71 ans, 50 ans de carrière, près de trente albums, des amitiés avec John Lennon, Iggy Pop, Michael Douglas ou Johnny Depp.  À l’occasion d’une nouvelle tournée et de la sortie du EP «Breadcrumbs » en hommage au rock de Detroit on s’est entretenus avec tonton Alice Cooper, le Stephen King du rock’n’roll. 

Patrick Balkany et Alice Cooper sont nés la même année : 1948. S’il semble que pour l’un les affaires aient connu un coup d’arrêt prématuré tout récemment, pour Alice Cooper, elles restent florissantes : après près de cinquante années de carrière, Tonton Alice monte encore sur scène à  71 ans avec un futal en cuir et du faux sang.

Que l’on aime ou non sa musique, Cooper est comme le groupe Kiss : un véritable concentré de pop culture : il a joué dans Vendredi 13, Wayne’s World, a montré son maquillage evil aux enfants dans le Muppet Show, on l’a vu chez les Simpsons ou encore dans des comics book. Il a traîné avec John Lennon, Lemmy, Guns N’ Roses, Elvis, était l’ami intime de Jim Morrison, Groucho Marx ou Salvador Dali. Musicalement, il a – presque – tout essayé : des débuts freak sous la houlette de Frank Zappa, la création du shock rock, des guillotines sur scène, un virage indus’ cyberpunk à la NIN dans les 90’s, le disco, l’opéra rock, le glam, le rock prétentieux, le rock alcoolo ou lover, le punk rock et surtout le hair metal stupide FM des années 80 (grandiose « Trash » en 1989). Sans oublier ma période préférée : sa courte tentation new wave période Clones où il ressemblait à une version d’Adam & The Ants tout droit sorti d’un caniveau. Forcément, c’est assez touchant et cela force le respect. Aujourd’hui, cet artiste – qui a eu le coup de génie de mélanger le rock’n’roll avec les Contes de la Crypte – continue de sortir des disques, de tourner… et de jouer au golf (il a même écrit un bouquin sur le sujet : Golf Monster : 12 étapes pour devenir addict au golf). Une vie pop romanesque (et peut-être prochainement un film ?), un véritable rise & fall américain avec ses hauts et ses bas (« Budweiser a failli fermer boutique le jour où j’ai arrêté de boire »). Et puis, merde, ce mec a rencontré Elvis…

Hello, Alice ! Cela fait 50 ans que tout le monde vous appelle par un prénom féminin : c’est perturbant ? 

Ah ! Ah ! Non pas du tout ! En fait j’aime beaucoup et je n’y fais plus du tout attention : je m’y suis habitué. Les deux seules personnes qui m’appellent encore Vincent, ou Vince, ce sont ma mère et Keith Richards.

Est-ce possible, malgré toutes ces années, d’arriver encore à dissocier le personnage public d’Alice Cooper de Vincent Furnier ? 

Ça l’a été, quand je buvais et je prenais de la drogue, il y a seize ans. Je ne savais plus du tout où se situait le juste milieu. Quand je me levais le matin, je ne savais plus si je devais être Alice, le personnage, ou si je devais être juste moi-même. Maintenant, je regarde le personnage d’Alice comme s’il était un personnage de théâtre : un peu sanguinaire et shakespearien ou bien une sorte de Capitaine Crochet du rock’n’roll. Donc quand je monte sur scène, je deviens ce personnage pendant environ deux heures. Mais quand le show est fini et que la lumière est éteinte, je sais que je n’ai plus à être ce personnage une fois le public parti.

Tu sembles avoir une relation particulière avec la France. Ton dernier album live a été enregistré à l’Olympia de Paris, par exemple. 

Le truc c’est que ma femme pratique et enseigne la danse classique et elle parle couramment français. Moi, pas du tout et c’est vraiment la honte parce que je devrais être plus français : après tout, les origines de ma famille, Furnier, sont huguenotes, ce sont des français protestants qui ont émigré en Amérique au XVIe siècle, plus précisément à la Nouvelle-Orléans. C’est de là que vient ma famille.

« Les groupes actuels sont très mauvais ». 

Sur ton nouvel EP « Breadcrumbs », tu sembles rendre hommage à la scène de Detroit du début des années 70. On l’oublie presque à cause de Motown, mais Detroit était une grande ville rock avec les MC5 ou les Stooges. 

Oui. Tous ceux qui connaissent un peu Detroit savent que c’était la capitale du hard rock. Tout le monde a joué ou est passé par là-bas : les Kinks, les Rolling Stones, Aerosmith ou Bowie. C’est une ville très industrielle et j’ai eu l’idée pour cet EP de me replonger dans cet esprit des débuts et de tirer mon chapeau à tout cela. Il y avait tellement de bons groupes à cette époque à Detroit. Je veux dire, il existe actuellement de vrais putain de groupes de rock’n’roll. Mais on me présente – ou bien on me fait écouter – tout plein de nouveautés en me disant : “Voilà le futur du hard rock !” Mais ce n’est pas du rock’n’roll, et ce n’est pas juste d’appeler ça du hard rock. Est-ce qu’ils ont le même charisme que Bowie ou The Who ? Je ne pense pas. Les groupes actuels sont très mauvais.

Il y avait à cette époque des groupes très durs. Tu as connu à tes débuts le MC5 à l’époque de John Sinclair et tout ce cirque , « Kick out The James Motherfucker », le White Panther avec des armes sur scène? 

À une époque, nombre de groupes sont devenus politiques et les MC5 en font partie. Avec Alice Cooper il n’a jamais été question de politique. Je prends soin de dissocier les deux, car pour moi être engagé politiquement et l’allier au rock’n’roll est une chose réellement ennuyeuse. Mon idée est d’éduquer les personnes à la politique. En dehors d’Alice Cooper, tu peux me voir donner de mon temps pour des associations ou des galas de charité, mais je n’ai jamais mêlé la musique à tout cela.

C’est quelque chose qui t’ennuie que l’on te rappelle tout le temps ton âge et le fait que cela fait cinquante ans que tu fais ce métier ?

Non, j’en suis très fier, au contraire ! Je vais te dire, j’ai 71 ans et je bouge mieux sur scène qu’à 30 ans. Quand j’avais 30 ans, j’étais une véritable épave. Maintenant, à mon âge je joue dans deux groupes : Alice Cooper et les Hollywood Vampires avec mes amis Joe Perry d’Aerosmith et Johnny Depp. Avec mon groupe, je suis en pleine tournée actuellement et avec Hollywood Vampires nous allons débuter une tournée de douze mois aussi. Nous allons réaliser le nouvel album des Vampires et de mon côté il y a un nouvel Alice Cooper dans les tuyaux. Ce qui fait qu’à 71 ans je suis occupé comme jamais je ne l’ai été de ma vie entière !

Tu semble prendre beaucoup de plaisir avec Hollywood Vampires et Johnny Depp. Tu les vois souvent ? 

Disons que quand je vois autour de moi, les artistes se sont toujours entourés de grands musiciens. C’est le cas pour Steven Tyler d’Aerosmith ou Ozzy Osbourne : des chouettes guitaristes, de super batteurs. Je fais la même chose. Nita Strauss, qui est la guitariste de mon groupe actuel [note qui n’a rien à voir : c’est une descendante du compositeur Johann Strauss. Voilà, je suis sûr que cette anecdote fera votre journée, NdlR] est une des meilleures. Avant ça, j’ai joué avec Steve Vai, Satriani ou Slash. C’est pareil pour mon batteur. J’ai deux numéros un dans mon groupe. Aujourd’hui, on se préoccupe plus de la musique que de l’aspect théâtral et c’est pour cela que je suis toujours entouré des meilleurs musiciens du moment. C’est mon job de donner aux gens ce qu’il y a de meilleur et de faire en sorte que chaque spectacle soit le meilleur. Pareil pour Hollywood Vampires.

https://www.youtube.com/watch?v=lV08xIiWNf0

Alice, comment vois-tu le mouvement du rock’n’roll après toutes ces années ? Ça a commencé comme une contre-culture rebelle et c’est devenu aujourd’hui de l’entertainment sur Instagram.

Tu sais ce que je vois avec les artistes aujourd’hui ? C’est qu’ils se focalisent sur leurs prestations et leur image. Comme Beyoncé ou Justin Timberlake, par exemple. Ils font de très, très gros spectacles, très énergiques, très visuels. Ce que je déplore, c’est que le rock’n’roll n’a plus ça à proposer. C’est un genre musical qui navigue sous les radars. Même s’il existe des bons groupes du calibre des Strokes, Foo Fighters, Aerosmith, Alice Cooper ou Guns N’ Roses – des groupes qui font le show –, il manque terriblement de groupes super énergiques et charismatiques. Des groupes qui devraient réagir à ce qui se passe aujourd’hui dans le rock’n’roll.

« Avec le golf, je suis enfin addict à quelque chose qui ne me tue pas ».

Quand tu es en tournée autour du monde, trouves-tu le temps de jouer au golf ? 

Oui, j’y joue tous le temps, je n’arrête pas, même en tournée. Là, j’ai tapé quelques balles ce matin à Bordeaux, par exemple. Demain on a un concert à Madrid, alors je vais réserver un parcours de golf pour la matinée à Madrid. Parfois, je n’ai pas le temps de réaliser un parcours entier. Par exemple, demain en Espagne, j’espère bien pouvoir me faire un putain de neuf trous en entier : j’y serai aux environs de 7h30 pour quitter le golf à environ 9h. Ensuite on ira faire du shopping avec ma femme, déjeuner, puis on sera prêt pour le show du soir.

Désolé Alice, mais je n’ai pas trop l’habitude de pratiquer le golf : c’est si bien que ça, ce truc ? 

Pour moi le golf a été une roue de secours, c’est ma grande passion. Pendant  longtemps, j’ai été addict à l’alcool et maintenant avec ce sport je suis addict à quelque chose qui ne me tue pas. Parce que tous les trucs que j’ai essayés par le passé étaient faits pour me tuer. Maintenant, c’est plus sain : j’ai trouvé une addiction qui m’aide au quotidien, qui me fait du bien et me procure du plaisir.

Tu as côtoyé beaucoup d’artistes comme John Lennon Lemmy, Bowie, Guns N’ Roses, le Mötley Crue… Et toi tu es toujours là. Quelle est ta recette magique ?  

Tu sais c’est dingue le nombre de groupes qui se sont retirés. Et je pense que c’est parce que la plupart ne pourraient plus assurer aujourd’hui. La plupart ont fumé des cigarettes toute leur vie, par exemple. Et ça fout complètement en l’air ta gorge et ta voix. Beaucoup de groupes ou d’artistes de mon âge réalisent deux shows par semaine. Moi, j’en fait quatre ou cinq par semaine. Depuis que j’ai arrêté l’alcool je ne suis plus du tout stressé ou anxieux. C’est la grande différence entre l’époque glorieuse du rock’n’roll et de l’industrie avec maintenant : tu dois faire des tournées. Pour ma part, je ne suis pas obligé mais j’adore cela.

« Tout d’un coup, je me retrouve dans cette pièce, seul avec Elvis Presley et je tiens un .38 dans la main. »

Alice, il paraît que tu as rencontré Elvis Presley, une fois…

Yeah ! Un des trucs avec Elvis, c’est qu’il avait un super sens de l’humour. On était vers 1971, et après un concert il m’a fait venir dans sa suite de l’Hôtel Hilton. J’arrive dans une pièce remplie de flingues, il y en avait partout ! Ce n’était pas le fat-Elvis, il était superbe en 71. Il m’accueille en disant : « Hey mec, t’es le gamin avec le serpent, c’est ça ? » À cette époque je me produisais avec un serpent autour du cou sur scène. Bref, il me dit : « Ah, c’est cool mec, ton maquillage et tout ça. Viens, il faut que je te montre quelque chose ». Il me fait venir dans la cuisine où il cherche partout dans les placards, puis ouvre un tiroir d’où il sort un 38 Smith & Wesson chargé. Et il me met ce flingue dans la main en disant : « Tiens, prends ça. Et maintenant, dis-moi comment tu t’y prends pour désarmer quelqu’un ?” ». Tout d’un coup, je me retrouve dans cette pièce, seul avec Elvis Presley et je tiens un .38 dans la main. Et l’espace d’un instant j’entends une petite voix qui me dit « bute-le ». Ah ! Ah ! Et l’instant d’après, sans rien comprendre, Elvis me fout par terre et je me retrouve au sol avec sa botte sur ma gorge sans pouvoir bouger. Ah ! Il était branché à fond arts martiaux et tous ces trucs à l’époque, tu vois.

Après le succès du film au sujet de Queen, Bohemian Rhapsody, ou encore les biopics sur Elton John, Motley Crue ou Mayhem : ta vie ferait un super film. 

Je suis d’accord, ça serait super. Déjà il faut savoir qu’à nos débuts nous étions un groupe vraiment pas aimé. Mais on faisait du rock’n’roll pas uniquement par choix : nous n’avions pas d’autres options. C’était ça ou finir comme des poivrots à traîner sur le trottoir. Et nous avons toujours refusé l’idée que nous ne pouvions pas arriver à nous faire une place. Je pense que pour l’histoire d’un film à mon sujet, c’est cela qu’il faut avoir en tête. Le fait qu’à aucun moment nous n’avons baissé les bras et que nous nous sommes battus. Et finalement les opportunités sont arrivées par la suite. Bien sûr, il y a les épisodes avec la drogue et pas mal d’alcool, mais la chose importante c’est d’avoir traversé tout cela et que je suis encore là aujourd’hui, prêt à donner le meilleur concert.

Alice Cooper // EP « Breadcrumbs » // Et toujours des concerts…
https://alicecooper.com/

13 commentaires

Répondre à smell & Kiff Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages