Il aura fallu plusieurs conciliabules, la mort de trois secrétaires et un huissier de justice pour se mettre d'accord sur l'utilité d'un top de fin d'année. Les délibérations et la tentative d'un consensus à la François Hollande n'ayant pas été concluantes, nous vous livrons ici un top anti-collégial où chacun des membres de Gonzaï joue de son petit violon pour vous servir son instant préféré d'une année riche en sorties dispensables. Sortez les tamis, on a pourtant trouvé des pépites.

Le choix de Vernon :
Lumerians – « Transmissions From Telos Vol IV. »

Le disque de l’année ne chante pas, fout les jetons et refile des frissons. Un diamant brut en quatre tracks où le psychédélisme s’explore par la face no(i)rd, là où le soleil a cessé de briller. Pour des Californiens, ça n’est pas rien. A écouter avant, pendant et après la fin du monde.

Le choix de Bester :
Egyptology – « The Skies »

La seule fois où je me suis retrouvé à faire un inventaire, c’était de nuit dans un Auchan, portes fermées, avec une armée d’étudiants comptant de la boite de petits pois comme si leurs vies en dépendait; que scanner du rouleau Sopalin s’avérait aussi important que de dresser des listes de fin d’année pour tenter d’ériger en haut de pile des disques qu’on ne réécoutera pas avant la reformation des Strokes en 2025, gras, chauves et nostalgiques, bref à notre image. Certains de mes collègues ayant sans honte pioché dans la liste des albums chroniqués ici même par votre serviteur – qu’ils brûlent en enfer en écoutant « My god is blue » de Tellier jusqu’à la deuxième mort – l’idée d’une cristallisation de l’instant 2012 ne m’enchante guère et l’idée d’un top est égale dans mon esprit au cauchemar que pourrait représenter une discussion avec Christophe Barbier pour causer géopolitique et synthétiseurs. Les rockeurs à cuir collé peuvent bien hurler, mais les synthés, il en fut justement question sur le premier album d’Egyptology; cela reste à ce jour le plus grand moment de bravoure entendu en 2012, c’est à la fois un disque français qui sort du lot, un shoot d’héroïsme dérisoire joué en T-Shirt 100 % coton et une esthétique rétro-visionnaire dans toute sa splendeur qui fait le joint entre Ramsès II et Blade Runner, ces livres dont vous étiez le héros et cette part du futur qu’on n’aura jamais.

Le choix de Sigismund Benway:
And Also The Trees – Hunter not The Hunted

Une mandoline dans la lande, la mélancolie new wave sans la boîte à rythme homme ou machine pénible, une carcasse de chanson dévorée par le sel, c’est And Also the Trees qui remporte le championnat aux points, simplement grâce au nombre de lectures ITunes.

Le choix de Romain Oswald:
Fauve ≠ Kané

« Et l’on admire toujours ce qu’il y a de mieux dans un genre, même lorsqu’il advient que ce genre n’est pas spécialement séduisant » (Thomas de Quincey, La nonne militaire d’Espagne). Donc voici une chanson (je n’ai pas d’album de l’année, j’aime très peu d’albums de toute façon et n’en suis pas amateur en général) que j’ai écouté une fois mais que je n’écouterai pas deux. Néanmoins, j’y tiens assez, elle illustre bien ce qu’a été 2012 pour moi (du one shot).

Le choix de Jüül :
Blues Control – « Valley Tangents »

Se demander ce qu’aurait été son goût en musique si on avait rencontré tel ou telle il y a cinq/dix/quinze ans. Can/Coil/Coolio. Relire un article sur la dissolution des frontières entre underground post-noise américain et dance music fonctionnelle, « via those fields’ shared obsessions with bodily impact. » Ne pas arriver à danser. En parler plus tard et se mettre d’accord sur Tortoise en se regardant dans le blanc des yeux. Ajouter James Ferraro à son best of 2011 reporté sur Facebook dans l’espoir de rendre la démarche réflexive. Lol, boy.

Le choix de Madonna Summer :
Django Django – « Lp »

Dès fin janvier, l’affaire était presque entendue : il serait difficile pour la concurrence de s’aligner sur un tel premier album, œuvre syncrétique réalisée par quatre anglais à la culture musicale XXL (de la pop « classique » des 60’s jusqu’à l’électronique la plus contemporaine) mais suffisamment doués pour en livrer un condensé parfaitement digéré. Il y a le fond, il y a la forme, chaque morceau est truffé d’idées géniales. Quelque chose de plus stimulant en 2012 ? Creuse.

Le choix de Bob le Flambeur:
Wall of Death – « Main Obsession »

Le meilleur album de l’année ?  La réponse me semble aussi douloureuse que d’avoir un frère siamois hémiplégique et vu qu’on est plusieurs dans ma tête nous avons délibérément choisi de ne pas nous plier au jeu et de répondre par des concerts. D’abord Damo Susuki à la Maroquinerie parce que c’était un putain de fantasme, JC Satan à Mains d’oeuvres parce qu’on a pris une légion en marche dans la tronche, Ty Segall au festival BBMIX parce que c’est un shoot pur d’adrénaline et enfin l’album de Wall of Death, parce qu’il fallait bien répondre à la question initiale.

Le choix de Sam Ramon :
Melody’s Echo Chamber – S/T

Et tous étaient devenus subitement fous. Certains piétons, traversant les avenues n’importe comment, manquaient de se faire dézinguer à tout moment; d’autres affichaient constamment un sourire niais sur visage détendu, les yeux perdus et le taux de glycémie sanguin passablement haut. La science, impuissante, parlait d’un nouveau virus asiatique inconnu fabriqué en masse. Seul et unique responsable de ce chaos rampant, un disque – et français par-dessus le marché : Melody’s Echo Chamber. Le grand songwriter Jimmy Webb l’entendant se serait écrié: »And when your dreaming vanishes like snowflakes in the summer sky »…

Le choix de Jean Malback :
Femminielli – « Double invitation »

Depuis que Sébastien Tellier a arrêté la musique pour se lancer dans le stand up, je n’avais plus de playlist pour mes soirées Youporn. Puis le sosie officiel de Tony Clifton est arrivé dans ma vie, suant le vice et la poésie par tous les pores et depuis mes soirées sont plus belles. C’est beau Youporn la nuit… sur du Femminielli.

Le choix de Hilaire Picault :
Dr. John – ‘Locked Down’

Qu’un redneck de l’Ohio fasse danser le roi des crocodiles, ça peut arriver. Mais qu’un Black Keys fasse sonner un vieillard obèse comme une pépite oubliée de la Motown, ça relève du conte de fées.

Le choix de Nicolas Giraud :
Wall of Death – « Main Obsessions »

Efficace et pompéien. Je ne m’attendais pas à grand-chose d’autre que d’écouter de la bonne musique en traînant à la Nuit Sale et Garage à Mains d’Œuvres. J’étais content aussi de voir un ou deux groupes que je n’avais pas eu l’occasion de voir.
Et puis il y a eu le set des Wall of Death. Ensuite je me suis dit que si la musique est souvent un marqueur social, elle peut aussi être un putain de psychotrope. Sur le moment je me suis juste dit que c’était Pompéi.

Le choix de Matt Oï :
Arun Tazieff – « At such a speed »

Puisqu’un de mes confrères a déjà choisi les Wall of Death et leur magnifique « Main Obsession », je place une autre valeur montante de la scène rock psyché parisienne dans ce top, les Arun Tazieff et leur album At Such a Speed. Peut-être une référence aux Fab Four et leur I’m only sleeping auxquels quelques clins d’œil sont adressés dans ce superbe opus invitant King Crimson, Soft Machine, Tame Impala ou encore Mr Bungle dans une orgie de fuzz, de rythmes déconstruits et de mélodies planantes faisant forte impression en concert.

Le choix de Roger de Lille :
Arthur Pym and the Gordons – S/T

Du garage, brut, bordelais et bas de plafond. Assez sale pour être cool, et assez cool pour me faire danser depuis bientôt un an. Aussi punk qu’années 60. Un riff efficace ultra répétitif en face A, une face B dont le tout début ferait penser à du Dead Kennedys avant de migrer. La classe. Pas mieux.

Le choix de Sylvia Hanschneckenbühl :
Spiritualized – « Sweet Heart, Sweet Light »

Beau comme des échangeurs d’autoroutes à Saint-Denis Porte de Paris. Une histoire d’amour qui s’effiloche, une autre à laquelle on renonce, la nostalgie des choses qui ne sont plus, et de celles qui ne sont jamais arrivées… Tout cela est dans cet album.

Le choix de Ismène De Beauvoir :
Sharon Van Etten – « Tramp »

Comme aurait pu le soulever le regretté Poulpe, Tramp (traînée) est une parfaite remise en question de ma théorie de la musique de fille. C’est aussi l’un des rares albums de 2012 qui me suivra.

Le choix de Astrid Karoual:
El Perro del Mar – « Pale Fire »

La blondeur aryenne, l’oeil blasé et le dos voûté, la suédoise El Perro del Mar pourrait effrayer sous ses airs d’Alison Goldfrapp austère, et pourtant le groove suave de sa voix a quelque chose de réconfortant et d’irrésistible. Le feu sous la glace.

Le choix de Sylvain Fesson :
Russian Red – « Fuerteventura »

Le deuxième album très pop fifties/sixties (que certains jugeront trop girly rossignol). Ce n’est donc pas très Gonzaï like, mais voilà je m’en fous et comme je n’en n’ai pas trop (voire pas du tout) entendu parler dans les médias et que je n’ai moi-même pas réussi à placer d’articles sur elle j’en profite in extremis pour dire ici que ce disque m’a fait planer cette année et qu’il devrait continuer à le faire, notamment ce morceau, I Hate You But I Love You.

Le choix de SG :
Swans – « The Seer »

Quand Dieu redescend sur terre pour prendre la parole, il se met dans la peau de Michael Jordan et raconte qu’il vaut mieux essayer d’escalader, traverser ou contourner une montagne plutôt que de rester planté en bas. Je ne crois pas que Dieu se soit glissé un jour sous la peau de Michael Gira, mais *The Seer* de son groupe Swans est définitivement l’Everest de 2012, et il me faudra encore quelques années pour en faire totalement le tour. Mon disque de 2012, 2013, 2014 et 2015 au moins.

Le choix de Blandine Wurtz :
Get Well Soon – « The Scarlet Beast O’Seven Heads »

Konstantin Gropper est mon Neil Hannon des années 2000. Il transpire le romantisme. Son seul petit accent germanique quasi imperceptible mais si raffiné me donne envie de traverser le Bad Wurtemberg en Opel Vectra; à l’écoute de ces atmosphères parfois tout droit sorties d’un western (aber eastern, le gars est Berlin born and raised), mon lyrisme s’enflamme, ma corde est plus sensible. Scarlet Beast of seven Heads: deutsche qualität.

Le choix de Benjamin Boris :
Rodriguez – « Cold Fact »

En 2012, j’ai passé mon temps à écouter ce que j’avais manqué en 2011. Du coup, j’ai hâte d’être en 2013 pour pouvoir vous parler de ce que j’ai préféré en 2012. Mais je crois que ça se passera du côté des sorties de Versatile, Pan European Records, Tricatel, et chez les jeunes activistes de Cracki Records qui en ont fait bien des choses en seulement un an. Pour l’instant mon disque préféré de 2012 date plutôt de 1970, s’agissant de la bande son du film *Searching for Rodriguez*, sortant bientôt. La plupart des chansons proviennent de l’album *Cold fact*, #1 du top de ma vie. Je passe sur son histoire maudite, le film la racontera mieux que moi, mais cet album est juste une des choses qui rend le monde plus beau ; sorti en 1970, c’est presque une synthèse parfaite de tout ce qui s’est fait de mieux dans les années 60.

Le choix de Syd Charlus:
Toxic Kiss – « Happy Alpha Air »

La meilleure fin d’album de 2012, finger in the crise, guys. « Briser là », c’est l’élégance suprême, pensez à McCa et Her majesty sur Abbey Road! Ici, Today et Journey’s end, deux chansons parfaites, bouclent le dossier. Soit des guitares, un grand chanteur, un furax qui tartine le mix de claviers faisandés. Les mêmes sur scène au Bus Palladium, c’était l’extase, comme si ce satané 2012 n’avait jamais existé.

Le choix de Rosario Ligammari
TRST – « Trust »

A première lecture, on croirait une mauvaise blague de Bernie Bonvoisin, à première vue (la pochette), un paquet surprise d’Undercover Slut, à première écoute, du Blutengel relifté de meilleur goût et, sur la fin de Candy Walls, la grâce (voix et mélodie) qu’Interpol a envoyé valser depuis The Lighthouse. On croirait mais, en fait, pas du tout : Trst envoie une post-cold wave hot en couleurs, entre Front 242, Austra et un plan SM dans la batcave. Bonne année, bons synthés : In Trust we trust.

18 commentaires

  1. Trust c’est bien mais cet album TRST ne vient pas du groupe de Bernie Bonvoisin, mais d’un groupe canadien. Erreur ou oubli, il me semblait bon de le préciser.

  2. J’aurais bien placé un petit Slaughterhouse de Ty Segall ainsi que le dernier Tame Impala mais bon c’est pas mon top et Technikart l’a déjà fait.

  3. On me demande pas mon avis mais je le donne quand même !

    Le on the hot dog street de GO Kart Mozart ! Lawrence est un génie ! Il a dépassé Jarvis Cocker depuis endormi
    Melody Echo Chamber !
    Le Bill Fay !!
    Le dernier Tame Impala ne vous déplaise ! ;-D
    Le dernier The School !
    Le Toutes directions de B.B
    et le Tahalomy way des High Llamas !! (Drag city)
    Je respecte vos choix ! Mais parfois, j’aime ajouter mon grain de sel !

  4. @ Sylvain : Tout-va-bien. L’as tu écouté jusqu’au bout ? J’adore quand ils font du barouf. Après, je t’accorde que c’est pas le disque idéal pour s’asseoir sur ses idées les plus noires. Mais enfin, là où vont ces gonzes, c’est beau, je trouve.

  5. Nan, je t’avouerai que j’ai pas été jusqu’au bout ! C’est « marrant » d’écouter ce que chacun a retenu de l’année. Perso, pour l’instant, j’aime bien ce qu’on retenu Roman, Sylvia, Blandine et Benjamin. Fauve, j’avais pas encore écouté et c’est beau oui. Le Spiritualized bah il fait toujours son effet et le clip déchire. Le Get Well Soon fait joliment feu de tout bois (Divine Comedy + Arcade Fire) et Rodiguez, yes, j’avais dû découvrir en 2009, un truc comme ça, suite à une réédition et j’avais adoré…

    Sylvain
    http://www.parlhot.com

  6. Totalement d’accord Vernon: même sans être un grand adepte des jams (Sister Ray mis à part), j’ai passé les 5 ou 6 derniers mois a écouter le Lumerians en boucle. Et puis la pochette est géniale.

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