La cassette – décidément – qui nous intéresse aujourd’hui vient faire bouger quelque peu les lignes. Le premier album de Fléau, couché sur bandes par le label Anywave, discute l’évidence cinématographique du genre en trouvant de nouveaux territoires à aborder. Comme le pseudonyme de ce Bordelais (connu dans le metal avant-gardiste pour sa participation au groupe culte Year of no Light) l’indique, il y a quelque chose de plus crasse, plus terrestre dans les territoires qu’il aborde. Derrière les références obligatoires citées plus haut, ses morceaux s’aventurent dans des paysages plus citadins, réalistes, froids. Là où la concurrence est généralement à des milliards d’années-lumière de la terre, lui fait vivre à l’auditeur une aventure plus contemporaine.
Une poupée de porcelaine
Fléau s’affirme pleinement dans une vision de compositeur, son œuvre rompant avec les facilités du krautrock et des mouvements répétés : les morceaux sont d’une richesse infinie, des enchevêtrements mélodiques aux jeux sémantiques des textures, tout est en mouvement constant au profit d’un beauté pure, esthète et presque inédite. Le tracklisting est composé comme un scénario qui irait de situations bassement quotidiennes – il ose Kavinsky – jusqu’au fin fond des limbes de l’héroïsme fantasmé.
S’il est courant de se retrouver à retenir sa respiration pour ne pas briser la solennité d’une scène de bon film, c’est plus rare, quoi qu’on en dise, de se mettre dans cet état pour de la musique. C’est précisément l’effet que produisent ici certains choix de réalisation. L’arrivée d’un synthé brillant et fragile après deux minutes d’installation sur Blanc Profond, ou le lead de porcelaine sur Foi en sont autant de parfaites illustrations.
Sans peur de forcer ses traits et ses jeux de lumière, Fléau est le Français qui, après deux décennies de réappropriation de la musique synthétique, vient peut-être de réaliser le premier véritable film sonore de notre temps.
Fleau // Fleau // Anywave
https://anywave.bandcamp.com/album/fl-au
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