Au départ on a presque cru que c’était le nouvel album de Depeche Mode. Mais comme le tout s’avéra écoutable au-delà de la troisième piste et que les membres du groupe dont il est ici question n’ont pas besoin de refourguer de vieilles chansons à des concessionnaires auto pour payer le troisième divorce de Gahan ou un énième lifting raté à Martin Gore, on en a fini par conclure qu’il valait mieux vous offrir le « Bones » de Blackmail en écoute exclusive plutôt que de s’épancher trop longtemps sur la dernière sortie des quinquas de la maison de retraite.

blackmailbonesCette semaine, on pouvait d’ailleurs lire dans le Télé 7 jours belge que « les gens cool aiment Depeche Mode ». La citation n’est pas du journaliste, pas plus que d’un fan qu’on aurait chopé à la sortie d’un bar, raide bourré. Non non. La phrase est de Dave Gahan himself, qui, tout de go, rajoute : « je sais que je chante nos propres louanges, mais nous restons le plus grand groupe alternatif qui soit ». En voilà au moins un qui n’a pas écouté le nouvel album de Blackmail à paraître chez Yuk-Fü Records. Car en matière d’amateurisme transfiguré en messe de stade par la sainte grâce des potards poussés à fond sur l’écran plat, le trio français se pose bien là. Bien sûr, ça ne révolutionne pas l’histoire de la pop culture, pas plus que le mauvais gout présumé de ceux qui fêteront bientôt en grande pompe les dix ans d’EdBanger (savent-ils seulement compter jusqu’à dix ?). Reste que Blackmail livre ici un album qui, sans se prendre au sérieux, dépeint avec gravité tout ce que la musique électronique n’inspire plus. La transgression des poncifs avec un synthé huit 16 touches, la démesure des compositions enregistrées dans des chambres de bonne, une certaine conception des grands espaces façonnés sur une feuille A4, de vraies instrumentaux (Turkish Delight, Return) qui donnent envie de faire fondre le bitume pour s’en oindre le corps tout entier tel un robot aspergé au Tahiti Douche ; bref, les raves étant définitivement party, cet objet digital permet de se rêver l’espace de quelques soirées en mélange mutant d’Alan Vega et Ian Curtis, tout seul dans le salon, à divaguer héroïquement à même le carrelage en pilou pilou.

Du disque « Bones », la bio dit ceci : « Blackmail a finalisé son album dans une chambre de Palace avec vue sur l’Opéra. Le résultat évoque un blues électronique, kraut et défoncé. Un univers déglingué et intemporel qui réunit Paris, Detroit et Berlin ». Bien évidemment, rien de tout ça n’est vrai. Dans la musique électronique comme dans bien des domaines, le fantasme est mille fois plus excitant que la réalité brute ou, au hasard, le prochain album de Poni Hoax. Comme les artisans de Blackmail ont déjà tous à leur actif des passés de musiciens en sourdine (Sylvain Levene de This Is Pop et Beatmark, Stéphane Bodin de The Married Monk, Bosco et Prototypes, François Marché de Bosco et Prototypes), il est désormais grand temps d’en finir avec charabia sans intérêt. Les vrais gens cools aiment Blackmail. Et comme ils ne sont pas nombreux, je suis forcément de leur coté.

5 commentaires

  1. « dépeint avec gravité tout ce que la musique électronique n’inspire plus » -> Je t’achète cette punchline 30 000 euros et je rajoute au pot toutes mes actions Danone et Cap Gemini.

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