Certes, la décennie s’ouvre sur une page noire dépoussiérée. Sombre comme les images que révèlent les premières sonorités addictives qui nous parviennent. Heligoland, Light Up The Night, De l’amour et des cendres. D’accord, nous pouvons nous prendre à rêver du fond du club d’une époque nouvelle qui recyclerait ses névroses en profondeurs de chants. Mais la vraie bonne nouvelle, la seule en fait, vient d’une lumière aveuglante et vomitive, celle de Grand Popo Football Club.
Ce serait trop simple, me dis-je, comme du football à l’anglaise -mauvaise période. Balancer le disque loin devant, et qu’il retombe sur le crane de quelques crétins obsédés par le but : planter. Imaginer une comptine dans laquelle Taniô et Ariül se baladeraient main dans la main dans les couloirs d’une église méthodiste, siroteraient des cocktails rose artificiel à la paille et forniqueraient en couinant du macbook. Et tant pis s’ils sont frère et sœur, voire scatophiles. Trop évident aussi de jouer le justicier en web-goguette et dénoncer le cynisme d’un quasi-disque basé essentiellement sur les noms de deux Gentils Organisateurs d’une grande chaine de télé. Face à un objet aussi néfaste, fuir la facilité et l’évidence c’est refuser de s’abaisser à son niveau.
Pourtant, donner une chance à ce Venom In The Grass est bien la moindre des révérences. L’arrière-goût écœurant de basses qui allaitent, mêlé à la tapisserie flippante d’un beat-massue qui suinte du gosier, ramène forcement à l’amer tune d’une époque techno-jinglisable pas si lointaine. Tendez l’oreille et souvenez-vous. M6 Hits, Daddy DJ, « I’m blue dabadee dabada ». La pop culture comme prétexte, retapons tout en plus laid, et surtout sans passion. Aspergeons des dizaines de références incolores de peinture criarde et revendons la voiturette à quelques touristes autrichiens. Le moteur qui vrombit leur rappellera sans doute quelque compile makina. Ecouter ce disque plus d’une demie-fois relève de la soumission.
Prochaine étape, sniffer du verre pilé ?
Stop. Je retire mon casque et me vautre dans le silence. Rien ne peut passer après ça, ce serait trop insultant. Même pour Miike Snow. Alors quoi ? Vomir sa joie et chercher l’issue de secours dans une mixture explosive, type vodka-boisson énergétique made in monoprix ? Non, je ne déclare pas forfait.
Si Grand Popo Football Club est une bonne nouvelle, c’est pour une seule raison. Cet album est à son époque ce qu’une coupe intertoto est à la joie de vivre. Totalement hors-sujet et paumé dans le contretemps d’un mouvement circulaire, mais surtout annonciateur d’une saison prometteuse. En fantasmant un châtiment à la hauteur de ces couineries, je ne peux m’empêcher d’espérer que cette décennie nouvelle est la bonne. Qu’enfin il ne sera plus possible de combler le vide télévisuel avec des confettis (moitié-promo, moitié-party = worldwide lobotomy), qu’on pendra haut et court les sagouins qui produisent des disques de fuite illusoire. Qu’on prendra au sérieux Bret Easton Ellis. Même qu’on arrêtera de croire que Winnie l’ourson vit quelque part au fond d’un stade de foot. Et qu’enfin ton territoire, Taniô, s’étendra plus loin que la poche dans laquelle tu ranges ton smartphone.
Grand Popo Football Club referme le livre des cauchemars. Demain, nous ne verrons plus de vestes à épaulettes desireless lustrer nos lucarnes. Que ces promesses fortuites se concrétisent en tournant. Car quand le virage se met à chanter…
Grand Popo Football Club // Venom in the Grass // Pschent
http://www.myspace.com/grandpopofootballclub