Le rail sans fin. Beyond la ligne blanche. Entre les quais, smartphone en main, je donne un sens à une vie qui prend du retard et sera déplacée voie numéro 4. Partout on se plaint, on milite, on exige. Dans mes oreilles on pleure.

Appli Facebook. Ou fatebook ? Quatrième fois en un mois que je reçois un message de copine pleurant sur sa vie. Desperate house-non-wife. Plus étrange, des filles que je n’ai plus côtoyé intimement depuis plusieurs années. Ne vous emballez pas, tas de pervers addicts aux scénarii de films gonzo qui feraient presque regretter la pornographie avec plombier ! Par « intimement » je ne veux pas dire que j’en ai été le chauffeur. En fait cela veut plutôt dire qu’elles m’ont offert quelques fois d’être le passager de leurs vies complexes. Auditeur libre. A l’écoute, comme je le suis sur ce quai. Et là, plus étonnant, tous les messages transpirent le doute. La question « que suis-je censée faire ? » revient en double peine.
« Que puis-je faire ? » aurait été normal. « Que suis-je censée faire ? », c’est la preuve qu’on est larguée. Donnez-moi une direction. J’aimerais leur dire qu’il n’y en a pas, que le monde court à sa perte et que le TER 4765 n’arrivera jamais à l’heure dite, mais le pessimisme est franchement passé de mode. Sinon on aurait relancé le grunge geignard… Nan mais allez, faisons les choses bien alors, cuisinons un peu de meth et mettons un disque de no wave en se reprochant l’état du monde actuel et de ne pas avoir eu de bébé qui ait survécu aux ondes et au dioxyde de carbone. Pfff. Je baille parmi les pénibles moroses.

Sad to say, but  sadness ain’t selling these days.

De son côté, Michael Gira a fait un bout de chemin, laissant les pleureuses de Seattle (coucou Mark Lanegan, tu me vois ?) et les hipsters de New York loin derrière lui. Dans la fumée que déplaçait son van à l’époque du Savage Blunder Tour en 1982. Quand le mastodonte qu’était son groupe, Swans, se tirait la bourre avec les cloches fêlées de Sonic Youth ou les stridences arty-glauques de DNA. New York avait alors l’air d’un fruit pourri et on attendait l’éclosion des oeufs de la vermine. De la meth, il en préparait à 12 ans et partit la vendre en Israël, avant de finir en zonzon à 16. My life in a kibbutz. Swans…

Aujourd’hui Sonic élève une fille dans le New Jersey, Lydia Lunch joue les porte-paroles de la cause vaginale (les monologues du vilain). Alors papy Gira ressort un disque en piochant dans les survivants de ses line-ups passés et dans son mal-être habituel. Toujours insupportablement lourd et lent, ce disque se suffit à lui-même pour les après-midi où l’on a pas le coeur à écouter de la musique. Trois quarts d’heure de la couleur de la pisse de calamar avec des partitions pour cloches tubulaire, cors tibétains, et bouteilles de tord-boyaux que Michael continue d’infliger à son ulcère. Le résultat est impeccable. Particulièrement suggéré si vous roulez vers le crématorium ou le long d’un fossé.

La soundtrack de la cafeteria de France Telecom, le best value des désamianteurs de la Gare du Nord.

J’ai répondu de mon mieux à mes copines. Divorcez de vos mecs, changez de boulot, quittez la Belgique. Ecoutez Swans. Mon pouce court sur l’écran à induction. Dernière chaleur disponible quand l’homme devient froid. Changement d’appli. Les trains prennent du retard. Les gens font la gueule. Je suis très content dans mon merdier personnel. Appli Ipod. Je vais écouter Vu de l’extérieur de Gainsbourg en me marrant tout seul, et lire le Failblog. Dans une poignée d’heures, je vais me remettre ce Swans une dernière fois. Jusqu’à la lie. Et puis je jetterai le CD pour ne pas ouvrir le gaz en écrivant un mémo pour mon canari.

Swans // My Father Will Guide Me Up a Rope To the Sky // Differ Ant
http://swans.pair.com/

3 commentaires

  1. hahaha belle chronique pour un groupe dont on ne parlera jamais assez.
    john mac ps: Ils jouaient quand même pas dans la même cour que Sonic Youth et DNA..

  2. Par ‘pas dans la même cour’ tu veux parler de médiatisation et reconnaissance ? C’est certain oui.
    Niveau qualité des enregistrements et compositions je préfèrerais toujours échanger ma SG contre les deux premiers albums de Swans que l’intégrale de DNA.

    Je n’évoquerais pas SY ; c’est intouchable à mes yeux.

  3. Nan je me suis mal exprimé, je pense juste que les Swans ont, musicalement, pas grand chose à voir avec les deux autres groupes. Ok ils étaient de New York, ok il(s) étai(ent) dépressif(s), mais ça s’arrête là.. Gira a quand même prit de plein fouet la vague punk us californienne avant d’arriver à New York il me semble. Ca a son importance quand tu vois l’influence qu’il a eu sur les Melvins et Godflesh.
    Bon après c’est peut être juste de la taxinomie universitaire à deux euros et ça a pas franchement sa place dans une chro’ Gonzai.

    Et j’aime certains trucs de DNA et je ne refuse jamais un petit Daydream Nation.

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