Souvent relégués au fond de top 10 d’artistes à suivre parrainés par des marques de téléphone, ils luttent contre 60 ans d’histoire pour se faire une place dans le cœur d’auditeurs qui croient avoir tout entendu. Eux, ce sont les musiciens d’aujourd’hui, anonymes et fauchés. Place maintenant à Überspannung, un groupe de Strasbourg qui n’a pas l’intention de décrocher un disque d’or.

Le plus important en musique, ce n’est pas votre nombre de followers sur TikTok (si vous avez un compte), votre label (si vous en avez un), votre tourneur (s’il est encore en vie) ou votre capacité à répondre aux mêmes questions à chaque interview sans claquer la personne en face de vous. Non, le plus important, c’est l’intention mise dans votre art. Car tout part de là : de l’implication et la manière dont celle-ci se reflète dans les compositions. Et à ce petit jeu de malin, Überspannung est doué. Car le groupe basé à Strasbourg et affilié à La Grande Triple Alliance du Grand Est n’a pas besoin de trois morceaux passables pour dévoiler l’envers du décor et sa conception de la musique.

Dès les premières notes de « Le Miroir Aux Morts », un album sorti en mars sur le label Vague à l’Âme, on sait où on est (quelque part dans l’Est de la France, dans la grisaille et dans une forme de profonde tristesse) et où on va (direction la gueule de bois, la dépression et l’arrêt de travail). D’ailleurs, sur Obtention du permis de chasser — qui débute comme une mauvaise reprise de Suicide —, le duo composé par Lucas et Hugo nous fait voyager dans la France rurale, celle qui roule sur les départementales sous des nuages gris, et qui a forcément le sentiment de faire partie des oubliés de la nation.

La base d’Überspannung n’a absolument rien de fou. Des synthés, une basse, un chant genre je crie dans un mégaphone toute ma frustration et des compostions qui traversent les frontières selon les humeurs, passant du français à l’allemand. Mais au-delà de la froideur des morceaux et d’une forme de mélancolie dans laquelle on finit par se noyer, le groupe alsacien touche sa cible en rendant le glauque beau, en illuminant la noirceur, en sublimant des sentiments moches et en réussissant à retranscrire toute la désolation face à laquelle il semble être confrontée. Si certaines phrases instrumentales sur l’album sont aussi bandantes qu’un samedi après-midi à Bar-le-Duc quand t’as 14 ans, d’autres moments frôlent la grande classe régionale (Sabbatkreis, Kein Spass, Sueño del duelo et Obtention du permis de chasser). Ils rendent en quelque sorte hommage à tous les chanteurs dépressifs qui nagent dans le milieu alternatif (allant de Nafi à Ventre de Biche en passant par Seb Normal, Colombey, Christophe Clébard, etc.) en trimballant leur misère et leur envie de la partager avec d’autres âmes perdues.

La force d’Überspannung se trouve dans toute la sincérité et toute la pudeur avec laquelle le groupe fait de la musique. Une musique que vous pouvez qualifier de cheloue, de déviante ou d’expérimentale. Au final, peu importe, tant que cette forme d’expression continue de toucher au plus profond du cœur. Et d’être la B.O. d’une partie de la population qui préfère les concerts sous les ponts aux SMAC, les squats aux belles galeries et l’authenticité à la bienséance.

L’album « Le Miroir aux Morts » de Überspannung est sorti en mars sur Vague à l’Âme.

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