Souvent relégués au fond de top 10 d’artistes à suivre parrainés par des marques de téléphone, ils luttent contre 60 ans d’histoire pour se faire une place dans le cœur d’auditeurs qui croient avoir tout entendu. En affichant Seattle, Washington sur la carte de visite, Violent Human System se rajoute une difficulté évidente. Mais comme éclater un ampli est davantage dans leurs cordes qu’éclater MTV, nevermind …

Je dois confesser une chose : je me suis longtemps planté sur le nom de ce quatuor. J’ai longtemps cru – je ne sais pas pourquoi, sans doute aimais-je le décalage – qu’ils s’appelaient Video Human System. Avec un nom pareil, très eighties, et surtout nanti d’un tel acronyme (VHS ; ah, ces bonnes vieilles cassettes …), le décor se serait planté facilement : un univers kitsch rétro-futuriste, des brassées de lasers rouges, un héros cool affrontant un système oppressant, des diodes clignotantes et des lignes de code BASIC défilant sur les écrans verdâtres. Pour la musique, le pronostic irait à une pop synthétique mêlant affection sincère et second degré ironique, Terminator et K-2000, Carpenter et bornes d’arcade – en gros, Kavinsky. Eh bien … tout faux, moi le premier. Car si l’acronyme reste VHS, le « V » n’est pas celui de la vidéo, c’est celui de la violence ; VIOLENT Human System. Ça prend tout de suite une autre gueule : moins poseur en teddy, arpeggiator et sourire en coin, davantage bière éventées, guitares affirmées et pogos à gogo. VHS fait du rock (ce zombie …), la tête dans le four à paink.

Jouer du punk dans la ville de Nirvana, c’est déjà tout un programme.

C’est un peu comme porter le maillot n°23 des Chicago Bulls : même en jouant le feu, impossible de prétendre à la première place. Mais, fraichement planté sur les rives pacifiques de Seattle, VHS a cet avantage de ne pas trop s’encombrer d’idées Kurt. Du coup, leurs références sont plutôt à chercher du côté du post-punk que du grunge plombe-crâne. Mis à la sauce Wipers, la consommation immodérée de Television, Siouxsie ou The Cure, que l’on distingue çà et là sur un pont, une transition, une manière de tourner le morceau, fait sauter l’image vers 1979, 1980, 81, 82. Tandis que les plus vieux de nos lecteurs se souviennent de cette époque où le déjà très piètre Renaud ne câlinait pas encore tout ce qui porte matraque et uniforme bleu marine, il convient de repasser la bande (VHS, bien sûr) à l’examen, histoire de ne pas garder l’œil bêtement figé sur le dernier rétro. Alors, cochons la check-list. Compositions malignes et anguleuses : O.K. Chant rageur de celui qui hésite entre le fun et la dépression : O.K. Les guitares bruyantes, tantôt métalliques, tantôt massives ? Elles sont là. Le quota poum-tchak ? Au rendez-vous. Et la production : mmoui, pas mal aussi, ça tient la route.

Avec des titres comme l’incontrôlable Hospital Room (prix spécial du jury), le paranoïaque Public Act ou le fougueux Wheelchair, largement puisés dans le vécu professionnel du chanteur Josh Hageman (ambulancier à ses heures d’aliénation salariale), le post-punk de VHS déboule des urgences avec du sordide, du solide et une belle envie d’en découdre. Une des preuves les plus tangibles de ce déboulé toutes sirènes dehors est peut-être, d’ailleurs, Wheelchair, single nerveux qui envoie la purée en l’assaisonnant généreusement de piment Buzzcocks, avec un soupçon du glauque tournoyant de Magazine sur le refrain. Ça, pour rouler, elle roule, la rockin’ chair

Sera-ce suffisant pour sortir le rock du garage, où les années 2010 semblent l’avoir enfermé ? Sans doute pas, car VHS y puise largement, même s’ils y ajoutent un zeste de sophistication ; Wire au pays des enceintes bloquées sur onze. En tout cas, même si les magnétoscopes sont désormais voués à l’extinction proche et définitive, VHS mérite d’être revu. Et d’être réécouté, car le présent de ce premier album est effectivement, comme l’assure son intitulé, plein de vie. Rock’s not raide (à ne pas affirmer en sirotant un mocaccino au Starbucks, ça ferait tâche).

Violent Human System // Gift of Life // Suicide Squeeze / Cargo Records
http://violenthumansystem.bandcamp.com/

2 commentaires

    1. Tu t’es trompé de crèmerie l’ami, tes frissons ne dérangent que les borgnes et les plaies, pas de ça ici, que des images et parfois vraies, comme l’ambulancier.

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