Une voix à faire pleurer les garçons (qui lisent la rubrique autoproduit de Rock & Folk), des parties de guitare à déchirer le cœur des filles (celles qui achètent des serviettes hygiéniques avec du sang bleu dans la pub) et une production qui ne sonne pas du tout comme les suppléments régime minceur, Bad Mama Dog est une enclume à six cordes. Cinq pour la guitare, une pour le bellâtre, le compte est bon Jean-Pierre.
Force de la modernité et des crises industrielles, Love gone bad sort en digital dans un monde qui s’en fout : Martine est parti pour les vacances, John est en pèlerinage chez sa tante cote d’Azur, Pamela ne va pas très bien et Martin a pris ses billets pour la Croatie. Pendant ce temps, Love Gone Bad fait très mal à l’entrejambe. Et c’est peut être même, en toute simplicité, la meilleure chose entendue en France cette année, dans la section « faux adolescents ayant retrouvé le chemin des studios grâce aux vinyles de papa ». Sur l’intro de Low and divine (incontestablement un clin d’œil à Let the good time roll d’Hendrix), je me demande combien d’années séparent ces pré-trentenaires de leurs semblables. Combien de galaxies ; paraît même qu’on entend les Beatles dans l’espace.
Attaque à la guitare, batterie aux répondant qui mord bien fort, ligne de basse boogie ; des milliers de face post-boutonneuses ont oublié le son du rock’n’roll et préfère triturer les tétons estivaux en écoutant la triplette magique Phoenix/Naive New Beaters/Brodinski. Est-ce un drame, après tout, si le monde a changé, que la guerre froide est finie et les amplis à lampes rangés au garage ? En pensant au David Guetta local qui anime les fins de soirées au Cap Ferret, tous ces hymens qui sauteront grâce aux juillettistes, petite pensée pour Sweet 21, une chanson à tringler pour l’été 1971. Bad Mama Dog est un groupe français qui n’a rien à envier au Free de la grande époque, pas plus qu’à Jeff « Waterproof » Buckley. Pendant ce temps, je ronge mon frein sur Calfornia, l’été qu’on n’aura jamais parce qu’il est loin et que parfois se restreindre vaut mieux que tous les tétons d’été.
Un chanteur californien (John Mitchell, ca ne s’invente pas), un producteur parisien (Yarol Poupaud) et des compositions assez bonnes pour qu’on les compare à de plus anciennes (Led Zeppelin, Buckley père et fils, Van Morrison, Hendrix), Bad Mama Dog c’est une réponse du berger à la bergère (qui est partie se faire engrosser avec le maitre nageur). Et pourtant, aucun écho médiatique, peu de soutien de la part du public, y a surement comme un problème avec la destination du trio. Les façons de se pignoler sur un album sortant en 2009 étant diverses et (a)variées, voici pour conclure cinq bonnes raisons pour expliquer l’anonymat du meilleur groupe de rock français, merci de rayer la mention inutile:
1. La proposition classique : les médias ne font pas leur boulot, ils sont déjà à la plage (cf tétons mentionnés plus haut). Variante: A force d’écouter du MP3 compressé le public ne comprend plus rien à la bonne musique. Bad Mama Dog est sorti uniquement en digital ? Proposition suivante.
2. La proposition chrétienne: On va tous mourir et seuls ceux qui auront écouté Love gone Bad pourront échapper au dernier supplice (passer un week-end avec les Naive New Beaters)
3. La proposition technologique : Y’a plus d’encre dans Internet et tous les médias s’étant astiqué le manche sur les autres groupes français débraillés n’ont plus assez de liquide pour noircir leurs feuilles de style.
4. La proposition mauvaise foi : Le rock en France c’est comme la crème solaire en Norvège, esthétiquement agréable mais physiologiquement dispensable.
5. La proposition polémique : La Roux, The Dead Weather, Ebony Bones et les supers festivals français ont volé la vedette à un groupe qui manque de moyens (financiers) pour imposer sa gueule dans les journaux.
A vous de trancher, camarades. En ce qui me concerne, j’ai fait mon choix ; j’attends l’hiver avec impatience, ce moment où le ciel semble moins haut et les caves plus près de toi seigneur, l’instant parfait pour réécouter ce premier album qui m’a fait oublier qu’en été on transpire toujours trop (et souvent pour les mauvaises raisons).
Bad Mama Dog // Love gone bad // Bonus Tracks