Fidèles à leur zombitude, les Fuzztones ressortent des caves de New York avec leurs colliers de chicots jaunis et leurs vestons de cuir râpés. Les amplis à tubes qui ont fini de grisailler leurs tempes, ainsi que les fuzzbox encastrées à jamais dans la semelle de leurs santiags, viennent prêcher dans mon salon pour pervertir le bon vieux son rock à papa. Aussi efficace qu’anachronique, j’en profite.

Preaching to the perverted résonne dans mon bulbe comme un irrésistible retour aux sources des 60’s finissantes. Une époque où les States se pervertissaient par tous les trous, faisant gicler leur besoin orgiaque de liberté sur la vieille platine Dual H50N de mes vieux. Alors je joins deux tentacules, plie les autres et je prie, rendant grâce à Rudi Produti, je me fonds dans l’écoute de la précieuse galette, puis me tais. Le rugissement des Phantoms accompagnés de leur orgue satanique, calent mon cerveau sur sa fréquence de résonance. J’en perds le contrôle, un torrent d’endorphine envahit mon sang marin, un léger rictus marque le coin de mon bec qui s’entrouvre et laisse échapper un filet de bave. Ça faisait longtemps que je n’avais vécu un tel moment de bonheur musical. Alors j’en profite, me sers un Jack Daniel’s, rallume une clope et redescends sur terre.

J’aime quasiment tout dans cet album qui montre clairement la maîtrise de Rudi Produti et de sa bande. Les papys ont composé douze titres qui replongent dans une époque bénie où je découvrais moi-même les Doors, le Velvet Underground ou les Rolling Stones. Je zonais dans les 80’s à la recherche de ce que je ne pensais plus pouvoir exister – à part parfois dans les cafés-concerts enfumés, à l’haleine de bière, dans lesquels des petits groupes français reprenaient tant bien que mal un Sunday Morning chaotique ou un Satisfaction branlant. Mais je pardonnais souvent, car il me suffisait d’entendre, après un gros larsen des familles, le cliquetis de la pédale invitant les guitares à balancer leurs riffs enivrés comme dans ce Set Me Straight sauvage et purement jouissif des Fuzztones, pour me mettre la tripaille en fusion et le bulbe au Nirvana. Des bons musiciens, il y en a aussi beaucoup en France, capables des meilleures prestations, des reprises les plus pertinentes et abouties. Mais je ne sais pas qui, hormis les Fuzztones,  oserait ou arriverait encore à crédibiliser avec autant de force – et même de facilité – une suite de compositions comme ce Preaching to the perverted. Un album hors du temps, sincèrement rock, comme on offre un cadeau sans rien demander en retour à part, évidemment, le son des amplis. Le label, Stag-O-Lee, est allemand, et je ne sais pas pourquoi cela ne m’étonne pas quand on les sait capables du pire, et trop peu souvent du meilleur. Personnellement, j’ai pris mon pied, les ventouses en éruption, j’ai décidé de profiter de cette pause musico-temporelle pour me ressourcer, me remémorer les grands moments de ma petite vie de mélomane, et surtout accepter que le temps passe irrémédiablement.

Si je ne devais regretter qu’une seule chose, ce serait de ne pas pouvoir aller entendre ces gars dans une cave, quelque part dans un Paris rempli de zombies chevelus chevauchant des Harley sonores et polluantes. Ce sera sans doute le cas, les Fuzztones ne feront pas de tournée en Europe et moi je resterai dans mon salon encore et toujours accroché aux cordes des Phantoms du passé.

The Fuzztones // Preaching to the perverted // Stag’O’Lee (Differ-ant)
http://www.fuzztones.net/

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