On en lit partout, des témoignages de quarantenaires à l'oreille trouée, à l'épingle à nourrice rabottée. Ce même discours fatigant.

On en lit partout, des témoignages de quarantenaires à l’oreille trouée, à l’épingle à nourrice rabottée. Ce même discours fatigant.

« Le jour où j’ai vu les Ramones jouer, j’te jure, c’était fou. Ces mecs là nous montraient que nous aussi, on en était capable. »

Etre une rock star était devenu quelque chose d’humain, autre chose que ces divinités répugnantes, ces dirigeables plombés qui peinent à voler. Le punk était né, à expliquer au monde que lui aussi, il pouvait, mais que quand même faut pas pousser, que cette bière je l’ai achetée gratuit rien que pour moi.

Mais là non. Ces Black Lips paient tranquillement leur tournée de Jack au premier rang. Dans cette salle pourrie, comme dans toutes les salles pourries du monde, ils bercent les pancréas de leurs bluettes au vitriol.

« This is American whiskey ! »

Pour que le public se rappelle que l’alcool brûle les yeux, que la musique des Back Lips submerge les oreilles dans l’ivresse. Quatre merdeux qui s’évertuent à chanter des couchers de soleil sur les cactus de Basse-Californie. Voilà ce que sont ces Lèvres Noires surmontées de moustaches. Rien de plus, rien de moins. Un groupe de rock sans le moindre « the ». Une façon de dire qu’ils ne sont pas les Black Lips, mais des Black Lips, comme moi, comme toi joli lecteur. Finalement une forme d’humilité.

Toujours la même chose. L’impression d’avoir bien rigolé, les oreilles sifflantes et goguenardes. Et puis l’aveu forcé que quand même, ces kids ont du talent. Autant que les Standells, les Remains, We The People, ta mère, n’importe quoi. La tempête dissonante, la révolte balbutiante et la pop song lumineuse qui se cache quelque part dans l’obscurité, derrière la guitare mal accordée. Le batteur est braillard, les textes nuls à chier, les cervicales endolories. Prêts à en découdre avec quiconque froncerait les sourcils, les Black Lips remettent le divertissement sur le devant de la scène. Prouvent que la qualité existe toujours, et que les chef-d’oeuvre, c’est tellement XXème siècle. Ce XXème siècle qui a appris au rock (star, manager, label, fan, critic plus que tout) à se prendre au sérieux.

Vers ce rock, 200 Million Thousand siffle derrière sa moustache : fuck it.

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