Loin de ses bravades arty habituelles, Dean Blunt publie sans prévenir le très court « Black Metal 2 » : disque accessible de pop hybride parfait pour un été déprimé. Et c’est la confirmation qu’il sait surtout écrire des chansons.

Il faudra toujours des agitateurs, des artistes capables de partir absolument dans tous les sens au prix d’une démarche de totale avant-garde. Dans ce secteur, au pays de Malcom McLaren, le londonien Dean Blunt n’a eu de cesse de provoquer dès ses débuts il y a une dizaine d’années. C’était au sein du duo Hype Williams avec Inga Copeland qui reprenait carrément le nom d’un réalisateur de clips renommé. Depuis 2011, il aurait d’ailleurs confié la conduite du groupe à des inconnus sans que l’on sache si c’est vrai ; il a envoyé pour recevoir une récompense du NME une autre personne se faisant passer pour lui afin de questionner sur la représentation des noirs ; il a encore piqué des passages entiers de Metallica ou des frères Emerson en multipliant les sorties sous différents alias (BabyFather, Blue Iverson…) dans des genres musicaux à chaque fois à des années lumière les uns des autres (dubstep, rap, soul, rock indé, électronique expérimentale…). Un refus d’entrer dans les étiquettes des bacs de disquaires savamment classées qui reste l’un des rares trait d’union de sa discographie géante.

S’il est parfois difficile de distinguer le n’importe quoi du geste artistique, le natif d’Hackney s’est depuis largement fait connaître, l’amenant à collaborer avec A$AP Rocky, composer un opéra avec Mica Levi ou être réalisateur de clips pour Panda Bear ou Actress. Entre temps, il a aussi élaboré une carrière solo alternant là aussi entre le plus abordable et le plus expérimental symbolisé par son album « Black Metal » de 2014 qui allait d’un sample des Pastels à de longues plages minimalistes.

Fidèle à ses principes, Blunt a pris tout le monde de court en publiant il y a quelques semaines son successeur « Black Metal 2 », qui étonne déjà avec une pochette reprenant en très grande partie celle du « 2001 » de Dr Dre. Pas de trace de G-funk ou de Snoop pour autant, il désarçonne encore avec un disque très court (23 minutes, ce qui doit probablement tenir là aussi d’une certaine démarche artistique) et délicat qu’il est pourtant difficile de cataloguer, entre pop lofi, trip hop light ou légères notes indus’ avec pour trait commun une sorte d’effet « chill » – cet horrible mot revenu tout droit des années 90 -, même s’il est ici teinté de pas mal de mélancolie dans des textes. Du premier « Black Metal », il a ainsi principalement gardé l’aspect mélodique mettant provisoirement de côté la face la plus empirique.
Totalement déconnecté des tendances du moment, l’album donne l’impression d’un petit objet assez fragile et calme accompagné majoritairement de quelques cordes, une guitare claire et la voix ultra grave de Blunt. Elément majeur qui renvoie ici moins au grand Stuart Staples des Tindersticks comme dans le premier « Black Metal » qu’à un Tricky dont le nuage épais de fumée l’entourant se serait dissipé pour se dévoiler véritablement.

Il y a parfois une forme de souffrance ou de lassitude assez difficiles à décrire dans le chant du britannique notamment sur DASH SNOW où sa collaboratrice de longue date Joanne Robertson serait devenu en quelque sorte sa Martina Topley-Bird. Si le disque donne parfois dans le plus sombre, c’est autour de cette association de voix qu’il fonctionne le mieux (SKETAMINE) et devient véritablement musical en prenant des accents 70’s (NIL BY MOUTH). La fin de l’album vire d’ailleurs à l’orchestral avec l’instrumental WOOSAH qui pourrait presque faire penser à du Air. Avant le climax the rot : émouvante ballade remplie de cordes où Blunt et Robertson se répondent en évoquant une possible rupture.

Si la provocation a du bon, elle reste un exercice assez facile qui prend véritablement tout son sens quand il vient se mêler au talent. Ce qui est en somme la marque des tout meilleurs. Dean Blunt l’a largement prouvé en faisant bien mieux que la plupart de ses contemporains en seulement une vingtaine de minutes. Il peut désormais retourner ouvrir des brèches en bousculant l’auditoire des galeries d’art en quête de sensations fortes.

Dean Blunt // Black Metal 2 // Rough Trade

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