Avec la disparition du festival parisien FAME, lui aussi consacré à cette objet d’art qu’est le documentaire musical, l’initiative lancée en 2014 par Musical Ecran est désormais la seule de cette taille en France. Un comble au regard de la multiplication des écrans et vidéos musicales en une décennie, et qui souligne d’autant plus l’importance de ce format long dans un paysage fragmenté par la tyrannie de l’immédiateté. Richard Berthou, programmateur, fait le point sur cet anniversaire un peu spécial.
Comme chaque année, la programmation du Musical Ecran est impeccable. En 2024, on y retrouve des pièces majeures de la pop culture avec 33 films programmés, 6 docus en compétition et des oeuvres consacrées à Robert Wyatt (Free will & Testament : the Robert Wyatt Story), Damo Suzuki (Damo Suzuki, le chant de l’imprévu), Blur (Blur : to the end), Ravi Shankar (Entre deux mondes) ou encore Herbie Hancock (Dans l’intimité d’Herbie Hancock). Autant de bonnes raisons de faire le point avec son programmateur sur l’impact du dernier festival de docu musical sur le public français, en espérant que ces acharnés de la pellicule continuent à nous en mettre plein les mirettes.
Toutes les infos sur Musical Ecran sur le site officiel.
Qu’est-ce qui a changé pour vous en dix ans, dans votre conception du documentaire musical ?
Musical Écran a commencé au moment où Netflix est apparu en France. La distribution en ligne, à son apogée pendant la pandémie, a changé le cours des choses. Mais la ligne éditoriale du festival est aussi très différente des objectifs des plateformes puisque nous nous sommes plutôt intéressés aux aspects socio -culturels historiques et géopolitiques de la musique et de ceux qui la font même si certains documentaires sont des portraits. Le fil conducteur étant de démontrer en quoi et comment la musique est toujours en avance sur la société. A l’inverse, les plateformes sont essentiellement friandes de participer à la diffusion d’artistes mis en avant par une promotion numérique omniprésente et hypnotisante. Le principal écueil pour nous est donc de ne quasiment plus pouvoir obtenir des droits sur des sujets autours de la musique rap et ces dérivés ces productions étant immédiatement préemptées. Mais ce public-là est-il aussi vraiment prêt à venir en salle ?
Il y a aussi la question du rajeunissement du public, qui impacte globalement les festivals. N’oublions pas non plus que, suite à l’arrêt du Fame à Paris, nous comme sommes maintenant le seul festival aussi clairement spécialisé en France. Il nous est possible de nous concentrer essentiellement sur le sens de notre programmation que je résumerai, en particulier cette année, par cette phrase de Jack Womack, écrivain américain de science-fiction proche du mouvement cyberpunk : « On ne peut pas savoir où l’on va sans savoir d’où l’on vient ».
La multiplication des écrans et des formats impacte-t-elle votre conception du festival ?
Oui, et je pense que c’est une très bonne chose dans la mesure où cela aide à situer voire à dépoussiérer la forme documentaire souvent associée à une forme de travail très militant issu des années 70, car c’est encore souvent celle qui est défendue par les instances publiques qui aident à sa production et sa diffusion.
En cela, notre partenaire Arte est en avance avec les séries documentaires et vient encore de le prouver avec sa série sur DJ Mehdi qui a suscité un buzz surprenant. Malicieusement j’aurais presque envie de dire que tout d’un coup tout le monde a découvert l’arrière-boutique de la French Touch et du rap français que beaucoup avaient largement raté à l’exception des quelques grands noms, il y a 20 ans. Plus besoin d’expliquer et surtout de défendre l’intérêt du documentaire musical, longtemps confondu avec les biopics ou autres concert filmés …
Votre bilan après 10 ans d’activisme ?
Avoir été en avance sur l’intérêt du public et son goût pour la compréhension de l’histoire de la musique et de ceux qui la font est pour nous une très grande satisfaction. Cela ne peut que continuer à nous persuader que la forme du festival en salle est la meilleure pour continuer notre travail de laboratoire, parfois quasi clandestin si l’on s’attarde sur le périlleux modèle économique de celui-ci, et c’est ici ’occasion de saluer ici toutes ceux qui nous aident bénévolement depuis le début de cette aventure. La programmation de cette année c’est donc en partie concentrée, années olympique oblige… sur les anti héros !
1 commentaire
Bonjour. Il convient de préciser que le festival Musical Écran n’est qu’un des événements entièrement portés par l’association Bordeaux Rock, qui célèbre en cette année 2024 son 20ème anniversaire. Bordeaux Rock organise surtout chaque année à la veille du printemps le festival qui porte son nom. Centré sur la valorisation du terroir musical du cru, l’association Bordeaux Rock animée par de nombreux bénévoles anonymes a surtout pour vocation d’organiser des concerts avec une majorité de groupes locaux auxquels le festival offre une large exposition. A la programmation de ces groupes locaux s’ajoute celle de têtes d’affiche plus connues ( Thurston Moore, Pete Doherty, les Buzzcocks, les Undertones ont été en vedette au cours des années) . Les 4 salariés de l’association Bordeaux Rock assurent à longueur d’année un travail considérable, recherche des précieux partenariats sans lesquels rien n’est possible,, quêtes de subventions sans lesquelles rien ne se fait non plus, travail administratif, logistique, une infinité de tâches qui sont essentielles à la bonne marche de l’association, et de ses activités. Sans eux, il n’y a rien de possible, et il est important de le souligner.