“Ce que je veux, c’est être Chevalier des Arts et des Lettres, pour faire plaisir à ma mère”. C’est ainsi que se clôturait notre dernière rencontre avec Jean-Baptiste Guillot, dit JB Wizzz, homme orchestre de Born Bad Records à qui nous avons dédié la couverture de notre dernier numéro. Sa maman devrait être contente : quelques heures après le bouclage dudit numéro, nous recevions le témoignage de Sarah Brunet, représentante du département Musique Enregistrée au Ministère de la Culture. Interview bonus à lire en attendant l’entrée de Born Bad et ses martyrs au Panthéon.

photoSBR_crédits Noel ManaliliLa première fois que j’ai croisé Sarah Brunet, c’était à une avant-première du Ben & Bertie Show – le programme musical complètement barré de Bertrand Burgalat et Benoit Forgeard diffusé sur Paris Première. Première surprise : la responsable du pôle musique du Ministère n’avait pas 108 ans, comme on pourrait l’attendre de chaque personne travaillant au sein du service public. Deuxième surprise : elle connaissait Gonzaï. La troisième enfin : elle nous connaissait notamment pour une soirée organisée voilà des lustres avec Frustration à la Maroquinerie ; groupe qui de son propre aveu l’avait complètement retourné. Et nous avec, tant cette simple discussion entre deux sièges contrastait d’avec l’image d’Epinal qu’on se fait des supposés gros losers enfermés dans leur tour d’ivoire et qui n’écouteraient que Michel Sardou en boucle.

Comme nous ne sommes pas là pour faire l’apologie du service étatique, on se contentera donc de rajouter que Sarah Brunet, aidée en cela par une étonnante connaissance de la cartographie française des labels indés, se bat pour une certaine idée de la musique en France, et où les majors ne seraient pas les seuls à se partager le petit gâteau subventionné. Ce qui suit est autant la preuve que Born Bad, sans être dans la sacro-sainte quête de respectabilité qui obsède tant de ses concurrents, est entré depuis quelques années dans le paysage à coups de santiags. Et rien que ça, ça redonne le moral à cette petite partie de la population qui n’en peut déjà plus de cette France occupée par Jeanned Added et Thomas Dutronc.

Hello Sarah. Comment as-tu découvert Born Bad ?

C’est Frederic Campo, du groupe Frustration, qui est un ami et qui m’a présenté JB à l’époque où il montait le label. Je me souviens très bien, c’était en 2005 aux Transmusicales.

Qu’est-ce qui t’a plus chez ce label ?

J’aimais beaucoup les groupes signés à l’époque : Cheveu, Frustration, les Cavaliers. Les compiles Wizz et BIPP aussi. Il y a eu un univers très marqué et très fort dès le départ, à l’image de JB : une certaine incarnation de la radicalité et du pur et dur avec sa gouaille, ses motos rutilantes, son univers vintage. L’idée d’articuler une boutique et un label était évidemment lumineuse et je me souviens qu’à l’époque Michel Pampelune avait également eu ce genre de démarche avec Fargo, dans un autre univers. Toute l’activité de label concentrée en la seule et unique personne de JB. Tout ça est assez commun maintenant mais à l’époque c’était novateur, parce que ce n’était pas un choix fait par défaut. Une interview m’a beaucoup marquée, celle qu’il avait faite pour Vice et dans laquelle il décrivait tout un fonctionnement de l’industrie du disque, et particulièrement des majors dans les années 90. J’ai conseillé cette interview à pas mal de gens tout au long de mon parcours professionnel institutionnel.

« Dans 5 ans : JB a sa propre salle de spectacles et son festival. »

Comment le Ministère de la Culture peut-il soutenir des initiatives de ce genre ?

Là où je travaille au ministère – la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – notre rôle est de soutenir tous les labels, quelle que soit l’esthétique, et en particulier les plus petits, qui incarnent toute la diversité de notre production. Notre objectif est de concevoir des dispositifs de soutien à l’investissement (crédit d’impôt, fonds de soutien à l’innovation et à la transition numérique, etc.) pour sauvegarder un tissu de labels indépendants, qui sont garants de la diversité musicale et du renouvellement de la création.
Malheureusement, beaucoup d’entre eux pensent que ces dispositifs leur sont inaccessibles, mais c’est bien souvent par méconnaissance. De nombreux petits labels bénéficient du crédit d’impôt, 60 ont obtenu des aides l’année dernière dans le cadre de notre plan de soutien… Et nous allons bientôt pouvoir aller plus loin car la ministre a obtenu en projet de loi de finances des moyens d’action plus conséquents à compter de 2016. Notre ambition est d’en faire bénéficier encore plus de labels.

Comment considères-tu Born Bad ? Indé, gros label ou OVNI ?

Je dirais que c’est l’une des incarnations du label indé par excellence : artisanat, maîtrise de la chaîne de valeur, choix artistiques prédominants et non consensuels.

Où imagines-tu JB Wizzz dans 5 ans ? Dans dix ans ?

Dans 5 ans : JB a sa propre salle de spectacles et son festival. Dans 10 ans : après de très âpres et rudes négociations, JB finit par accepter de prendre dans son giron de très jeunes labels encore plus radicaux qui le détestaient au départ.

Pour aller plus loin (et plus haut) : le Gonzaï n°13 spécial Born Bad, toujours en vente.

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