Le bricoleur synthétique n’en est pas à son premier méfait; après deux EP remarqués l’an dernier (« Glitter Gaze », quasi instrumental puis « Mars Balneaire » où il trouve sa forme: la chanson pop qui se disloque en nappes contemplatives), il persiste et signe avec un long format double LP sorti toujours chez Pan European. Le monstre accouché est donc ce « Léviathan », du nom de la longue plage qui cloture l’album sur quinze minutes. La seule chanson sur l’album à reprendre la formule des longues fresques de quinze minutes de l’EP précédent – là bas très réussie, ici un peu pénible.
Dans la forme, on arrive malgré toutes les fioritures et effets de style à un truc très pop, la sauce ne prenant vraiment qu’autour de mélodies efficaces. C’est au final ce qu’on appelle en France la chanson, et Flavien y met les deux pieds. Que ce soit voulu ou non, c’est la première et peut-être la seule chose dont on est sur-on pense presque à Mustang par endroit, en particulier sur le single La Fête Noire, la voix hoquetante façon electrockabilly. C’est évidemment parce qu’il chante en Français qu’on pointe cette lignée, le naïf des paroles presque niais, surjoué avec beaucoup d’autodérision, entre Mustang donc, et Salut c’est cool aussi. Oui, la blague potache d’étudiants des beaux-arts qui tourne au hit, duquel notre intéressé semble proche – il a signé un remix sur leur EP qui vient de sortir, joue souvent avec eux. Contrairement à nos Fatals Picards hipster, Flavien lui sait rester sur la limite, n’a pas peur du ridicule mais ne le surjoue pas. Là où il y a en revanche un goût de trop, ce serait sur un certain maniérisme. L’album est une démonstration, dans la palette des styles abordées, dans le chant un peu surjoué parfois, à la manière de Judah Warsky (promis c’est la dernière comparaison mais on ne peut pas leur nier une certaine ressemblance dans la double aspiration mi ballades touchantes mi moite dansant, et le collègue de label a d’ailleurs apporté sa patte par endroit à l’album).
Globalement la posture est tout de même à saluer, rendant un bordel intéressant, piochant sans vergogne dans plein de manières de produire différentes. Il est attaché aux bruits réels, aux prises de son de terrain (j’ai menti, je vais citer ultimement Jacques qui utilise de la même façon des sons du quotidien, qui vient de sortir un EP et qui est également issu d’un collectif d’artistes, donc j’ai le droit). Comme aiment à le rappeler tous les journalistes (ça devait être écrit dans le communiqué de presse), il puise également dans le 8 bit, mais cela ne se retrouve en fait que sur Bleu sous-marin, que l’on aurait aimé entendre accompagner les plus épiques quêtes sur Gameboy. C’est bien en bricolant des consoles que Berger a commencé ses expérimentations, mais son rapport aux machines ici est tout autre. On peut le voir tâtonner, en particulier avec les boîtes à rythmes kitsch très reconnaissable des vieux orgues électriques, comme s’il avait écrit une nouvelle chanson à chaque fois qu’il avait poussé un nouveau bouton d’un vieil orgue électrique : il tente le mode Bossa sur Vendredi, Slow avec Rue de la victoire … Je vous laisse m’aider à contempler le liste, je n’ai pas mon vieux Bontempi à côté de moi. En tout cas on est amenés dans la petite cuisine de l’album, à côté de Flavien Berger dans sa chambre remplie d’instruments -le rapport au machine est mis en scène; les boites à rythmes sont caricaturales, les effets surjoués, les pédales se font instrument à part entière.
En bout de course, Flavien Berger a réussi à imprimer sa démarche originale sur un long format, souvent génial quand il ne se pastiche pas lui même en voulant tout faire, tout explorer. C’est assez inégal, globalement chouette même si on atteint difficilement la synthèse de l’essai précédent – mais au final surtout assez prometteur pour le futur.
Flavien Berger // Leviathan // Pan European
https://soundcloud.com/flavienberger