Quand il est question de batteur capable de cogner des baguettes comme un micro, bref, d’une sorte de montée en ligue 1 quand on joue à l’AS Montbéliard, le nom de l’affreux chauve en chaise roulante ayant traumatisé la jeunesse des années 70 avec Genesis est souvent évoqué – même dans le titre de cet article. Mais que cela ne vous détourne pas du premier album de Guillaume Rottier, lui-même batteur et auteur d’un premier album qui contrairement à ce que son nom indique, déborde d’imagination.

Fonder une « communauté » sur les réseaux, se filmer en format story pour déblatérer les états d’âme du créateur précaire en plein doute sur le nom à donner à la track 3, engager un attaché de presse payé à coups de lance-pierre, ventiler un à un les morceaux les plus forts d’un album attendu par personne et finalement, poster un « statut » annonçant l’arrivée d’un premier album avec 100 likes à la clef suivi de 3 clics en précommande sur le Bandcamp ; telle est le mode d’emploi contemporain d’un lancement de disque en 2022 pour tout artiste dit « indépendant ». Si l’on débute ainsi, c’est parce que précisément, Guillaume Rottier, ex batteur de Quetzal Snakes, a fait tout l’inverse.

Revenu de la « dynamique de groupe » consistant à fermer sa gueule et à taper comme une brute pour d’autres que lui, Rottier recule depuis des années le sacro-saint moment du passage au devant de scène. Et voilà surement pourquoi son « Lack of imagination », lancé sur l’autoroute en cinquième et sans frein à main, débarque aujourd’hui sur internet, non pas dans la plus grande des indifférences, mais avec une parfaite impréparation. « Je voyais un peu cet album comme un moyen de me délester de toutes ces chansons que j’ai accumulées depuis des années et que j’ai jamais vraiment osé sortir explique le jeune Marseillais, j’ai tout fait de A à Z sur cet album et je l’ai juste foutu sur Bandcamp sur un coup de tête hier parce que je comprenais pas trop ce que j’attendais, finalement. Hier sur la route – je rentrai du Var ou je suis allé voir ma copine, bergère – j’ai vu la date sur le panneau d’autoroute et je me suis dit: « 12 mai! Date de sortie de ton premier album ! ». Ainsi donc, sans filet de sécurité ni grand plan marketing, 10 chansons libres sont désormais stockées sur un serveur et accessibles au plus grand nombre, pour autant que vous ayez encore quelque chose à foutre d’un multi-instrumentiste adepte de complaintes solitaires scandées dans un stade vide que de post-punk anglais ou d’exotica susurrée dans le micro avec la moitié de la bouche recouverte de scotch.

« Je m’attendais à faire l’album de la maturité sans jamais avoir rien sorti ! ».

Masterisé par Paul Rannaud de Volage, l’album a de quoi s’inscrire sur la toute petite carte du rock français invisible, pas loin des essais fantomatiques de Nathan Roche du Villejuif Underground ou des foufous du Bryan’s Magic Tears. Parfum des années 90, son volontairement lo-fi et personne en costume racontant des conneries par-dessus l’épaule sur la cible d’écoute de cet étrange objet qu’on aurait rêvé d’écouter dans un walkman à K7 en allant au lycée en 1994. On n’ira pas jusqu’à faire référence à Dinosaur Jr et tous ces affreux mâles blancs démolis par la vieillesse, mais il y a chez ce Rottier assez de pureté pour au moins 10 transfusions sanguines chez les confrères qui, à force de trop réfléchir, finissent par ne plus rien penser du tout. Et le batteur à tout faire de conclure : « J’ai réalisé que j’avais des heures et des heures de musiques enregistrées sur mon disque dur et que je n’avais jamais trop osé les faire sortir de là, à part pour quelques copains. Peut-être par manque d’ambition, ou par excès d’ambition plutôt. Je m’attendais à faire l’album de la maturité sans jamais avoir rien sorti ! ».

Cet album d’immaturité, foncièrement bancal, traduit donc un bel art de la démo ; un exercice de plus en plus rare dans le monde digital contemporain, et qui donne par moment l’impression de voir un gamin débraillé pisser avec joie sur du pixel, comme on souillerait un jean un peu trop propre.

https://gguuiillaauummeerroottiieerr.bandcamp.com/releases

3 commentaires

  1. Heu…Phil Collins en chaise roulante ??🙄
    Vous ne confondez pas avec Robert Wyattt ?
    Ou alors il faut nous expliquer parce que…

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