas perdu nos cheveux pour autant. Et alors même que la formule du rock s’essouffle, on est ravi d’apprendre que Foncedalle, comme Vox Low avant lui, parviennt encore à balancer quelques grenades offensives dans les tranchées d’une guerre progressivement vidée de ses combattants.

Foncedalle // Foncedalle // Exag Records
https://foncedalle.bandcamp.com/

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