«Agent 238 s’avère être une relecture des ambitions françaises et de l’époque où Concorde, costumes droits et gomina avaient un sens. Le tout sur fond de pop grandiloquente : des violons, un piano et un amour impossible. Ce disque livre un secret, un seul : il est encore possible de viser haut en matière de pop française, dépasser ses idoles, le vouloir ardemment et s’entourer d’un bon crew pour le grand hold-up : cinq musiciens, deux divas et un chef d’orchestre.»
Avec le recul, la biographie écrite par mes soins pour accompagner la sortie du premier album d’Alexander Faem s’avère un brin ampoulée.
Et pourtant, mon mécontentement n’a rien à voir avec le fait que l’album soit francophone (traduction : destiné à ne pas être joué sur les radios françaises) et qu’il évolue sur un registre « pop ». Et puis j’étais content de leur rendre ce service, les musiciens doués ne courent pas les rues, à Paris. Voisinage colère, public inadapté, salles frileuses ; c’est déjà un autre problème.
Le plus encombrant dans cette histoire, c’est qu’il s’avère relativement difficile d’écrire sur de la musique pop. Transcrire la beauté d’un arrangement, la science d’un refrain, la plus-value d’un violon. Bien sur quelques uns s’y sont essayé avec brio (les fameux canevas mélodiques de Burgalat) mais la plupart se prennent souvent un poteau (James Dean du dodécaphonique ?) lorsqu’ils tentent l’analyse du plus simple. Et pourtant, quand le canevas, tout va.
C’est bien connu. Comme tous les calligrapheurs à la petite semaine, ceux qui veulent viser juste et mettent à coté, j’ai surjoué la partition, gonflé les mots, botoxé le sentiment. Parce qu’en France pour se faire comprendre, avouons-le, on n’a du choix que deux solutions : descendre dans la rue ou exagérer. N’empêche qu’Everest est une sacrée chanson. Cette phrase reste à la portée de chacun. Sans emphase.
Avec le recul (reconnaissons que j’en prends pas mal sur cet article, hein ?), s’il fallait décrire précisément la force d’Agent 238, conte-story à la française avec des mélodies dedans, j’opterai aujourd’hui pour un fait du quotidien, quelque chose de simple comme les jours qui rallongent au printemps. Mieux, j’interrogerais le lecteur avec une question subtile qui le ferait réfléchir sur ses propres interrogations pendant au moins une semaine, genre :
A quoi différencie-t-on la pop racée des autres musiques ?
Pour ma part, j’ai enfin trouvé la réponse : Sous la douche, à poil animal, je siffle des mélodies simples et joyeuses. Etrangement, celles d’Aphex Twin et Bat for Lashes résistent moins facilement au jet d’eau savonné. Au lieu de ça, j’ai parlé de Concorde et de nostalgie grande époque. Pas sûr que le contemporain aime la facilité.