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19 mai 2016

‘COSMIC AMERICAN MUSIC’, L’HOMMAGE AUX COWBOYS OUBLIÉS

Il faut bien l’avouer, il n’y a pas de quoi faire le malin. La musique country reste un territoire lointain que l’instinct citadin a tendance à reléguer au rang de musique pour cowboys. Certaines personnes, souvent vieilles, ont essayé de jouer les passeurs en citant quelques noms d’outlaws en vrac, desquels on ne retiendra finalement que deux chansons d’Hank Williams et Johnny Cash que l’on nous avait déjà conseillé pour la section rock. En un mot, on connait bien mal ce style : trop américain, trop blanc, trop peu superficiel.

Pas sûr que la musique de “Wayfaring Strangers“ change drastiquement cet état de fait. Elle peut par contre semer le doute dans l’esprit souvent étriqué des gens élevés dans le fantasme des années 1960, qui se servent d’anthologies de rock garage pour bible. Il existerait donc une voie médiane, une sorte de rock indépendant lorgnant du côté des bouseux, mais débarrassé de tout superflu, sec à l’os et exalté. Ces 19 titres sauvés de l’oubli baignent dans une ambiance envoutante. Si les mythiques compilations Nuggets I et II servaient de faille spatio-temporelle vers la scène pop originelle, celle de Numero Records vaporise une sorte de Sud des États-Unis de la fin des sixties.

On reste dans le fantasme, mais un fantasme moins pesant. Les parfaits inconnus qui jouent ici pour une fois les premiers rôles devaient sans doute sentir le poids de la vie de manière plus oppressante que, disons, les Eagles. Et pourtant, il se dégage de leurs chansons le sentiment d’une incroyable légèreté.

Les notes de pochette citent Gram Parsons, celui par qui la bonne parole serait arrivée. L’homme du crépuscule des Byrds, des Flying Burritos Brothers et de deux albums devenus mythiques, a eu jusqu’ici le statut d’homme providentiel du country rock, le chaînon manquant entre les Rolling Stones et Hank Williams. Mais comme souvent avec les légendes des dictionnaires, les premières écoutes peuvent laisser un goût d’impénétrable. Beaucoup écouteront poliment les vieux CD rayés des médiathèques – histoire de mourir moins bête – tout en se disant que ces zigues sont tout de même moins amusants que les Sonics.

Là réside tout l’intérêt de cette petite anthologie, indie avant l’heure : pas de personnages mythiques ou de grandes réputations à supporter ici. L’absence de moyens et de dope de riche préserve la production de violons champêtres idiots, de duels de solos moustachus et plus généralement de l’attaque du temps. Écoutées d’une traite, ces chansons anonymes surprennent par leur immédiateté, leurs mélodies, l’élégance des arrangements, la fluidité de ces arpèges de guitares ultra claires loin des clichés blues et leur obsession pour un son de lap-steel céleste. Tout est ici léger comme le fantôme de Gene Clark – premier chanteur des Byrds, encore eux, et grand compositeur oublié des sixties – qui rôde absolument partout sur ce “Cosmic American Music“.

On navigue dans un monde de seconds couteaux, personne ici n’ayant la personnalité d’un Neil Young ou d’un Town Van Zandt. Mais le petit miracle réalisé par les gens de Numero est de ne jamais donner l’impression d’écouter une musique d’initié. On reconnait donc le panache ponctuel des groupes ne connaissant pas le poids de la notoriété, à l’instar des héros des immanquables Nuggets, au travers de quelques chansons merveilleuses comme I Knew Her Well de Sandy Harless, Mountain Roads de Allan Wachs qui sonne comme du Coral, To See Her Smile de Arrogance (…) ou la terrifiante et gothique The Spirit Of The Golden Juice de F.J. McMahon. Si tout n’est pas irréprochable – ça bêle passablement et l’emploi constant de la lap-steel écœure parfois – l’impression générale est parfaite. Osons : c’est si bien fait qu’on risque à la longue de préférer cette compilation aux Nuggets américains originaux.

Compilation Wayfaring Strangers : Cosmic American Music // Numero
http://www.numerogroup.com/products/wayfaring-strangers-cosmic-american-music

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