Comme tout bon ours mal léché, passablement agacé de voir les autres bestioles se faire des langues sous douche en croyant avoir réinventé le folk en tapant sur des casseroles pour les uns ou en recolonisant l’Afrique pour les autres, je me suis rué sans aucun prétexte sur le Veckatimest des bien inspirés Grizzly Bear. Car chez ces gens-là, monsieur, on ne triche pas, on vit….
– Y en a un peu pus, je vous le mets quand même?
– Of course ! D’ailleurs, ne vous embêtez pas je vais prendre tout ce qu’il vous reste
Parce que la gourmandise n’est un vilain défaut que pour les obèses et les gens qui meurent de faim, moi, je vais me goinfre de cette profusion sonore. Contrairement à Animal Collective, qui ratissent large en survendant le côté foutraque de la folk, on parvient aisément à écouter 2 chansons à la suite sans coller les doigts dans son nez ou sortir des grilles de sudoku pour combler le vide.
POURQUOI Y A-T-IL TOUJOURS FOULE DEVANT LA CAGE DE CE CONNARD DE SINGE QUI GRIMACE ?
Ca fait cinq mois qu’on nous les brise à coups de Merriweather Post Pavillion, pire album sinon le plus chiant du groupe animalier, Veckatimest vient (enfin) nous délivrer du mal. Parce qu’à mon avis, on peut aussi faire des choses intéressantes ET carrées. On peut aussi explorer le monde du son sans se mettre de la bouillasse sur le pantalon. On peut aussi avoir les influences qui transpirent sans avoir des auréoles sous les bras.
Je suis un Born Again.
Un cancéreux réclamant de voir le tôlier avant de s’engager dans la lumière. Histoire d’expier avant d’y passer. La peur du vide amène forcément à faire n’importe quoi. À s’accrocher aux branches en se rappelant à la bonne mémoire de l’audience.
Il faut pourtant que ça sorte d’une façon ou d’une autre.
J’aurais certainement préféré continuer à vivre dans le mensonge, vomir « Psychotic Reactions », m’acheter un costume blanc et me vautrer dans le nouveau journalisme. Finir aux soirées portables, accepter les pochettes cadeaux et finir par dire du bien de l’album de Julien Doré dans un hebdomadaire musical.
La vérité nue est cruelle : Ca m’arrache bien la gueule de dire du bien d’un album. C’est peut-être la peur qu’on me dise de passer à la compta en montrant la sortie…Mais cet album de Grizzly Bear m’a redonné la foi. Ouvrant d’une façon magistrale sur Southern Point, j’ai bien failli couper le poste, effrayé par la possibilité d’un naufrage après comme c’est généralement après une entrée en matière percutante. ça sent le poney, le bowie et l’opéra folk dans la chambrée des Brooklynois.
SOUDAIN LE VIDE.
Les pieds sur le rebords de la piste 1 je me penche fébrilement, étourdi par la hauteur prise précédemment, et puis, le courage ou la folie, je laisse le disque filer et s’engager sur l’autoroute. Two Weeks enchaîne, se traîne un peu, mais tient la distance, je ne suis que moyennement rassuré surtout que je n’ai pas ma ceinture, je râle un peu mais le Grizzly me ramène assez vite à la raison et me fait bien fermer ma gueule, le morceau trois est déjà là, et Fine For Now signe mon addiction au Grizzly. La justesse et la complexité de la mélopée qui s’installent à partir de ce morceau et qui ne quitteront plus le disque jusqu’à sa mort, redonne enfin un espoir (que l’on avait laissé avec le groupe Departement of Eagle des mêmes protagonistes) à cette saloperie de pop-folk, qu’on tripote un peu trop souvent de manière perverse et sadique. Grizzly Bear lui balance des « je t’aime » à l’oreille et je les ai étendu.
En toute mesure, bien évidemment, j’ai bien envie de lui décerné le statut d’ALBUM DU SIÈCLE jusqu’à ma prochaine chronique. Après on verra.
Grizzly Bear // Veckatimest // Warp
http://www.myspace.com/grizzlybear