Avant d’en arriver à la conclusion que c’est le Colonel Moutarde qui a tué la musique de film avec le chandelier, revenons sur la scène du crime. Avant de devenir ce déversoir à tubes recyclés – ça coute moins cher – qui hantent aujourd’hui les bacs, les Bandes Originales de Film ont marqué l’âge d’or de la pop music ; une époque où des pros de la musique à l’image composaient à la chaine des mélodies originales pour des longs-métrages ou des séries télé ; chacun y allant de son petit sifflotage pendant le générique au point de souvent acheter le vinyle dérivé pour revivre à l’envi telle scène en tapant du pied. A cette heure de grande écoute, au sens littéral, des compositeurs comme Jerry Goldsmith (Star Trek, Alien), Bernard Herrmann (Psychose, Taxi Driver), Ennio Morricone (les westerns de Sergio Leone bien sûr, mais aussi des B.O.F. rock comme Citta Violenta) ou John Williams (Star Wars, Les dents de la mer, etc) réussirent à faire carrière sans jamais avoir à montré leurs bobines (sic) à l’écran ; leur partitions parlaient pour eux et le terme original soundtrack fit son apparition ainsi. La sortie rocambolesque de la B.O. de 2001, l’odyssée de l’espace de Kubrick allait être un coup de pied dans la fourmilière; non seulement le réalisateur barbu parviendrait à épuiser le compositeur attitré – Alex North, qui finira ses 40 minutes de musique originale sur une civière, épuisé – mais il refuserait au final d’utiliser ladite musique, lui préférant des titres non originaux, le plus célèbre d’entre eux étant encore Ainsi parlait Zarathoustra de Richard ‘’simple et funky’’ Strauss. Premier pied dans la porte. Bientôt les réalisateurs, pas plus que les télés, ne s’embarrasseraient plus à enchainer les pointures pour produire de la musique inédite pour accompagner leurs images.Trop cher, trop fastidieux. Et puis qui voit la différence entre une Rolex et une réplique achetée à Barbès ? Certainement pas le spectateur ; celui que ça ne dérange pas de voir apparaître Burt Bacharach – ce pro de la roucoulade filmesque des 60’s – dans Austin Powers, ni tous les autres. Ouais enfin, ça c’est ce qu’on croit.
Tout cela pour en venir à la compilation Inner City Beat, petite mine d’or de Library Music compilant en 24 morceaux de petits bijoux jazz-funk ayant servis pour les génériques de films ou séries policières des années 60, majoritairement. Derrick fringué en chemise hawaïenne sur le Gotta Getaway de Dave Richmond (fondateur de Manfred Mann), course-poursuite imaginaire entre un marimba et des ripoux chicanos sur le Fuel Injection de Ernest Copley, section de cuivres déguisés en vengeurs masqués sur Men of Action de David Lindup (bien connu des services pour son boulot chez KPM, pro de la Library), tous les morceaux oscillent entre la musique d’ascenseur idéale pour trinquer entre salariés du tertiaire et la nostalgie des Trente Glorieuses ; quand les voyous en costards trois-pièces n’avaient pas besoin de passer à Faites Entrer l’Accusé pour faire transpirer la ménagère. Bon, vous allez me dire qu’entre Jacques Mesrine et Eric Serra, il y a un monde, certes. Mais Inner City Beat ! fait remonter à la surface un pan d’histoire, ce temps où les musiciens de téléfilm savaient saupoudrer la pop d’arrangements venus du classique en faisant swinguer la triple-croche. Quarante ans plus tard, que reste-t-il de ce monde en carton pâte ? Pas grand chose. Les détectives ne sont plus à la mode depuis que les maris jaloux ont troqué la bonne vieille filature contre une puce de GSM trafiquée, les compositeurs de musiques originales de film se comptent désormais sur les doigts d’une main (Danny Elfman Thomas Newman, qui d’autre ?) et la majorité même des titres de cette compilation n’avaient jusque là jamais été publiées. Tout fout le camp, même les voleurs. C’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît.
Inner City Beat ! // Compile « Detective Themes, Spy Music and Imaginary Thriller » // Soul Jazz Records
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Cool ma poule !