Sur les premières secondes de l'enregistrement de l'interview du groupe Coming Soon, il y a un bâillement. Le mien. Ca s'entend très clairement sur la bande. Du vide fantasmé aux Ste

Sur les premières secondes de l’enregistrement de l’interview du groupe Coming Soon, il y a un bâillement. Le mien. Ca s’entend très clairement sur la bande. Du vide fantasmé aux Stetson d’Annecy, faut dire qu’il flotte comme un dur parfum de bureau-tabac fermé entre midi et deux dans l’entre-jambe de 90% des cow-boys français qui rêvèrent un jour de se réveiller perdus dans le grand canyon.

Erreur d’appréciation, sur Coming Soon. Le véritable malaise, lorsqu’on propulse un disque avec des guitares glam très Transformer (Walking, premier titre) et qu’on vient du centre de la France, ce sont les étiquettes. Faites à la main, cela va de soi, par maman, à la lumière des bougies. Superbe album qui n’a plus d’autre objectif que de faire plaisir à ses auteurs, Ghost Train Tragedy pourrait presque s’ausculter comme le basané d’à coté, étranger parce qu’il est différent, moins bon parce qu’il est français. « Ne pas revenir à Annecy pour faire des enfants consanguins ». L’entretien avec le groupe dirigé par Howard Hughes se conclue ainsi, avec le refus de rester cloisonné comme un groupe d’adolescents coincé dans son placard avec un ukulélé coincé dans le cul.Avant cela, il y aura eu plusieurs éclats de rire, quelques vérités, beaucoup d’innocence et une poignée de main.

Ils sont là tous les quatre, face à mes questions improvisées, pas l’air plus perturbés qu’attentifs. C’est finalement le prénommé Ben Lupus qui répond à la fameuse question sur la folk chez Coming Soon : « Il y a plusieurs chansons dans la veine de Walking, très Glam. Mais tu sais, on ne s’est jamais considéré comme folk finalement, et en plus, on boit de la bière. On est passé pour folk aussi, parce que c’était plus facile de ne pas être catalogué dans la scène rock parisienne. Il y a certains groupes que j’aime, mais je ne citerai pas de noms. (…). Sur scène, on a besoin d’un combat, d’une énergie ».

« Ne pas sonner comme Peter Pan »

Le teint un peu bronzé, la trentaine qui s’annonce et les idées un peu claires, Howard Hughes est le leader du groupe. Est-ce lui qui poussa le groupe sur des clins d’œil à Lou Reed et aux Violent Femmes (Love in the afternoon) ? « On a quand même écouté pas mal de folk » dit Howard, flanqué d’un T-Shirt Daniel Johnston, puis il poursuit sur les « Dylan, les Leonard Cohen, les Neil Young, le bootleg de 1975 qu’il a beaucoup écouté, puis confronté à la scène anti-folk». Aujourd’hui, Howard en marre de la la version simplifiée de folk, le chant sur les volcans, les montagnes, les oiseaux… A part si c’est fait par Bill Callahan qui est génial ». Oui, bien sûr. « C’est souvent les journalistes qui tentent de créer des histoires. A notre échelle, on essaye de comprendre pourquoi on sonne comme ca ensemble, et c’était idem pour mon album solo (sorti en janvier 2009, NDR). Le coté Peter Pan qu’on nous a prêté, pas plus que je n’ai déjà fait sauter Leo sur mes genoux, à cause de son âge. Bien évidemment, on s’est déjà tripoté, mais c’était ouvertement sexuel ». Lol. « Il fait un peu chaud ici » me dis-je, « peut-être ai-je la grippe A ».

Le studio de Carpentras (lieu d’enregistrement de l’album) les a porté, ajoute Ben Lupus, les a aidé à expérimenter grâce aux instruments sur place, de vieux orgues, une cabine Leslie, tenter en direct, avec un son brut, grâce peut être un peu aussi à l’ingénieur du son, fou d’Alan Lomax. Mais attention, Ben sort le Colt 45 : « C’est très dangereux de vouloir sonner Velvet ou folk, à l’avance, sans n’avoir rien enregistrer. Mais de là à avoir peur de la modernité, du numérique, c’est aussi stupide. Tu prends Glenn Gould, c’était un maniaque de re-recording avec des dizaines de prises, à couper les notes et les replacer ça et là ». Est-ce un peu le Daft Punk du classique ? Lol. On finit la bière, on parle de la passion des albums longs, des Tom Waits. Le folk en France, comme chez Manset, c’est un long long chemin.

« Ca vous fait marrer d’avoir fait un album sur des enfants qui sont morts ? »

Le nom de l’album, Ghost Train Tagedy, vient d’une tragédie (sic), un accident de fête foraine à Sydney qui tourne mal et des dizaines de morts sur un manège. C’est Howard qui m’explique le concept : « C’est aussi véridique que peut l’être Wikipedia, ca nous a fait marrer de tirer le titre des dangers du Luna Park, (…) rire des choses tragiques. (…) En fait ça a commencé à Rouen avec la pire maison hantée qu’on n’ait jamais vu ; une sorcière mécanique sans balais, un mec à la fin qui fume une clope et te fait « aaaaaahhh ». Le pire de la tragédie de Sydney, ce sont les cris des enfants qui brulaient ; à l’extérieur tout le monde pensait que c’était des rires. On a trouvé l’unité de l’album avec la notion de groupe, et cette histoire nous a suffisamment marqué, certaines chansons ressemblent à cette tragicomédie. IIs ont l’air de bien rigoler au quotidien, les Coming Soon, dans leur famille d’adoption : « Mais on ne fait pas tous l’amour ensemble, on ne vit pas en communauté ». Ah bon, dommage.

« Il fallait rajouter des flammes aux visuels. »

La désillusion sur le rock, les perfectos ridicules, les salles à demie-bondées et la fausse excitation des salles parisiennes qui sentent l’Ajax, Coming Soon connaît aussi : « On a ce coté faux semblant, ce coté posture par ce qu’on aime jouer avec nos images, rajouter des flammes pourris aux visuels. Il y a aussi cette chanson sur le disque, Don’t sell me to the french, cette envie de ne pas être absorbés par l’industrie ou de ne pas être résumé à une scène hexagonale. C’était la peur d’appartenir à un décor, et du coup, tu as l’envie de tout faire bruler, forcément ». Bien évidemment, chaque concert a un prix, parce que les ptits de Coming Soon ne peuvent pas jouer tout le temps ; l’âge de certains des musiciens, le lycée, la fac, etc… « Bien sur, il nous arrive d’être déçus par le public, et vu qu’on n’a pas de trucs pour aller les chercher, la meilleure chose reste encore de jouer. L’industrie est surement très déprimante pour ceux qui y misent beaucoup d’argent, mais à notre niveau, tout est encore passionnant. Il y a tellement de trucs bien, c’est moins évident qu’en 1975, mais cela attise encore notre curiosité. Il y a chez nous beaucoup de choses qui sont nées grâce à l’échec, d’où une certaine empathie pour la scène parisienne actuelle, ce fut un faux succès. Quand tu écoutes Cohen, les perdants magnifiques, cela donne une candeur qui résiste, quand bien même ce deuxième album serait un four ».  Lorsque je demande, à court de questions, à Hughes quel fut son déclencheur pour lever les guitares, la réponse tombe plus vite que le jour à Auxerre : « Deux accords le La7 et le Ré, j’avais 25 ans et je n’avais jamais fait de musique avant, je faisais du cinéma sans arriver à y percer ». Ben Lupus surenchérit : « Quand tu commences à venir à la fac avec une ceinture à clou et que tu es fan de Johnny Thunders et que tu vis en province, tu comprends bien que t’es obligé de réagir, faire quelque chose. Notre ambition, c’était de faire des tournées crades, et c’est comme cela qu’on a découvert les frères Lewis dans de tout petits bouges, ou Herman Dune à ses débuts, quand tu pensais qu’ils étaient vaguement suédois ». Avant qu’il soit devenu vaguement nul, me dis-je à voix haute.

« La société secrète des ukulélés »

La compromission, c’est le grand problème des groupes français, on touche à la fin de l’interview. Je n’aurai pas le temps de leur demander s’ils aiment l’amour collectif, les banjos, s’ils ont déjà visité les States. En revanche, on pose le ukulélé sur la table les gars : « Le problème avec le ukulélé c’est qu’on a pas eu le temps » répond Howard,  « c’était dingue à l’époque de voir Herman Dune reprendre les Stones avec cet instrument. Et là, avant même de pouvoir commencer à enregistrer avec le ukulélé, tout le monde s’y est mis, Julien Doré, les autres, des sociétés secrètes se sont crées avec le ukulélé ! La première fois qu’on en voulu en acheté un, on n’en trouvait pas ; on l’a finalement acheté sur Hawaistuff.com, il est arrivé avec trois semaines de retard et c’était inaccordable, ridicule, pas intéressant. Là tout de suite, on adorerait faire une collaboration avec un artiste étranger, écrire la B.O.F. d’un Wes Anderson. La limite de la concession pour réussir ? Indochine, la première fois qu’on nous sollicitait pour écrire pour d’autres, on a toujours été fasciné par le songwriting des Gainsbourg, Hazlewood, mais (heureusement) le disque n’est pas sorti, nous n’étions pas contents du résultat. On a été plus exigeants avec Olivia Ruiz et Etienne Daho, avec qui on a travaillé par la suite». Génial ! On va fumer une clope dehors ?

Le fait de ne pas être repérable sur une carte, en France, c’est justement fait pour éviter les étiquettes. A force de pseudos troisième degré et de décalage horaire avec la mode parisienne, leur deuxième disque en devient finalement attachant sur la longueur ; ces jeunes gens sont doués, six « presque gamins » de Kidderminster, une ville qui n’existe pas, entre Nashville et Clermont-Ferrand. Surement leur meilleur marque de fabrique.

http://www.myspace.com/starsoon



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