À en croire toutes les cloches qui sonnent et les trompettes qui claironnent, il faudrait lire la signature du groupe canadien chez DFA comme on lit un putain de conte de fées. DFA, quoi : ce label dont le seul acte fondateur aura été le cri d'un homme braillant au monde entier qu’il n’avait plus rien à dire. Et le pire, c’est que c'était vrai ! Contrairement au groupe jadis signé chez Teenage Ménopause, lui n’a jamais vraiment essayé.

Allait s’en suivre une décennie de remixes puissants mais totalement balourds, destinés à noyer le monde sous les décibels avec la finesse d’un escadron de B52 et faisant souvent office de soins palliatifs pour des têtes de gondole en fin de vie. Hé, c’est ça DFA : les Chemical Brothers sans les burnes et Nine Inch Nails sans les dents. Et les signatures du label ! La blague. Hé ! Le punk funk mais qui veut encore subir ça ? Non James, il ne suffit pas de plaquer le beat de Cerrone sur deux pauvres accords pompés à Gang of Four pour réinventer l’esprit de la révolution. The Rapture ? N’importe quel single déglingué de PiL les éparpille en morceaux. I am losing my edge ? C’est clair. La seule chose valable qui soit jamais sortie de chez DFA, c’est leur délicieuse réédition de Pylon.

Et le dernier Essaie Pas.
Parce que oui, ‘’Demain Est Une Autre Nuit’’ est merveilleux.

Premier constat, c’est propre. Il y a bien un peu de bruit blanc, mais c’est un bruit joli. On dirait de la pluie. Une voix féminine dévoile sa francophonie comme une effeuilleuse. Second titre. Claps martiaux et douces nappes italo. Troisième titre – pute borgne ! – on manque de pouffer de rire à l’entrée de la voix. Hé, quoi ! Les disques wave, il y a toujours ce petit moment magique où il est difficile de garder son sérieux. Mais il s’accroche, le gonze, répète ce qu’il a à dire et à force de rigueur on se prend à oublier le vieux sketch des Inconnus pour écouter ses mots. Retox. Detox. Emportée. Dès lors, les bruits de la ville se mêlent à ce disque fragile et ils racontent la perte. Les yeux fermés restent fermés et je me fais mon histoire ; ce serait le récit d’un amour simple qui finit sur du manque, une histoire de départ qui laisse la vie toute vide. Carcajou 3, Lights-out. Kick implacable et paroles simples qui portent. Derrière les miroirs, le port du masque est obligatoire.

Demain est une Autre Nuit’ est un disque gracieux.

Alors qu’Essaie Pas ait signé chez DFA, ça me touche un nichon sans faire bouger l’autre. Dans un monde gouverné par Satan, la synthwave deviendra le nouveau punk funk, une blague plus triste encore que le renouveau shoegaze — mais s’il y a un dieu et qu’il a des oreilles, il en résultera pour le groupe et le label un bénéfice mutuel. Essaie Pas y gagne une exposition mainstream qui mettra d’autant plus en lumière son aspect tranchant (cette edge perdue par Murphy il y a quinze ans ?) et le label y gagne un alibi arty qui fera peut-être oublier que la seule bonne raison de déterrer aujourd’hui LCD Soundsystem serait de l’intégrer à une panoplie normcore.

Essai Pas // Demain est une autre nuit // DFA
https://essaiepas.bandcamp.com/album/demain-est-une-autre-nuit

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