(C) Gérard Love

Nom de Zeus, Marty ! Le retour de Charly et Lulu, Larusso et Séverine Ferrer sur Born Bad Record ? Les rockers à rouflaquettes vont tirer la gueule : le label sort une compilation singulière, « Dynam’Hit », où se mêlent variété proto-house, mauvais rap et, bien sûr, eurodance époque Bérégovoy. 

Au début, je voulais commencer cette chronique en parlant d’une anecdote au sujet de la chanteuse eurodance Indra, puis enchaîner sur le même mode kikoolol Charly et Lulu, Le Miel et les Abeilles, les années 90, c’est rigolo, etc. Mais en prenant du recul, la démarche qui accompagne la sortie de cette compilation, « Dynam’Hit », n’est pas anodine et pose plusieurs questions à ceux s’intéressant à la musique pop, et ses ramifications sans fin.

Déjà, chose importante et rare avec ce disque : cela nous interpelle, cela parvient à nous déstabiliser, cela nous aide à nous poser des questions. Et l’on en revient à la notion de goût, bon ou mauvais.
Après les éternelles années 80, c’est logiquement vers le curseur réglé sur les années 90 que la DeLorean nous achemine. Une destination singulière, mais encore presque vierge pour nous : les voyageurs du temps assoiffés de découvertes incessantes envers notre patrimoine de la culture pop.

Sa place est dans un musée !

« Dynam’Hit » compile des morceaux obscurs – sélectionnés par deux disc-jockeys, Benjamin Leclerc et Nils Maisonneuve – faisant la jonction entre les vestiges d’une certaine variété 80 franchouillarde et les sonorités house music alors naissante. Les deux captent alors ce moment no man’s land, entre 1989 et 1995, où l’esthétique de la musique change. Comme le disco ou la new wave avant eux, la house, l’eurodance et plus tard le trip hop ont fait l’effet d’une salutaire injection de botox à la pop music. C’est cette piqûre contre la ringardise, cet appel à la nouveauté et ses rêves de gloire en haut du top 50 qu’ont tenté de trouver nos champions du jour présents ici.

La démarche à l’origine de cet objet, c’est quoi ? Le mieux serait de demander aux coupables. Allo, Benjamin ? « On est tous les deux DJ et cela faisait un moment qu’on accumulait chacun de notre côté des titres dans cette veine. À force de s’en échanger et d’en discuter, l’idée est venue assez naturellement. C’est la suite logique à la fois de la pop quatreuv’ qu’on en peut plus d’explorer depuis quelques années. On a vraiment écumé tout ce qu’on a pu trouver d’europop confinant à la house de cette époque, et comme tu peux l’imaginer il y avait vraiment à boire et à manger. À la fin on s’est retrouvé avec des préférences assez claires, des priorités ». 

Si l’on appuie sur lecture, cela commence fort avec la mystérieuse Marie Touchet et son Collège Infernal qui nous projette tout au fond de la classe Seconde B, près du radiateur. Un morceau lambda signé par une anonyme de variété fin 80 au mood teeny-grenadine mais qui, ici, est exhumé dans sa face B : un remix House Paradis Version proto-house magnifié par des effets flûte de Pan trancey joués au synthé avec un doigt. Des paroles frenchy pour un morceau produit par un des piliers de l’Italo disco, Leonardo Rosi. Cela serait mentir d’affirmer que l’on ne trouve que des Français sur « Dynam’Hit », car il y a aussi nos amis de la Belgique, avec un membre de Telex en solo, Michel Moers, et son excellent morceau La Route.

Puis vient le tour d’Anna Zamberlan, à l’origine une actrice habituée au troisième rôle au cinéma, dont le morceau Attention Danger – qui, en terme d’avertissement, porte bien son nom, putain – ne laissera pas indifférent avec son très mauvais rap – « Si t’as les nerfs en boule/Reste cool et danses ».
Certains pourraient qualifier ce morceau d’épouvantable, nan ? « Épouvantable toi-même ! me répond du tac au tac Benjamin. Ta question suggère que les morceaux épouvantables sont la version pop, dévoyée d’une musique plus légitime. On n’a pas eu ce genre de jugements, mais effectivement il nous a semblé intéressant de faire cohabiter des couleurs très différentes. Ça donne un aperçu des possibles, quand la variété s’est autorisée des choses pour coller, naïvement ou pas, au nouveau son à la mode ». Oui, ce que nous rappelle cette compilation, c’est le côté fun, pop et sans prise de tête de cette époque. Plus loin, la chanteuse Thalie et son morceau C’est Pas Sorcier est sensiblement plus proche musicalement d’Ophélie Winter que de Robert Wyatt. Et alors ? Tu vas faire quoi ? C’est du trip-hop cheapos, genre Paula Abdul, mi-new jack swing, mi-new wave. Mais ce morceau, avec ses chuchotements et ses harmonies chelous contient une vibe gothique étrange et bienvenue.

Au milieu de ces morceaux clairement variété et vaguement teintés de house, apparaissent dès artistes plus étonnants. Comme Fred de Fred. Ce dernier, dont le travail est resté sous les radars, semble avoir tout compris. « Oui, ce mec avait déménagé à Sheffield quelques années plus tôt, et il traînait dans le shop FON (pour Fuck Off Nazis) qui allaient devenir le label Warp ».

Fred de Fred est l’un des rares exemples de Français ayant tenté dans son coin de réaliser des disques frenchy avec un esprit anglais influencé par la révolution du second Summer of Love. Un peu plus loin, un autre exemple surprenant : Techno 90 : « Ça vient de Dunkerque, ce qui explique la proximité stylistique avec la new beat. La même équipe va enregistrer sous d’autres noms, parmi les rares exemples de new beat à la française ». À l’arrière de la pochette originale de ce disque, on trouve une publicité pour le restaurant Le Calice, situé à Calais : « Terrasse sur jardin, restauration rapide, grand choix de bières bouteilles et pression »

Tout l’enjeu ici, encore une fois, est de remettre ces morceaux en perspective.Nils Maisonneuve : « Oui, c’est justement ce qu’on essaye de faire dans la compil et en particulier avec les liner notes, qui aident vraiment à saisir le contexte. Et je ne trouve pas ça frivole et superficiel de ressortir des vieux trucs. Avant nous, personne ne se souvenait que ça avait existé, à part Jordy et Vincent Lagaf. Cela donne une vision plus claire du passé ». 

Il est beau le lavabo

On ne peut pas faire l’impasse sur la notion de kitsch : il faut dire que ces questionnements sur la notion de plaisir coupable et de réflexions nourris à l’intellectualisme snob branché sur La Distinction de Pierre Bourdieu, sont immanquablement télescopés et ébranlés grâce à un morceau au milieu de cette compilation :  le remix Ibiza tribal-dance de Top Model signé par l’impayable Jean-François Maurice. Oui, ce chanteur 80’s too much, sorte de Guy Marchand new wave – superbe titre Monaco – est ici attrapé en flagrant délit de jeunisme en se faisant remixé house, en toute décontraction. Ce morceau, en plus d’être étonnant, semble dessiner une autre cartographie de la musique en France : celle de ces petits artisans de studio qui réalisaient sur commande des remix house dans l’air du temps pour les studios de variété. Un exemple ? La Zoubida de Vincent Lagaf – rassurez-vous, ce titre n’est pas présent sur la compilation – un tube interstellaire en France à sa sortie en 1991. Ce morceau est réalisé à l’époque par un futur pilier du son french touch, Dimitri From Paris.

Il n’était pas nombreux, les Français en studio à maîtriser ce savoir-faire, sans pour cela être dans l’obligation de s’adresser à des Anglais ou des Américains. Dimitri From Paris était un des pionniers dans le genre et il confectionnait des remix et mégamix pour la radio NRJ. Et c’est aussi le cas pour d’autres titres eurodance de supermarché, comme Dur, dur d’être Bébé de Jordy qui est lui aussi calqué sur une ligne house. Est-ce que ces morceaux étaient de simples commandes de mercenaires de studio sans foi ni loi ou bien faut-il y voir, avec le recul, un geste d’agent provocateur infiltré tentant de faire découvrir les sonorités house originelles à la France entière ?

Plus tard, c’est aussi Zazie infusera auprès du public de Michel Drucker une certaine idée du trip-hop made in Boulogne-Billancourt en se rêvant en artiste hybride, mélangeant la variété de Maurane avec le « Blue Lines » de Massive Attack. 

La compilation « Dynam’Hit » se veut aussi un miroir de l’hypocrisie française du début des années 90 : la musique techno y était encore largement incomprise et ses rassemblements étaient alors diabolisés dans les médias comme des endroits où se mêlent drogues et fascistes en bombers. Et en même temps, pure dichotomie, les tubes du top 50 de supermarché de cette époque – comme Bo le lavabo de Lagaf basé sur le French Kiss de Lil Louis – copient ces mêmes morceaux diabolisés. Ce sont ces questions qui reviennent en écoutant cette compilation. Les artistes qui y sont présents sont peut-être maladroits ou manque d’une certaine ambition. Mais ils ont essuyé les plâtres et, à peine une poignée d’années plus tard, ce sont les poids lourds de la variétoches qui vont appliquer à leurs tours cette formule magique en s’injectant de la house ou du trip hop. Comme Carole Laure, en 1996, qui sort l’artillerie lourde sur son album « Sentiments Naturels » en se faisant produire par Dj Cam, Mirwais, Dimitri From Paris, Todd Terry ou Étienne de Crecy. Plus tard, c’est aussi Zazie infusera auprès du public de Michel Drucker une certaine idée du trip-hop made in Boulogne-Billancourt en se rêvant en artiste hybride, mélangeant la variété de Maurane avec le « Blue Lines » de Massive Attack.

Certains de nos fidèles lecteurs fans de Pink Floyd pourraient hausser les épaules en affichant une posture d’indifférence devant cette compilation « Dynam’Hit », y voyant là une nouvelle lubie de ces fameux « Parisiens-bobos ». Ou pire, un objet kitsch. Ils n’auraient pas tout à fait tort. Au fond comme le souligne Didier Francfort dans son essai Pour Une Histoire Culturelle du Snobisme Musical : « L’amateur de kitsch ne remet pas en cause l’échelle des valeurs esthétiques et de la légitimation sociale des arts, il avoue une forme d’audace en affirmant son goût pour un objet singulier perçu comme contraire aux normes esthétiques. Assumer une part de mauvais gout, être à contre-courant revient à une forme différente de snobisme ». 

D’autres ricaneurs de service pourraient demander quelle est l’étape suivante ? Une réhabilitation de Soirée Disco de Boris ? Rassurez-vous, Nils Maisonneuve – le coauteur de « Dynam’Hit » – nous remet sur de bons rails : « écouter des vieux morceaux est intéressant pour envisager les chemins esthétiques possibles que la musique aurait pu prendre. Quand la musique est en train de s’élaborer, elle tente constamment des choses, qui sont retenues ou pas, qui marquent leur époque ou pas. Ce moment “europop” en France a été un moment d’invention, un présentisme musical. La rétromania, ce serait essayer de refaire cette musique aujourd’hui. Ce n’est pas ce qu’on fait, on veut juste savoir d’où viennent les choses, ça permet de casser notre vision un peu fossilisée du passé ».

En parlant de fossile, nos amis lecteur-boomers d’amour auraient tort de passer à côté d’un pan de l’histoire de cette scène méconnue et la réflexion qui l’accompagne. À propos de ce travail de curation de qualité, j’aimerais citer Brian Eno en 1995 pour le magazine Wired : « Dans une ère marquée par la saturation de nouveaux artefacts et de flux d’information, c’est peut-être le curateur, le faiseur de connexion qui fera office de nouveau conteur ». Brian Eno, la chanteuse Indra : la boucle snobinarde est bouclée, nan ?

Compilation Dynam’Hit – Europop Version Française – 1990/1995 » // Sortie le 5 février 2021 chez Born Bad

https://shop.bornbadrecords.net/album/dynamhit-europop-version-fran-aise-1990-1995

15 commentaires

  1. « salvateur »
    « plaisir coupable »
    « kitch »
    C’en est trop pour moi, ça pique les yeux les vieux vocables tout rouillés des inrocks.

  2. La ligne éditoriale du label Born Bad est bluffante, même pour penser sur du court terme. Sortir cette compilation est une énigme du passé, et pendant ce temps là, pour le futur, il est mort : SOPHIE est morte, et Gonzaï s’en branle pour faire un hommage ? AMEN.

  3. whaoius! les 2 zigues en pantalons trop courts façon eddy de vous 2 c du crack qu’il faut que vous preniez & pas du sirop d’etable!

  4. j’en connait 1 qui va être bien embarassé de te la vendre, de t la conseiller et de la passer en fond dans le bad chOppe…

    1. Effectivement Mr Cash
      j’ai comme senti une gêne malaisante quand j’ai feint un gros « tiens c’est quoi ça? » dans le temple des Sabins ?

  5. Cretins of the year!!!!! listen more by TYPICAL GIRLS EP on HAPPYPLACE RECORDS,

    sales FOUTRES BAGS!!!

    cette con pillée sera vendu chez aldi & aux usas asses. çà frole la bank croute

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