«Il faut aimer la vie, même dans ses formes les moins attirantes.» (Jacques-Yves Cousteau)

Regarder la mer engloutir les cabines, caresser les poi

«Il faut aimer la vie, même dans ses formes les moins attirantes.» (Jacques-Yves Cousteau)

Regarder la mer engloutir les cabines, caresser les poissons au coin du feu, danser comme une algue en matant le ciel déformé, Ce très cher Serge est le troisième album du groupe Aquaserge, issu des fonds trépanés d’un inconscient collectif qui fait glou-glou.

Il fut un temps où se réveiller tôt était une bénédiction. Les parents dormaient encore, on pouvait allumer la télé, profiter d’un peu de temps libre avant l’aurore, bien au chaud dans le silence du presque nuit. Bien évidemment sur l’écran, l’étendue des possibles était bien mince, ne restait alors que les documentaires écolo-flippants de Cousteau, un grand navigateur au corps effiloché dont le bout rouge était un repère au milieu du nul part. Aujourd’hui, on en conserve encore quelques bribes d’images floutées par le temps dégarni. De longs travellings silencieux rythmés par une voix spatiale d’un septuagénaire, le vide intersidéral des territoires vierges et l’ombre d’espèces vieilles de plusieurs millénaires. Tout ça, c’était l’enfance, la virginité avec quelques bulles d’air au fond. Et puis allez savoir… Cousteau, c’était peut-être le Keith Richards d’une génération d’aquariophiles.

Aimer la vie, dans ses formes les moins attirantes. L’aphorisme s’applique parfaitement aux toulousains d’Aquaserge. Inaccessible aux amateurs de marée basses, déconseillé aux réfractaires de mondes engloutis, tour à tour prog, récif, jazz, kraut ou psychépop, adaptant sa voilure à la force des vents, parfois Soft Machine sur de tribales embardées, tantôt chrétien-mantra à la Magma sur de proverbiales comptines à quatre minutes sous les mers, Aquaserge tente tout, s’écoute au casque, par vagues successives. En scaphandre biblique, sans repère. Sans refrain, sur des formats courts (Les algues, entre le Jimmy Hendrix Experience et Syd Barrett) ou longs, c’est selon. Sur Visions, c’est la bande-son rêvée d’une course-poursuite de blaxploitation entre un mérou badboy et une étoile de mer un peu sheriff. Plus bas, c’est Errance et sa basse requin marteau-piqueur, krautrock par défaut, jazz par envie, soutenue par les guitares mystiques d’un invité surprise : Makoto kawabata, d’Acid Mothers Temple. Que voulez-vous messieurs, le chœur a ses raisons que même les gros poissons ne connaissent pas. Lorsque le rythme s’emballe et la stridence s’apaise, on croit même reconnaître une filiation avec AS Dragon (première version, rassurez-vous) sur l’intriguant Ce très cher est perdu. Logique, les ex-musiciens d’Hyperclean, ont été formés sur le bateau Tricatel, tournant avec Burgalat, enregistrant d’ailleurs pour le nouvel album d’April March. Eh oui, même sous l’eau, certaines évidences restent claires comme de l’eau de roche.

A vingt mille lieues de toute comparaison, Ce très cher Serge cache sous son écaille dix chansons issues de l’école de Canterbury, dix odes aquatiques à placer entre Rock Bottom, Odessey and Oracle et Amon Duul 2. Hélas, tout comme Brian Jones (ou Claude François, pour les incultes), les français peinent à nager en eaux troubles ; qui saura se faire l’écho de leurs aventures périlleuses ? En attendant le miracle, de ce disque conceptuel, on retient la poésie dada et plusieurs longs voyages sans retour. Beau comme un dauphin échoué sur le bord de mer. Et courageux comme une truite remontant les courants.

Aquaserge // Ce très cher Serge (spécial origines) // Maximal Vinyl Records

http://www.myspace.com/aquoisersje

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