Un seul titre de 40 minutes et dont le seul interlude est un changement de face sur le vinyle, voici le programme du nouvel album de Grand Veymont, « Persistance et Changement ». Outre ce titre digne d’un Que sais-je préfacé par John Cage, le groupe aide ici à mieux comprendre pourquoi Ralf Hütter de Kraftwerk aime tant pédaler sur les montagnes françaises. Tout ici est question de sommets.
On a déjà dû vous copier-coller cet adage 46 fois, va pour une 47ième : « la répétition est une forme de changement« . Pas besoin de chercher, c’est de Brian Eno. Et cela colle assez bien à la trajectoire de Grand Veymont, un duo français explorant, labourant même, le même sillon depuis « Route du vertige » en 2018. Deux ans plus tard, si le monde a changé, eux ont fait le pari d’une crête plus ardue qu’on nommera pour aller vite la radicalité. Tout en haut, il y a ce nouvel album dont on rêvait depuis longtemps, et où la notion de tracklisting se dilue dans quelque chose de plus grand : une seule piste, comme un long chemin vers l’extase et tous ces jams en VHS visibles sur Youtube, et où des groupes allemands chevelus laissaient la bobine se dérouler sans notion ni du temps, ni du découpage d’album en petites vignettes consommables sur Spotify.
Grand Veymont, c’est le nom du sommet d’une montagne du Vercors, et ce choix permet aussi de rappeler que les chaines de massif, sans le savoir, recomposent fidèlement les sinusoïdes. Il en est totalement question sur « Persistance et changement », ce one-track album où l’on se laisse dériver lentement comme sur les meilleures expérimentations de Hans-Joachim Roedelius und Dieter Moebius de Cluster. La bio parle de « krautrock de salon », et c’est exactement ça. Cet album est un médicament contre l’anxiété, l’urgence et la frénésie dans laquelle nous nous sommes peu à peu tous perdus, à force d’appuyer sur NEXT dans l’espoir d’un titre meilleur que le précédent.
Dans un français folklorique et ancien, Grand Veymont donne la réponse absolue à toutes ces questions qu’on n’avait jusque là pas pris le temps de se poser sur la musique contemporaine. En mettant le frein dans les virages, le groupe offre l’airbag dont on ne pensait même plus avoir besoin et après ça, bien difficile de revenir à la vie normale; celle consacrée à trouver des disques aussi essentiels, bruts et sans artifices. Arrivé en haut, on pense aussi un peu aux Suisses zinzin de Hyperculte. Et franchement, c’est tout ce qu’on leur souhaite de devenir.
Grand Veymont // Persistance et changement // Objet Disque
https://grandveymont.bandcamp.com/
3 commentaires
Kapital Information, le golden brown est mort
j’ai fait la chtite rando jusqu’en haut du Grand Veymont
7h de marche mais au final une vue magnifique.
Quand à la musique du bel ouvrage.