Écrire sur la musique instrumentale, c’est comme vouloir faire parler un mort : il faut électrocuter le corps du défunt. Et celui choisi par les Bretons avec leur album « Traversée sauvage » n’est autre que celui du plus célèbre album de CAN. Un exercice de résurrection surprenant et paradoxalement, loin des bases krautrock.

Questions, d’emblée : aurions-nous écrit sur ce groupe s’il ne s’était pas appelé Tago Mago ? Pas sûr. « Traversée Sauvage » est-il aussi incroyable que l’album majeur de CAN, publié en 1971 ? Évidemment non. Faut-il pour autant passer son chemin ? Pas forcément. Car l’énergie déployée sur ce premier album « séminal » (comme on disait au 20ième siècle) a de quoi surprendre même les plus aguerris à la langue teutonne prise en LV1 au collège.

Peut être une image de 2 personnes, personnes debout, personnes qui jouent d’un instrument de musique et intérieur

Krautrock, « Traversée sauvage » ne l’est pas forcément. Et même si le duo formé par Joris et Léo Leroux cite abondamment les vieux Allemands (Kraftwerk, Neu ! ou encore CAN, évidemment), c’est plutôt du côté du canard boiteux du rock métronomique qu’il faudrait peut-être se tourner : Amon Düül. Moins bricoleurs que CAN, moins fous aussi que la clique de Ralf Hutter, Tago Mago empruntent effectivement la troisième voie – on dirait presque la bande d’arrêt d’urgence de l’autobahn – et agrègent odes psyché, longues descente blues et groove métronomique dans ce qui ressemble à une grosse jam, à la fois récréative et sans prétention.

Parfois, les cris ponctuent les titres instrumentaux, et l’on pense étonnamment au « Koln Concert » de Keith Jarrett, quand ce dernier se fendait d’un jappement orgasmique gravé sur bande. On n’ira néanmoins pas jusqu’à dire que « Traversée sauvage » sonne jazz, mais il y a sur ces 6 titres ramassés suffisamment de bordel pour qu’on puisse autant évoquer Zombie Zombie, Slift ou encore Les Marquises. Autant de groupes français qui n’ont plus à rougir face à l’envahisseur planqué derrière la ligne Maginot et qui, tous, auront à leur manière ouvert la voie pour ce Tago Mago féroce et free. Du « travail de pro », comme disait la pub Bosch, avec la clef un ponçage efficace des stéréotypes associés au genre.

Tago Mago // Traversée sauvage // Autoproduction
https://tagomago.bandcamp.com/album/travers-e-sauvage

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