S’il me venait un jour la mauvaise idée d’aller poser mon cul dans un confessionnal, je serais contraint d’avouer que l’auteur du disque que je chronique m’est rarement familier cinq minutes avant de m’y coller. Mais cette fois-ci je ne pêcherai pas. Car les quatre types dont il est question ici ne devaient pas être connus au-delà de la Porte de Cleunay il y a encore quelques jours.
Ainsi, avant même de s’envoyer ce disque annoncé comme le petit nouveau shoegaze made in Breizh, c’est la mention rennaise Cranes Records qui se fait remarquer, déjà l’origine d’une explosion de tympans soignés à la chignole avec The Dead Mantra il y a quelques mois. Si à première vue Boca River fait un peu gendre idéal à côté du Mantra, la promo Cranes 2015 ne fait pas dans la raie sur le côté bien proprette. Pas d’entourloupe pour démarrer, le nez dans le vif du sujet sans préliminaires superflus. Une batterie catégorie mi-lourd façon arrivage de doom en Colissimo par la porte de derrière, un cocon maxi confort pour accueillir la suite du programme, guitares sauvages gavées comme il faut à la pédale d’effet de circonstance et une voix un brin asexuée chargée de régler la caution aquarelle pop dans tout ce boucan.
Le décor est posé au ciment à prise rapide, aucun semblant de tergiversation, si bien qu’il est difficile de croire avoir affaire à des gamins tombés de la dernière pluie. D’autant que ces quatre garçons dans le vent d’Ouest ne rechignent pas à aller voir à droite à gauche. Ambiance volage entre moments à la Slowdive qui se serait levé du pied gauche ou relents de garage, dont ce Coffee Dance effectivement overdosé à la caféine pure… sauf qu’au contraire de beaucoup de groupes ça ne sonne pas comme le garage de papa maman où l’on joue avec ses copains du collège, en pestant contre l’Opel Vectra du daron qui prend toute la place. Ici le rock se passe volontiers de tout arrière-goût de Kiri, pas d’acnéiques casse-couilles branchés sur des amplis pour faire chier les voisins de leur banlieue classe moyenne tout en leur faisant des doigts d’honneur à la Saez de mes deux.
Boca River marche à la maturité un rien tendue de ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un filet de sécurité. Tout juste pourrait-on leur reprocher de ne rien apporter de très neuf dans le cirque, mais quand le travail est bien fait, qui se soucie de savoir à qui appartient le brevet ? « Away » démontre par l’exemple qu’un artisan au savoir-faire transmis de père en fils vaudra toujours mieux qu’un artiste qui vient t’emmerder avec ses reprises d’Arcade Fire à la scie circulaire.
Boca River // Away // Cranes Records
http://bocariver.bandcamp.com/