Alors que Souchon, Voulzy et tant d’autres vétérans des playlists Europe 1 semblent désormais en voie de sanctification critique et que Daho trône désormais comme Grand Oncle d’une certaine idée de la French Pop « crédible », une relecture du patrimoine de la chanson française semble s’imposer. De cette rivière croissante de talents décomplexés, j’ai extrait pour les lecteurs de Gonzaï, un prometteur producteur toulousain dont on devrait parler bientôt…

Ta musique s’inscrit clairement dans un créneau musical banni par l’intelligentsia des décennies précédentes : la variété française. Qui sont tes mentors musicaux d’hier et d’aujourd’hui  ? Comment s’explique selon toi, le regain de crédibilité de ce genre de pop « à la française » ?

C’est marrant parce que jusqu’à très récemment je n’avais absolument aucune culture musicale française, enfin je parle de la variété française des années 70/80. Pas plus tard que hier on m’a dit que ce que je faisais pouvait faire penser a du Michael Jonasz et j’ai honte de le dire, mais je n’avais pas la moindre idée de qui c’était. Il faut savoir que ma mère est anglophone, que mon père écoutait exclusivement du classique et que je n’avais ni la radio ni la télé et donc je n’ai pas eu accès à tout ça. Sorti de Gainsbourg et de Dutronc, qui d’ailleurs bossait avec des Anglais, je ne connaissais rien. Du coup tu comprendras que je suis incapable t’expliquer ce que tu appelles le « renouveau de la pop à la française ». Peut être qu’aujourd’hui, âge du post modernisme, on pioche simplement dans ce qui nous plaît sur le moment sans y attacher les connotations morales ou esthétiques de l’époque, pour le meilleur et pour le pire, simplement pour les détourner, se les réapproprier…

« Dans le Tarn, d’où on vient, les mecs étaient plutôt branché métal, babos, baggy ou festif… »

Tu viens de la scène mod. Par quelles découvertes et métamorphoses es-tu passé pour aboutir à la musique que tu proposes aujourd’hui ? »

Tu es bien renseigné ! Effectivement pendant mon adolescence j’ai été fasciné par les mods anglais des 60s, avec ma bande de potes on regardait « Quadrophenia » des Who en boucle et on avait monté un groupe de garage avec lequel on a écumé toute les salles de concerts de notre région. On a vraiment été marqué par la démarche esthétique de ces prolos qui claquaient toutes leurs économies dans une paire de pompes ou un trois pièces sur mesure, histoire d’avoir du style. Ya vraiment quelque chose de situationniste là dedans, dans le fait de détourner l’image, les codes d’une autre classe sociale… c’est ça qui nous bottait, en particulier dans le Tarn d’où on vient, et où les mecs étaient plutôt branché métal, babos, baggy, festif etc.

Comme beaucoup d’artistes actuels, ton projet est un kolkhoze où le featuring est un sésame. Avec qui collabores-tu et pourquoi ?

En fait je ne suis pas tant kolkhoze que ça.  J’ai plus ou moins passé deux ans seul enfermé dans mon petit studio, à apprendre, tester et expérimenter mes machines et mes instruments; il fallait que j’apprenne à me connaître, savoir ce que j’aime, ce que je peux faire, de ne dépendre que de moi, d’être le dernier décisionnaire. Même si cela à été parfois extrêmement frustrant, ça a aussi satisfait ma nature de control freak, de perfectionniste. Une fois ma phase d’ermitage passée, j’ai pu faire appel à d’autres personnes pour voir si ça les intéressaient de collaborer sur mes projets. En particulier des chanteuses, parce que j’avais en tête de faire une sorte de concept album de producteur avec quasiment une chanteuse différente par morceaux. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec Pauline Gerard que j’ai rencontré avec Maxwell Farrington, un Australien pour qui j’ai enregistré un album. Puis il y’a eu Marion Jo, une super violoniste qui joue avec les copains de BOOST 3000. Enfin, il y a Tania Bel Maharzia qui m’accompagne pour le live et qui habituellement joue avec Vermeil Solarium, un autre super groupe de pop de la scène Toulousaine. Même si j’aimais bien le mythe des producteurs solitaire qui sculptent un son personnel et intime dans leurs piaules, comme Mac Demarco, Ruben Nielsen, ou Kevin Parker, je me rends compte que je n’aurai rien pu faire sans certaines personnes : Dorian Cruz, l’un des réalisateurs du clip et qui assure aussi certaines lignes de basse dans l’album, Theodorus Coxon pour les arrangements de guitare et aussi Emmanuel Mario qui m’a donné de très bons conseils. Bref, ça fait un peu liste de remerciement là non ?

Pour du bon son, il faut aujourd’hui une bonne esthétique. Le clip de Faro, qui rend hommage aux 70’s, pose une esthétique. 

Le concept c’est la pop méditerranéenne. Je suis très attiré par la dolce vita, les ambiances et les couleurs dans le film « La Piscine » avec Delon, cette lumière de Côte d’Azur qu’on peint Renoir, Picasso ou Matisse. J’aimerai que ma musique illustre ça, à sa manière.

« Je ne crois pas que le Français soit plus cool aujourd’hui que hier. »

Tu es certes un électron libre, mais tu es aussi actif au sein du collectif d’artistes/producteurs de l’Ambassade. Peux-tu nous en parler ?

On en revient au Kolkhoze ! Là pour le coup, on en est beaucoup plus proche. Toujours avec la même bande de potes on a commencé par faire de la programmation de concert, organiser des soirées, faire jouer les groupes qu’on avait envie de voir dans notre ville mais que personne d’autre ne programmait. Du coup on a créé une association et on a commencé par Julien Gasc, puis on a enchaîné par Catastrophe, Bertrand Burgalat  ou encore François Club et Ed Mount. Maintenant on se dirige plus vers une activité de label à proprement parler. On vient de sortir notre deuxième compilation qui réunit une dizaine d’artistes avec lesquels on a travaillé ces six derniers mois, toujours très orientée pop, mais avec quelques instrumentaux et un côté un peu plus B.O, voire psyché. Mon boulot la dedans c’est la gestion du studio d’enregistrement, je produis certains morceaux, et je file un coup de main pour des prises de batterie ou autre arrangement et programmation de synthé. Je sors aussi d’autres titres sous pseudonyme pour des projets alternatifs avec Jeffers Waldo et Gabin.

Tu es franco-australien. Comptes-tu proposer une version internationale de ton répertoire ou bien vas-tu, à l’instar d’un Tellier ou d’un Gainsbourg, persister dans la langue de Molière à l’export ?

Pour le moment je vais finir cet album en français, bien que ça ne soit pas impossible que vienne s’y glisser un ou deux refrains en anglais, ou même en portugais, voire en japonais. En fait j’ai bien envie de faire un petit concept EP en plusieurs langues. Je suis en train de plancher dessus et de voir avec les gens que j’ai autour de moi ce qu’il est possible de faire. Mais ça sera pour le prochain projet et il se passera surement 10 000 autres choses entre temps.

Il existe maintenant une coolitude planétaire du « frenchy and chic ». Comment définirais-tu le phénomène ? Comment l’expliques-tu ?

Franchement je n’en sais rien… Je ne sais pas si on peut parler de phénomène, puis je sais pas si on peut limiter ça à l’époque actuelle. Je ne crois pas que le Français soit plus cool aujourd’hui que hier. Il y’a toujours eu des courants de notre culture qui ont su plaire à l’étranger. Des choses aussi diverses que la Nouvelle Vague ou la French Touch, difficile de comparer.

3 commentaires

  1. chez nous tout les ‘tubards’ ramassés en broc @ vingt centoches direction les Motels aux UZA! chaque mois que dieu fasse!

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