En théorie, la musique d’ambiance diffusée dans les salles d’attente, les boutiques ou les services après-vente téléphoniques est censée nous pousser à la relaxation et la concentration. Mais si jamais vous cherchez à péter un câble ou vous suicider, voici une sélection des exemples les plus bizarres de muzak. Hurlements, enregistrements saturés en boucle, compositions expérimentales inspirées des call centers… Idéal pour devenir cinglé.

Si vous cherchez à atteindre le summum de l’angoisse, écouter de la musique d’ascenseur n’est pas franchement l’idée du siècle. Par définition, la muzak – le terme générique qu’on associe plus largement au « genre » – représente même tout le contraire : un son d’ambiance lisse, soporifique, répétitif et emmerdant au possible. Le tout diffusé dans les espaces les plus inintéressants et aseptisés de nos vies, à savoir les ascenseurs d’hôtel (même si c’est rare de nos jours), les salles d’attente, les galeries commerciales ou encore les lignes d’attente téléphoniques.

Née chez l’Oncle Sam, la muzak (un mix entre musique et Kodak, même si la marque et la photo n’ont rien à voir là-dedans) tient son nom d’une société éponyme, fondée en 1934. Basée à l’origine sur des brevets du lieutenant général et inventeur américain George Owen Squier permettant de diffuser de la musique via les lignes électriques, en se passant donc de la radio, la boîte a vite été rachetée par Warner Bros. Le service proposé tournait entre autres autour de deux concepts qui ne respirent pas la liberté artistique : le « stimulus progression » et la « limitation des écarts d’intensité« .

https://www.youtube.com/watch?v=gdJWZxPW45c

Le programme musical que Muzak vend alors surtout à des grosses entreprises, notamment dans les gratte-ciels, suit à la base des séquences de 15 minutes. D’un côté, tout est pensé pour aplatir au maximum la musique afin qu’elle passe ni vu ni connu, avec le moins de contrastes sonores possibles, et de l’autre le tempo s’accélère progressivement. Augmenter la productivité des employés derrière leur bureau, booster la consommation quand il s’agit de boutiques… La muzak est ainsi censée jouer sur le comportement des individus sans trop capter l’attention, en plus de meubler le silence en masquant les voix et les bruits pénibles. D’où une réputation bien pourrie.

Même si ces mécanismes de manipulation plus ou moins inconscients restent très loin d’une hypnose, il est clair que la musique d’ascenseur ne pousse ni à la concentration ni à l’exigence critique, mais plutôt à l’uniformité et à la flemme culturelle. Ça tombe bien : l’influence de l’entreprise Muzak s’est cassée la gueule depuis les années 1970. Au fil de reventes successives, la boîte – de plus en plus ringarde – a progressivement lâché son concept originel pour se tourner vers un système de playlists customisées pour ses clients, avant de frôler la banqueroute en 2010 et de perdre officiellement son nom trois ans plus tard.

Mais ce n’est pas une raison pour abandonner totalement ce magnifique héritage de conditionnement psychologique. Mieux vaut au contraire profiter des pires exemples de muzak existants pour vous vider la tête et y foutre d’emblée un maximum de nervosité ; et même si tout ça n’a aucun foutu sens. Addictions, burnout, manque de thune, pandémie mondiale… Après tout, un paquet de facteurs risquent un jour ou l’autre de vous rendre stressé et névrosé, donc autant s’y plonger de votre propre chef.

1. « Vidéo bizarre avec des choses bizarres et de la musique d’ascenseur »

Commençons soft avec des sons a priori tout sauf tendus, en se concentrant d’abord sur l’aspect graphique qui les accompagnent, avec des montages de qualité supérieure trouvés dans les limbes de YouTube. Première recommandation : la bien nommée « weird video with weird things and elevator music » où l’on profite de notes de muzak tout à fait classiques et peinardes. L’intérêt approximatif réside ici surtout dans la suite de photos sélectionnées (probablement à l’arrache sur Google Images) pour illustrer le morceau. Soit une série de visuels dark de fantômes et de monstres censés faire vaguement flipper, tirés de films d’horreur ou de creepypastas.

Comme alternative un poil moins oppressante, il reste la passionnante vidéo « weird elevator music thing » où l’on suit un type en train de manger une tranche de pizza. L’image a été uploadée dans le mauvais sens, et avec un format complètement écrasé. Une expérimentation artistique couillue, accompagnée de quelques notes ratées de banjo.

2. « La pire musique d’attente de tous les temps ? »

On monte direct d’un cran avec « Worst hold music ever?« . Comme le titre l’indique, la douce musique d’attente qui sort des haut-parleurs du téléphone filmé ici torture et harcèle avec une certaine efficacité l’ouïe. La vidéo ne dure que quelques dizaines de secondes, mais le son – complètement saturé – s’adapte avec perfection à une écoute en boucle. En gros, le rendu fait penser à une chorale d’école devant laquelle les parents regrettent d’avoir fait le déplacement, mais sans doute aussi d’avoir donné naissance à des gamins avec un talent artistique aussi flingué. Logique, en même temps : le morceau diffusé est une reprise « shittyfluted » du Toxic de Britney Spears. A noter qu’après un long et difficile travail d’enquête, je n’ai malheureusement pas réussi à trouver à quel numéro correspondait l’appel. Prions juste pour qu’il ne s’agisse pas d’une ligne d’urgence de prévention contre le suicide.

https://www.youtube.com/watch?v=jM8XdUNhNmU

3. « La musique d’attente de NatWest est physiquement douloureuse »

Autre exemple de musique d’attente tout aussi agréable : celle du groupe bancaire NatWest, du côté de la Perfide Albion, enregistrée dans la vidéo « NatWest’s Hold Music is Physically Painful« . Hurlements tout droit sortis des enfers, ou d’une dimension parallèle où les tympans n’existent pas ? Captation d’un rituel SM extrême ? Sombre plaisanterie d’un informaticien chargée de mettre à jour le système avant de se barrer en vacances ? Cette bouillie de fréquences est en fait censée correspondre à « Now We Are Free », un morceau issu de la BO de Gladiator, composée par Hans Zimmer et Lisa Gerrard de Dead Can Dance. Si jamais vous bossez à la tête d’un centre d’opérateurs téléphoniques, n’hésitez pas ceci dit à garder l’idée de côté pour réduire les temps d’attente : la musique donne instantanément envie de raccrocher (ou bien de se flinguer pour arrêter la souffrance, au choix).

4. « Muzak disruptive »

En mettant de côté le phénomène des playlists « mood » sur les applis de streaming, l’esprit derrière la musique d’ascenseur a inspiré tout un tas de genres musicaux. Née au cours de la décennie passée, la vaporwave, qui puise dans l’univers de la pub et l’esthétique kitch et flashy des années 1980 et 1990, en mixant le tout à de la pop ou du funk par exemple, sample souvent directement de la muzak. Proche de ce son, Disruptive Muzak de Sam Kidel, membre du collectif Young Echo, est pour le coup loin d’être inintéressant. Reste que le concept n’inspire pas forcément à la méditation : l’artiste mélange avec une part d’aléatoire des nappes ambient d’une part, et de l’autre une série de réponses d’opérateurs captées sur une hotline, tous un peu paumés face à l’absence d’interlocuteur au bout du fil.

Sorti sur le label Death of Rave, le projet est scindé en deux longs morceaux de 20 minutes : « Disruptive Muzak » et « DIY Version« , une version instrumentale qui invite l’auditeur à retenter l’expérience de son côté, en faisant écouter la track à des opérateurs sans dire un mot. La pochette reste aussi dans le même esprit, avec la photo d’un poste de bureau désert, une plante en plastique, et un arrière-plan aussi expressif que le paysage du fond d’écran de Windows 98. Bizarre, mais ceci dit plus inventif qu’un remix « vapor-trap » de musique d’ascenseur.

5. « Des beats de metal non-lofi pour stresser/bachoter »

Autre héritier de la muzak : le lo-fi hip hop. Devenu populaire sur YouTube vers 2017, le genre est associé à des playlists diffusées en direct sur la plateforme, mettant en scène une étudiante souvent en pleine session de révision. On peut citer aujourd’hui « lofi hip hop radio – beats to relax/study to » par exemple. Les morceaux, conçus pour chiller ou se concentrer, n’ont donc pas grand-chose à foutre dans cette sélection. Dieu merci, un type inspiré a mis en ligne une playlist anti-lo-fi hip-hop. « NOT LOFI METAL BEATS TO STRESS/CRAM TO« , dont le titre et la fille visible en illustration font référence au genre, n’est pas pensé pour réviser calmement. Au contraire, les sons s’écoutent plutôt si vous n’avez rien branlé en cours, et que vous paniquez au dernier moment pour tenter d’esquiver l’échec scolaire. L’ambiance reste néanmoins moins flippante que les véritables playlists d’ascenseurs encore commercialisées de nos jours, comme le service « Elevator Music » de l’entreprise finlandaise Kone censé « créer l’atmosphère idéale » et « plonger vos clients dans une ambiance de shopping ». L’angoisse, la vraie.

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