C’est l’histoire du meilleur groupe de sa génération et qui, ayant passé l’âge d’être jeune, s’engouffra malgré lui dans une classique voie de garage : l’envie du public et des médias de passer à une nouvelle nouveauté. Quinze ans après les débuts et avec un cinquième album sublime, Mustang prouve que le groupe ne carbure pas à l’essence coupée à l’eau.

« Mustang, une renaissance Mégaphénix », « Avec « Mégaphenix », le groupe Mustang renaît encore de ses cendres »… Pour celles et ceux ayant récemment consulté l’actualité numérique du groupe Mustang – et l’on ne parle hélas pas de millions de personnes – difficile de passer à côté du panneau : oui, le groupe de Jean Felzine revient en force en 2024 avec un nouvel album – le cinquième – et oui, il a comme un goût de revanche. Une fois n’est pas coutume dans le monde timide du rock consensuel ; le nom du disque donne la parfaite température du moment. Jean Felzine, Johan Gentile et le nouveau venu à la batterie Nicolas Musset reviennent pour en découdre après un involontaire passage à vide. Titre d’ouverture : Je ne suis plus aimé. Paroles : « Ma vie est en lambeaux, ma vie est en morceaux, mais je respire encore / Je ne suis plus aimé, je me demande si j’existe ». Plus qu’un manifeste, un aveu de lucidité sublimé par des cordes hollywoodiennes et qui retranscrit en beauté la frilosité des maisons de disques à se risquer sur le cas Mustang. Sans la signature chez Vietnam, label de Franck Annese par ailleurs patron de la seule entreprise de presse française (SoFoot, SoFilm, Society, etc), on n’aurait pas donné cher de la peau de ces jeunes vieux dont on peine à croire qu’ils sont sur le circuit depuis presque 20 ans.

Dès lors, « Megaphenix » s’écoute comme un nouveau volet de la série Rocky. A la différence qu’ici, Felzine cogne dur dans les mots, pas dans les sacs de frappe.

Et à la fin, c’est les gentils qui gagnent

A l’écoute d’autres titres du disque, on aurait vite fait de conclure que les années à trépigner dans l’ombre du succès à repasser en boucle tous ces moments où ils cherchèrent le ticket de péage pour sortir de l’autoroute de l’indifférence auraient rendu les membres de Mustang pour le moins amers, voire aigris. La porte au nez (« Je suis toujours prêt à me solder / mais on me ferme la porte au nez / Et les majors et les indés / t’es trop variet’ ou t’es trop spé’ ») ou le titre uppercut La chanson française (« Elle sonne mal / la chanson française / elle pèse une tonne / Elle pèse que dalle ») vont dans le sens du dépôt de plainte ; mais c’est oublier un peu vite que l’album intelligemment ramassé (11 titres) aurait mérité un sticker « ici tout est vrai » collé sur les exemplaires déposés en magasin.
Car contrairement à certains des voisins rêvant des vies inventées sur Instagram ou s’engageant à la va-vite dans des causes de l’époque qui les dépassent, Felzine n’est jamais aussi bon que lorsqu’il utilise l’authentique, le vécu, pour transformer ses incompréhensions en comptines douces-amères. Celles et ceux étant tombé sur émouvant son disque solo « Chord Memory » (2023), où la question de la stérilité était abordée, s’en souviennent surement. Jamais aussi bon que lorsqu’il embrasse le vide, celui qu’on peut qualifier de meilleur parolier de sa génération sait qu’il jouait avec « Megaphenix » son va-tout, son mégabanco. Challenge accepté. Et réussi. L’argent du beurre, l’un des grands moments de cet album, rappelle encore une fois l’héritage du Polnareff de la fin des année 60 (période Mes regrets), mais tout en y injectant une production toutes portes ouvertes ; à la fois contemporaine, fraiche, loin des clichés à la con sur le trio de gamin de Clermont-Ferrand coincés dans un monde rockhab’ à écouter Elvis et les vieilleries.

La victoire du temps long

Hypothèse : Mustang serait-il un groupe encore en vie cérébrale en 2024 si le succès avait frappé plus tôt ? Felzine, son leader, aurait-il encore la plume si aiguisée si la tragédie industrielle lui avait imposé un discours convenu aux Victoires de la musique, ou des featurings honteux avec Grand Corps Malade, Hoshi ou Francis Cabrel ? On ne s’étendra pas trop sur le titre de clôture avec Arthur Teboul de Feu Chatterton, seule énigme de « Megaphenix », mais le fait que comme disait l’autre, le plus dur c’est de durer.
A ce petit jeu, Mustang est l’un des rares groupes des années 2000 (le seul ?) ayant réussi le tour de force de ronger son frein assez longtemps pour finalement, accélérer. On renverra les sceptiques au sublime titre synthé-rock Mortification, doté d’un vrai solo de guitare comme on n’entend plus souvent, les autres au très McCartney Barbelé et le dernier contingent des moues dubitatives à Steve Jobs ; un titre qui aurait parfaitement eu sa place sur « A71 » (réédité en 2021, par ailleurs). L’instrumental Tiretaine, Amen, avec son côté foxtrot et ses cuivres à la Roxy Music repris à la sauce jazz, fait lui aussi son petit effet et l’on s’attendrait presque à voir surgir le DiCaprio de Gatsby le magnifique pour un final, verre de champagne à la main. A la place, on se contentera d’applaudir cet album pré-financé par le groupe et que plus personne n’espérait entendre. A la fois combat contre la nostalgie des jeunes années et contre l’époque elle-même en assumant son côté à rebours, « Megaphenix » emmerde tout le monde, sauf ceux ayant écouté le disque.

Pour le label Vietnam, c’est aussi une sacrée victoire : avec Mustang, ils s’offrent à moindres frais leur première signature pour la postérité. Ayant dépassé depuis longtemps la date limite de consommation pour le système pop, Felzine n’a désormais plus d’autre choix que de continuer. On doute désormais que cette Mustang cesse de tourner avant 2030, date officielle de la fin des voitures thermiques.

Mustang // Megaphenix // Vietnam
En concert à la Maroquinerie le 15 novembre.

3 commentaires

  1. Je trouve, et je suis désolé pour les Fans , ou pas
    C’est le cul entre Domininique A et Stéphane eicher.
    Mais moins bon que le premier sépare du second, donc forcément de la somme des deux, seule victoire de S Eicher.
    Voilà.
    J’aime pas, c’est pas comme si ça ne m’arrivait pas tout le temps.

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