Avec Eglise de Satan Franche-Comté, tout a débuté par un mail laconique reçu en date du 26 mai :
Intrigués, nous cliquâmes sur le lien. Et quelle ne fut pas notre surprise de tomber sur une page internet au graphisme Windows 95 où l’on ne devinait pas encore que se cachait un morceau qu’on allait écouter environ 365 fois entre le 26 mai et aujourd’hui.
Le titre Suicide, parce qu’on comprend bien qu’avec un nom pareil on n’a pas vocation à chanter sur l’amour à deux et le positivisme de Carrefour, est dévastateur. D’ailleurs tout pourrait – et devrait – s’arrêter là : ça chante faux, il y a une boite à rythmes pourrie et dénichée sur Le Bon Coin Satanique, des paroles stupides racontant le bord de vie d’un mec largué par une nana moche à la sortie d’une discothèque de province, un fond de cold-wave mongoloïde et un riff à deux doigts. Comment dire : c’est parfait.
C’est tellement parfait que le mode repeat vicieusement programmé sur le site donna à l’écoute de Suicide l’air d’une ritournelle diabolique qu’on allait passer en boucle des heures durant dans l’open-death-space. Parce que c’était : 1. stupide et con jusqu’à l’absurde, 2. insupportable pour tous les voisins de bureau et 3. tellement rafraichissant comparé à tous ces groupes néo-malheureux qui vous mentent avec leurs mines de chiens battus et leurs noms d’albums post-goth-Franprix (‘My Darkest Sorrow in lalala land’, ce genre) cachant en fait une normalité encore plus déprimante.
Du coup on sera tous au moins d’accord sur une chose : Eglise de Satan Franche-Comté semble n’avoir aucune ambition (c’est post) ni futur (c’est punk). Confirmation avec la réponse du groupe (ou du serial killer fan ayant enregistré tous les épisodes de Faites Entrer l’Accusé sur VHS, impossible à savoir) lorsqu’on lui en demanda un peu plus sur son programme avant la fin du monde.
À force d’investigation, on finit par comprendre que derrière Satan Franche-Comté se cache en réalité un seul mec nommé François Martin, dont le compte Soundcloud nous indique qu’il vivrait à Besançon. De son côté, Copain d’Avant précise qu’il aurait été lycéen à Clermont-Ferrand entre 1992 et 1997, ce qui, au-delà du fait que cette scolarité ne semble pas l’avoir couronné de succès, confirme qu’on tient là l’antithèse parfaite du groupe de Parisiens ayant aiguisé ses désirs de révolution sous les dorures d’un appartement au prix de deux SMICS par un ancien critic-rock reconverti dans l’assurance.
Avis à tous les amateurs de Frustration, il y a donc un nouveau groupe de bras cassés du post-punk en ville. Ce projet nihilisto-foutage de gueule, même s’il ne va nulle part, se révèle mille fois plus excitant que le carriérisme désespéré du groupe de cold-wave lorraine qui part chanter sa langueur de vivre face à des connards d’étudiants d’école de commerce dans tous les festivals subventionnés. Que dire de plus ? Absolument rien. Il est inutile de préciser qu’aucun des autres morceaux n’arrive à la cheville de Suicide et qu’on réécoutera ce truc encore des dizaines de fois avant l’apocalypse, prévue en 2021, après que Nicolas Ker a remplacé Nicola Sirkis en tant que leader d’Indochine.