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13 mai 2016

GEORGIO VALENTINO, MATADOR DE L’ABSOLU

Une demi-décade que je croise, dans les limbes de la galaxie existentielle, ce Brummell au cœur chaviré de matador flambé au spleen, biturant sa morgue timide et déchirante, repeignant son port de ragazzi pasolinien, syncopant, enfin, des roucoulades qui sentent les abysses sur une Vox Teardrop 12 cordes aux couleurs de Canard Duchêne.

Lui, sa Reine des Glaces, joue un épileptique wallon en guise de tambour major. Ou en compagnie gaillarde de Blaine Reininger, sarcastique Paganini en vadrouille de la banda Tuxedomoon. Ou avec Edwyn Collins. Ou le frère d’Edwyn Collins. Ou ses musiciens… Ou en trio Cosa Nostra, reprenant avec un pianiste borgne à imperméable et un cuivreux asthmatique le répertoire écorché de l’imbibé congénital Piero Ciampi… Ah ! Le beau monde, la belle équipe !

Gréco-américain par le Père, portoricain par la Sainte Vierge, Georgio est beau, doué, chante comme le majordome de Roy Orbison, vit ses fixations romantiques jusqu’à l’aveuglement. Au point de quitter les plages de Floride pour s’échouer, tel l’albatros, au centre névralgique de sa géographie toute personnelle de songwriter maudit : Bruxelles, centre du monde du crooning tragique, par la grâce de ce fichu expatrié, Bruxelles et ses langueurs d’Avant-Garde. D’autres se sont catapultés à Berlin (suivez mon regard) ; pour Georges « La Colombe » ce sera donc Bruxelles. Stratégie par l’absurde ? Appel insensé à retrouver le Vieux Monde des modernités ? Ou allergie chronique au burger géant au beurre de cacahuète ?

L’intéressé reste discret, écrit sur place des nouvelles mettant en scène le parricide Pierre Rivière, fait le journaliste-chroniqueur pour des médias yankee, joue, beaucoup, en duo, trio, quatuor… Et fixe, évidemment, sur acétate le fruit de son inspiration. Un premier opus magistral, sous la forme d’un 25 cms bleu nuit, ‘The Sorrows of Young Georgio’ – rien que ça ! – pose le cadre du concept dovien : torch-songs métaphysiques, falsetto à la Ferry, sérénades qui exhalent le Bayou et les mélodies napolitaines d’avant-guerre, diction option tragique-détaché à tous les étages, lyrics-hommage à Michel Foucault… n’en jetons plus : c’est un chef-d’œuvre.

https://youtu.be/mq_p6AJrRFk

Et comme tous les chefs-d’œuvre, c’est évidemment l’équilibre sur la distance qui fait la magie : pas de gras, la sauce ne noie pas les saveurs essentielles et les harmonies paradoxales permettent de savourer parfaitement tous les ingrédients, ensemble ou séparément. En bref, c’est suprême tout du long et les concerts où notre Errol Flynn, sa Lauren Baccal et le génial farfadet tambourinaire déploient, comme dans un songe, le théâtre habité de leur répertoire.

Un deuxième opus, ambitieux, arrive alors en forme de banquet de sous-préfecture : copieux, varié, conséquent. Double vinyle ‘Mille Plateaux’ propose à la carte du live capté un peu partout en Europe occidentale, un hommage de 17 minutes à Chuck Berry, de sublimes ballades à la Ricky Nelson et la crème du répertoire de Piero Ciampi, le tout emballé avec maestria par le dérangé mais doué Révérend Steven Johnson Leyba.

Depuis, sans logique marketing, sans boussole stratégique, ses deux manifestes dans une antique malle Vuitton, Georgio déballe sa Scala gothique un peu partout sur la surface du globe. Et ça vaut diablement le détour.

http://www.georgiothedovevalentino.com/

1 Comment Laisser un commentaire

  1. superbe article!!!
    Pour le connaître (bien qu’il reste toujours aussi mystérieux), tu as très bien écrit le personnage.
    Et si ses disques sont clairement incroyables, ses lives sont cérémonieux, habités comme le fût Nick Cave dans Les Ailes du Désir. Georgio joue son propre personnage, tout en étant son propre agent, et son jeu est authentique.

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